Je suis donc entré dans le camp comme un simple particulier, au grand désappointement du commandant supérieur ; mais hier, au moment de mon embarquement, je n’ai pu éviter les honneurs rendus par l’armée à son peintre. […] Tout à côté, je note quelque chose de plus humble et de tout simple. […] « En arrivant, j’ai trouvé, comme vous me l’aviez dit, une lettre de vous datée du 9, mon cher Delaroche ; quoique vous ayant vu depuis, j’y réponds par la raison toute simple qu’elle traite des questions graves qu’il m’importe à mon tour de traiter de vous à moi ; car je veux et je dois vous ouvrir mon cœur tout entier, au risque de vous déplaire sous certains rapports, et peut-être de voir nos relations se refroidir de nouveau ; mais il est des circonstances où ce serait un crime de se taire, puisqu’il y va de votre bonheur à venir et de vous préserver du plus affreux de tous les malheurs, de cette douleur sans compensation de rester seul sur la terre ! […] Un autre jour, Horace était au bord du lac de Genève, il prenait quelques croquis, de simples indications.
Victor Hugo, au contraire, n’a eu besoin que de son âme, d’ouvrir les yeux autour de lui, au milieu de nous, de décrire une maison déserte et un jardinet inculte dans un de nos faubourgs les plus reculés, et d’y placer deux êtres qui se sont entrevus, deux innocents, deux sauvages de la grande ville, Cosette et Marius ; et, avec ces simples personnages, il a fait, en racontant leurs entrevues et leurs entretiens, le plus ravissant tableau d’amour qu’il ait jamais écrit. […] « Cependant elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il avait de beaux cheveux, de beaux yeux, de belles dents, un charmant son de voix, quand elle l’entendait causer avec ses camarades, qu’il marchait en se tenant mal, si l’on veut, mais avec une grâce à lui, qui ne paraissait pas bête du tout, que toute sa personne était noble, douce, simple et fière, et qu’enfin il avait l’air pauvre, mais qu’il avait bon air. […] « Ceci étonne, et rien n’est plus simple pourtant. […] Cela lui paraissait si simple qu’il fût là !
Les peaux décolorées par les fards, les yeux cerclés de vert ou de bleu, les sangs pauvres et les nerfs détraqués des races vieillies, les humeurs fantasques précédant les maladies mentales, les vierges d’une perversité précoce, les vices qui s’épanouissent comme des moisissures sur le fumier des sociétés en décomposition, toutes les dépravations savantes des civilisations faisandées, ont naturellement la séduction des choses rares pour le décadent qu’horrifient les simples amours comprises de tout le monde. […] De Gautier à Baudelaire, de Baudelaire au Parnasse, du Parnasse au décadent, on voit grandir et se préciser cette infatuation de l’artiste qui le détourne de la source des grandes inspirations et le rabaisse au rang d’un simple virtuose. […] Zola, lui, fut sauvé par un merveilleux instinct d’écrivain — le roman symbolique édifiera son œuvre de déformation subjective, fort de cet axiome : que l’art ne saurait chercher en l’objectif qu’un simple point de départ extrêmement succinct. […] Il faut le louer aussi d’avoir donné le premier l’exemple d’un style simple et utile, le style des affaires.
Leur vie est à la fois naïve et sublime ; ils célèbrent les dieux avec une bouche d’or, et sont les plus simples des hommes ; ils causent comme des immortels ou comme de petits enfants ; ils expliquent les lois de l’univers, et ne peuvent comprendre les affaires les plus innocentes de la vie ; ils ont des idées merveilleuses de la mort, et meurent sans s’en apercevoir, comme des nouveau-nés. » Ce qu’il faut exclure, c’est la théorie qui, dans l’art, demeure indifférente au fond. […] Le savant aura beau sourire des larmes du poète ; même dans l’esprit le plus froid, il y a une multitude d’échos prêts à s’éveiller, à se répondre ; une simple idée, venue par hasard, suffit à en appeler une infinité d’autres, qui se lèvent du fond de la conscience. […] Comparez une simple description poétique, quelque belle qu’elle soit, à une belle pièce inspirée par une idée ou par un sentiment vraiment élevé et philosophique : à mérite égal du poète, les vers purement descriptifs seront toujours inférieurs. […] L’enfant rêve souvent tout haut, prononce des bouts de phrase ; aujourd’hui un simple petit mot : « Pourquoi ?
Ce trait, exprimé dans le dialogue le plus simple, et sans aucune pompe tragique, peint, selon moi, mieux que tous les efforts du poëte n’auraient pu le faire, la pusillanimité, la défiance et l’abjection du tyran demi-vaincu. […] Cette insouciance, mise sous les yeux du spectateur, le frappe beaucoup plus qu’un simple récit n’aurait pu le faire. […] Une suppression plus importante à laquelle je me suis condamné, c’est celle de plusieurs scènes dans lesquelles Schiller faisait paraître de simples soldats, les uns au milieu de la révolte, et que Wallstein s’efforçait de ramener à son parti, les autres, qu’un général gagné par la cour engageait à assassiner Wallstein. […] Quoi de plus simple que d’imaginer que cet effort de la nature pour pénétrer en nous n’est pas sans une mystérieuse signification ?
Nous sommes, nous serons toujours des primitifs, et trois ou quatre notes simples, dans tous les arts, résumeront cette perception, et suffiront à rendre toute la grandeur, toute la valeur poétique de cette apparition de la beauté. […] Vous avez tous présente à l’esprit cette fable très simple qui fait le fond du roman. […] Par la simple faveur qui se permet quelquefois de distinguer le mérite ? […] Et si le temps ne me faisait défaut, je voudrais développer devant vous notamment, cette thèse non pas neuve, mais peu familière à beaucoup d’esprits et qui est celle de Fromentin, à savoir que la peinture n’exprime pas nécessairement une idée, qu’elle peut n’avoir « rien de pathétique, d’émouvant, surtout de littéraire », et cependant nous charmer et remplir son but, ou l’un de ses buts, qui est de réjouir l’âme humaine, par la simple beauté des couleurs et des lignes.
Bien des personnes qui n’ont connu son nom que par ce dernier conflit ont conçu l’idée la plus fausse de M. d’Alton-Shée, dont les origines sont en effet assez complexes et dont la formation intellectuelle n’est pas simple. […] Cependant un sentiment de solidarité s’y développe chez lui ; opprimé, il prendra aussitôt parti pour les opprimés : « Ces souffrances de l’éducation universitaire ont laissé dans mon âme des traces ineffaçables ; elles y ont développé de bonne heure les instincts de solidarité au point que je n’ai jamais été témoin, que jamais je n’ai entendu le simple récit d’une injustice sans en ressentir le contre-coup ; je leur dois encore d’avoir été, dans toute l’étendue du mot, un excellent camarade. » La lecture de Gibbon commença de bonne heure son émancipation en matière de croyances.
C’est un avertissement que je crois devoir à ces jeunes écrivains simples avec tant de recherche, naturels avec tant de manière, éloquents avec si peu d’idées. […] C’est tout simple, il n’y a plus jouissance de notre supériorité, il y a au contraire vue du malheur pour nous ; en descendant de voiture, je puis aussi me casser la jambe.
On fait une langue claire, simple, régulière, fine, toute en nuances, et d’une exactitude merveilleuse dans sa précision un peu sèche. […] On croit bonnement que la société peut se refaire par une simple opération de raisonnement, et que les faits se mettront tout seuls d’accord avec les vérités idéales.
Le moyen le plus simple et le plus ordinaire qu’il ait employé, est l’incognito, à des degrés, et, pour ainsi dire, à des puissances diverses, selon l’écart du fait et des bienséances ; cet incognito est simple quand l’un des acteurs est connu de l’autre, réciproque quand ils se méconnaissent tous les deux, personnel quand le sujet s’ignore lui-même.
L’avénement du Messie avec ses gloires et ses terreurs, les nations s’écroulant les unes sur les autres, le cataclysme du ciel et de la terre furent l’aliment familier de son imagination, et comme ces révolutions étaient censées prochaines, qu’une foule de personnes cherchaient à en supputer les temps, l’ordre surnaturel où nous transportent de telles visions lui parut tout d’abord parfaitement naturel et simple. […] Le lien de l’idée est le seul que ces sortes de natures reconnaissent : « Voilà ma mère et mes frères, disait-il en étendant la main vers ses disciples ; celui qui fait la volonté de mon Père, voilà mon frère et ma sœur. » Les simples gens ne l’entendaient pas ainsi, et un jour une femme, passant près de lui, s’écria, dit-on : « Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as sucés !
Ils trouvaient tout simple que leur maître eût des entrevues avec Moïse et Élie, qu’il commandât aux éléments, qu’il guérît les malades. […] Un simple sorcier, à la manière de Simon le Magicien, n’eût pas amené une révolution morale comme celle que Jésus a faite.
On prétendit que sa tête se troublait souvent, et l’on ne sut si cette femme qui lui avait parlé en était une ou un fantôme. » On conçoit pourquoi mademoiselle de Montpensier a l’air de croire à la simple apparition d’un fantôme de femme qui s’évanouit sans rien dire à madame de Montausier. […] Il semble assez simple d’imaginer que cette femme mal mise , qui ressemblait à un fantôme, qui attendait madame de Montausier dans un passage obscur , pour lui faire des reproches sanglants sur madame de Montespan , n’était autre que Montespan lui-même, pressé du besoin de se venger, par un nouvel outrage sur la dame d’honneur, qu’il avait accusée hautement chez elle-même de son malheur.
Rien de plus ridicule qu'un Orateur pesamment grave, froidement passionné, qui ne s'échauffe & ne s'anime qu'à l'aide des métaphores, des apostrophes, des exclamations, dont toutes les ressources consistent à enfler les moindres conceptions, à donner un air mystérieux aux idées les plus simples, à surcharger de parure les objets les plus minces. […] Il vous dira qu' il doit gouverner comme la Nature, par des principes invariables & simples, bien organiser l'ensemble, pour que les détails roulent d'eux-mêmes ; qu'il doit, pour bien juger d'un seul ressort, regarder la machine entiere, calculer l'influence de toutes les parties les unes sur les autres & de chacune sur le tout, saisir la multitude des rapports entre les intérêts qui paroissent éloignés ; qu'il doit faire concourir les divisions même à l'harmonie du tout, veiller sans cesse à retrancher la somme des maux qu'entraînent l'embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc & le contraste éternel de ce qui seroit possible dans la Nature & de ce qui cesse de l'être par les passions *.