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1107. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Chez eux on appelait proprement classici, non tous les citoyens des diverses classes, mais ceux de la première seulement, et qui possédaient au moins un revenu d’un certain chiffre déterminé. […] La renaissance des lettres, au xve et au xvie  siècle, vint éclaircir cette longue confusion, et alors seulement les admirations se graduèrent. […] Un jour que lord Bolingbroke écrivait au docteur Swift, Pope mit à cette lettre un post-scriptum où il disait : « Je m’imagine que si nous passions tous trois seulement trois années ensemble, il pourrait en résulter quelque avantage pour notre siècle. » Non, il ne faut jamais légèrement parler de ceux qui ont eu le droit de dire de telles choses d’eux-mêmes sans jactance, et il faut bien plutôt envier les âges heureux et favorisés où les hommes de talent pouvaient se proposer de telles unions, qui n’étaient pas alors une chimère.

1108. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

La vie humaine, l’histoire, la nature, sont plus larges assurément qu’on ne les voit quand on s’accoutume à les regarder seulement à travers la fente d’un créneau ou par l’embrasure où fume la mèche d’un canon. […] Ils sont partis, ce semble, pour une promenade au bois ; mais, à eux comme à l’auteur, l’idée vient en marchant, et ils vont plus loin sans songer seulement à se retourner et sans s’être dit qu’ils iraient plus loin. […] Il y a lieu de peindre, dans un temps, tout ce qui a vécu, brillé, fleuri à son heure ; ayez seulement la couleur du sujet et le rayon.

1109. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

De nos jours cette ambition a fait tant de progrès et a tellement gagné toutes les classes et tous les ordres d’esprits, que ce ne sont plus seulement les d’Argenson qui en sont atteints, ce sont les Marmontel eux-mêmes qui en sont victimes. […] Il est permis à l’un de ceux qui se tiennent debout à regarder, de leur répondre : Non, le monde n’est pas en train d’aller plus mal depuis hier seulement ; s’il dégénère, c’est de votre temps et du temps de vos pères que cela a commencé, non pas du jour où vous n’y avez plus la haute main. […] Un esprit bien fait, qui saura ces choses, et qui y joindra assez de latin pour goûter seulement Virgile, Horace et Tacite (je ne prends que ces trois-là), vaudra tout autant pour la société actuelle et prochaine que des esprits qui ne sauraient rien que par les livres, par les auteurs, et qui ne communiqueraient avec les choses réelles que par de belles citations littéraires.

1110. (1903) Zola pp. 3-31

Mais dans ces mêmes auteurs, ou encore mieux dans leurs imitateurs ridicules, le mot cru et gros, la couleur violente et aveuglante, la description acharnée qui ne demande à l’intelligence aucun effort et qui fait simplement tourner le cinématographe, le relief des choses, cathédrale, quartier, morceau de mer, champ de bataille, aussi l’imagination débordante et enlevante, qui vous entraîne vers des hauteurs ou des lointains confus comme dans la nacelle d’un ballon, toutes ces choses qui ne demandent au lecteur aucune collaboration, qui le laissent passif tout en le remuant et l’émouvant ; aussi et enfin une misanthropie qui ne donne pas ses raisons et qui ne nous fait pas réfléchir sur nous-mêmes, mais seulement flatte en nous notre orgueil secret en nous faisant mépriser nos semblables sans nous inviter à nous mépriser nous-mêmes : voilà ce que le lecteur illettré de 1840 voit, admire et chérit dans les romantiques ; voilà la déformation du romantisme dans son propre cerveau mal nourri, dans la misère physiologique de son esprit. […] Mais il faut qu’on sente chez le satirique un désir vrai, sincère et vif de corriger ses concitoyens en leur peignant leurs défauts ou leurs vices ; et il faut bien avouer que dans les livres de Zola on ne le sentait nullement, mais seulement une haine cordiale et un mépris de parti pris pour ceux dont il avait le malheur d’être né le compatriote, ou à peu près le compatriote ; et cela ne laisse pas d’être un peu désobligeant et un peu coupable. […] Elle dira sans doute : « Il ne fut pas intelligent ; il écrivait mal toutes les fois qu’il ne décrivait pas ; il ne connaissait rien de l’homme qu’il prétendait peindre, qu’il prétendait connaître et que, seulement, il méprisait ; il avait des parties de poète septentrional et un art de composition qui sentait le Latin ; et il savait faire remuer et gesticuler des foules. » Et il est possible aussi qu’elle n’en dise rien.

1111. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Il y a seulement quelques circonstances où il n’est ni contre la vérité ni contre l’intérêt de rappeler l’instant qui n’est plus ou d’annoncer l’instant qui va suivre. […] Celui qui aura jeté un morceau d’étoffe sur le bras tendu d’un homme, et qui faisant seulement tourner ce bras sur lui-même, aura vu des muscles qui saillaient, s’affaisser, des muscles affaissés devenir saillants, et l’étoffe dessiner ces mouvements, prendra son mannequin et le jettera dans le feu. […] Ici seulement les objets sont plus grands, les scènes plus terribles.

1112. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Surtout, c’est en lisant qu’on peut relire, et ce n’est qu’en relisant qu’on peut bien juger, non seulement du style, mais de la composition, de la disposition des parties et du fond même, j’entends de l’impression totale que l’auteur a voulu produire sur nous et de la question s’il l’a produite en effet ou non, ou seulement à demi. […] Je ne dis pas pour cela que la lecture soit le vrai tribunal, ce qu’on pourrait toujours me contester et ce que rien ne me permet d’affirmer ; je dis seulement qu’il y en a deux et que la lecture en est un où il est agréable de siéger et autant ou moins que dans l’autre. […] De même et d’une façon prolongée, dans la Critique de l’École des Femmes : « Tu ferais mieux de te taire… Je ne veux pas seulement t’écouter… .

1113. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Seulement, ce ne serait pas un poète rose comme Little Moore, qui chantait l’amour et ses beautés visibles ; c’est, lui, un poète noir, qui chante ses épouvantes de l’invisible et qui nous les fait partager… Ce jeune homme, sombre comme Manfred et comme la nuit dont son cœur est l’image, s’appelle Maurice Rollinat. […] Seulement, en Angleterre, pays fortement hiérarchisé où l’orgueil supprime la vanité et où la supériorité n’est pas une insulte, tant l’orgueil doublant leur égoïsme fondamental rend les Anglais contents d’eux-mêmes, cela n’avait pas d’inconvénient et n’offensait personne, tandis qu’en France cela devait, en y pensant bien, blesser tout le monde. […] Seulement, qu’importe à la Critique, comme au Poète, qu’un monsieur quelconque, désarmé de tout principe et de toute sécurité d’affirmation et n’étant que la marionnette de son genre de sensibilité, trouve un poète adorable ou insupportable, selon le fil qu’il a entre les deux jambes, ce pantin !

1114. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Pour fixer les idées, nous formulerons la thèse ainsi : « Un état cérébral étant posé, un état psychologique déterminé s’ensuit. » Ou encore : « Une intelligence surhumaine, qui assisterait au chassé-croisé des atomes dont le cerveau humain est fait et qui aurait la clef de la psychophysiologie, pourrait lire, dans un cerveau qui travaille, tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. » Ou enfin : « La conscience ne dit rien de plus que ce qui se fait dans le cerveau ; elle l’exprime seulement dans une autre langue. » Sur les origines toutes métaphysiques de cette thèse il n’y a d’ailleurs pas de doute possible. […] Ensuite il était de l’intérêt de la physiologie de s’y rallier, et de procéder comme si elle devait, quelque jour, nous donner la traduction physiologique intégrale de l’activité psychologique : à cette condition seulement elle pouvait aller de l’avant, et pousser toujours plus loin l’analyse des conditions cérébrales de la pensée. […] Je conçois bien, dans l’hypothèse idéaliste, que la modification cérébrale soit un effet de l’action des objets extérieurs, un mouvement reçu par l’organisme et qui va préparer des réactions appropriées : images parmi des images, images mouvantes comme toutes les images, les centres nerveux présentent des parties mobiles qui recueillent certains mouvements extérieurs et les prolongent en mouvements de réaction tantôt accomplis, tantôt commencés seulement.

1115. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Chaque maître apporte une pierre à l’édifice apollonien… Le maître mort, l’édifice n’en continue pas moins à s’élever… Ce sont seulement d’autres ouvriers et d’autres architectes qui continuent l’ouvrage commencé. […] Voilà ce que signifie pour nous ce verger plein d’ombelles, ce pluriel qui étend, élargit, amplifie la pensée du poète, en évoquant, non pas seulement une simple fleurette, une simple ombellifère, ce qu’eut réalisé ombelle au singulier, mais bien l’ensemble d’une flore agreste, éclose en même temps, d’une flore s’enchevêtrant, s’enlaçant, croissant en liberté sous les arbres à fruits du lieu que les latins qualifiaient joliment de viridarium, cet enclos charmant, si insuffisamment dénommé : verger. […] Faguet, à condition qu’on ne le chérisse et poursuive point comme une beauté. » On ne réclame rien de tel ici, mais seulement la simple facilité d’en user avec tact, le cas échéant, ce qui est fort différent.

1116. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle ! […] Ce sont ces métaphores modérées, à peine sensibles, qui n’interviennent que pour éclairer la raison, ou pour élever de temps en temps et d’un degré seulement le ton ordinaire. […] Il faut qu’il soit au-dessus du public, mais d’un degré seulement.

1117. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

L’Europe ne fut pas seulement éblouie par les feux d’artifice de son génie. […] Leur conflit éternel n’est pas seulement une donnée de la vie, il est la condition de l’art. […] Cette passion, Senancour ne la subit pas seulement. […] Dans sa pensée seulement ; mais justement la pensée sublime ne descend pas à l’action. […] Le Quiétisme romantique n’était pas seulement affaire de roman.

1118. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Seulement, dans l’ombre, en province, çà et là se ralliaient à cette nuance quelques autres jeunes hommes comme eux. […] Je le reproduis ici pour montrer que nous n’étions pas seulement attentifs alors aux poëtes, aux peintres, aux artistes, mais aussi aux politiques de notre âge et de notre génération, et que nous avions les yeux ouverts de plus d’un côté.

1119. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Il vécut à la cour d’Antiochus le Grand en Syrie, et fut commis par ce prince à la garde de la riche bibliothèque des Séleucides ; il écrivit toutes sortes de longs poëmes épiques dont on a seulement les titres, des épigrammes, des élégies qui furent célèbres par leur accent de tendresse. […] Que si seulement j’avais l’honneur de vivre du temps de ces élégants humoristes, MM.

1120. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

C’est de la sorte seulement qu’on s’explique bien la chute des vieilles races, et la facilité avec laquelle, au jour soudain des colères divines et populaires, l’orage les déracine, sans que la voix tardive des sages, sans que les intentions les plus pures des innocentes victimes, puissent rien conjurer. […] Ce n’était pas à la fin de son règne seulement qu’il était ainsi ; la jeunesse elle-même ne lui put jamais donner une étincelle d’énergie.

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