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1092. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Je ne demande qu’à obéir ; qu’on me dise seulement ce que je dois faire, car, durant ma malheureuse existence, je ne puis pas m’empêcher d’être quelque part, mais rester ici ne m’est pas possible, et je suis bien déterminé, quoi qu’il arrive, à ne plus essayer de la maison d’autrui. […] Il y avait loin encore de l’âme tendre, jalouse, exigeante, susceptible, dévorée d’un immense besoin de retour, de celui qui disait : « J’étais fait pour être le meilleur ami qui fût jamais, mais celui qui devait me répondre est encore à venir », il y avait loin de cette âme seulement refoulée et douloureuse à celle qui devait tourner toute chose en poison, à ce Jean-Jacques, par exemple, qui, en apprenant la mort de Louis XV, s’écriait : « Ah ! […] Monsieur, cela n’y fait rien ; je prendrai tout de même… » — « Non, monsieur, je n’ai pas l’habitude de livrer de la musique en cet état ; j’ai voulu vous donner cette explication, car je ne manque jamais à ma parole. » — « Mais, monsieur… » — « Non, monsieur ; je vous demande seulement quelques jours pour refaire la copie. » Le jeune homme avait peine à sortir : Rousseau lui-même s’oublie ; la conversation se renoue et s’engage. « Jeune homme, à quoi vous destinez-vous ? 

1093. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Michelet est une puissance établie : j’y ai résisté assez longtemps, malgré ma vieille amitié pour l’homme, je capitule ; je la reconnais enfin, cette puissance, et je demande seulement de ne pas la discuter. […] Dans sa fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nouveaux, quoiqu’il ne lui reste pas seulement une ombre de raison. […] il s’est perdu dans la mêlée ; il n’en est plus question : il ne sait plus ce qui l’a fâché, il sait seulement qu’il se fâche et qu’il veut se fâcher ; encore même ne le sait-il pas toujours.

1094. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Méchancetés, indiscrétions, mensonges, faux rapports, tracasseries, toutes les bêtises de la malice humaine rassemblées dans un cercle étroit et redoublées par l’étiquette, elle éprouve tout cela dans ses relations avec sa mère, avec l’Impératrice, avec son fiancé, avec les femmes qu’on lui donne pour argus ; elle est obligée de garder des mesures avec chacun, et, malgré sa grande jeunesse et son goût vif d’amusement et de plaisir, elle s’en fait une loi : comme chez tous les grands ambitieux (Sixte-Quint, Richelieu), sa passion dominante est assez forte pour se plier à tout et s’imposer d’abord la souplesse ; son orgueil fait le mort et rampe pour mieux s’élever ; seulement, femme et charmante femme qu’elle est, elle a ses moyens à elle, et elle y met de la grâce : « Au reste, je traitais le mieux que je pouvais tout le monde, et me faisais une étude de gagner l’amitié, ou du moins de diminuer l’inimitié de ceux que je pouvais seulement soupçonner d’être mal disposés en ma faveur. […] Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà.

1095. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Cervantes n’est pas seulement un génie clair et net, c’est un génie littéraire et qui a fort en souci les résultats de ce genre. […] Bouterwek avait commencé, et il attribuait à Cervantes une idée plus haute que celle d’avoir voulu décréditer les mauvais romans de chevalerie, bien qu’il lui reconnût aussi cette dernière intention, mais seulement comme occasionnelle et secondaire ; il la réduisait au point de la subordonner tout à fait à je ne sais quelle vue supérieure : « On ne saurait supposer, disait-il, que Cervantes ait eu l’absurde pensée de vouloir prouver l’influence fâcheuse des romans sur le public, par la folie d’un individu qui aurait pu tout aussi bien perdre la tête en lisant Platon ou Aristote. […] Revenant sur le parallèle avec Berlichingen, ce représentant de l’époque féodale, il marque les rapports et les différences ; Don Quichotte, selon lui, est bien autre chose ; « il ne doit pas seulement représenter une époque, c’est un caractère, c’est le type de l’idéal à toutes les époques : « Dans quelque siècle que vous le placiez, enseigne le livre, l’homme qui asservira sa conduite aux lois d’un idéal absolu ne pourra que contraster, que grimacer avec la réalité, et ce contraste ne manquera pas d’engendrer le comique… « Et qu’était-ce que Cervantes lui-même, à le bien prendre, se demande le critique, qu’était-il, sinon un Don Quichotte ?

1096. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Si, par un hasard qui n’en était pas un et qui devait assez souvent se produire, quelque pièce dont ils étaient les premiers auteurs et rédacteurs sortait au jour, si quelque combinaison dont ils avaient suggéré le plan prenait corps et vie et devenait manifeste, ils se gardaient bien de dire : Elle est de moi, ou même de le penser seulement. […] Il me répondit, avec une politesse infinie, qu’il ne trouvait pas que les Français eussent de la répugnance à sortir de leurs routes, mais seulement qu’ils étaient plus judicieux (il va y avoir un léger correctif à ce mot) que leurs voisins, lorsqu’il était question de s’en ouvrir de nouvelles. […] Armand Lefebvre le comprit ; il ne visa point à une concurrence impossible avec l’historien national et populaire ; seulement, par provision, pour sauvegarder son droit et réserver l’originalité de ses vues, il se hâta de publier les trois volumes qu’il avait tout prêts, et qui parurent de 1845 à 1847 ; ces volumes comprenaient les événements politiques et diplomatiques accomplis depuis 1800 jusque dans l’été de 1808, c’est-à-dire depuis les premiers jours du Consulat jusqu’au drame espagnol de Bayonne.

1097. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il n’avait pas seulement du courage, il avait du coup d’œil, des idées, du brillant ; il séduisait à première vue. […] Cette parfaite culture à laquelle rien n’avait manqué et qui avait si bien réussi, ce respect absolu pour son père, cette soumission, cette juste égalité de sentiments en tout, ou cette réserve qui était une vertu à son âge, ne laissent pas deviner quelle nature de génie particulière pouvait être en lui, et s’il avait du génie ou seulement un parfait mérite ; car, quand on a tant de bon sens à vingt-cinq ans, aura-t-on du génie à cinquante ? […] Il était arrivé à la perfection ; il semble qu’il n’avait plus qu’à mourir… Songeons pourtant que, s’il lui avait été donné de vivre Page de son père, soixante-dix-sept ans, il serait mort seulement en 1809.

1098. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Gustave-Adolphe n’est pas seulement un rapide et foudroyant vainqueur : c’est le champion d’une cause. […] Dans les combats vigoureux qui décidèrent le résultat, et où Ney mettant au défi la jactance de Murat se couvrit de gloire, Jomini par sa bravoure personnelle montra qu’il était digne d’un tel chef, et non pas seulement un militaire de chambre et de cabinet. […] Si l’on se reporte au xvie  siècle, et en choisissant ce qu’il y a de mieux, on a, par exemple, les Mémoires ou Commentaires de Montluc que Henri IV appelait « la Bible du soldat. » Les maximes et préceptes qu’en y trouve ne sont que de détail, et applicables seulement à la guerre de partisan, de pures recettes de stratagèmes : rien qui atteigne l’ensemble des opérations.

1099. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Si maintenant l’on m’objecte que cette théorie conjecturale serait admissible peut-être si Racine n’avait pas fait Athalie, mais qu’Athalie seule répond victorieusement à tout et révèle dans le poëte un génie essentiellement dramatique, je répliquerai à mon tour qu’en admirant beaucoup Athalie, je ne lui reconnais point tant de portée ; que la quantité d’élévation, d’énergie et de sublime qui s’y trouve ne me paraît pas du tout dépasser ce qu’il en faut pour réussir dans le haut lyrique, dans la grande poésie religieuse, dans l’hymne, et qu’à mon gré cette magnifique tragédie atteste seulement chez Racine des qualités fortes et puissantes qui couronnaient dignement sa tendresse habituelle. […] Je noterai seulement que, dans la colère et le mépris dont elle accable ce fatal tissu, elle ne l’ose nommer qu’en termes généraux et avec d’exquises injures. […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.

1100. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il ne devint malade de la poitrine qu’un an avant sa mort ; jusque-là il était seulement délicat et volontiers mélancolique, bien qu’enclin aussi à se dissiper. […] Si glorieuse qu’elle soit pour lui, disons seulement que l’un n’y éteint pas entièrement l’autre. […] Le premier et le plus grand exemple de ce genre d’arrière-pensée, de cette duplicité de sentiments, non plus seulement gracieuse, mais pathétique et touchante, se rencontre dans Homère au chant XIX de l’Iliade, quand les captives conduites par Briséis se lamentent autour du corps de Patrocle, « tout haut sur Patrocle, mais au fond chacune sur soi-même et sur son propre malheur. » 162.

1101. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Après avoir affirmé que c’est dans les sciences seulement, que l’Italie a marché progressivement, et fourni son tribut aux lumières du genre humain, examinons dans chaque branche de l’entendement humain, dans la philosophie, dans l’éloquence et dans la poésie, les causes des succès et des défauts de la littérature italienne. […] Mais ce n’est point sous un point de vue philosophique qu’ils attaquent les abus de la religion ; ils n’ont pas, comme quelques-uns de nos écrivains, le but de réformer les défauts dont ils plaisantent ; ce qu’ils veulent seulement, c’est s’amuser d’autant plus que le sujet est plus sérieux. […] La mélancolie des Orientaux est celle des hommes heureux par toutes les jouissances de la nature ; ils réfléchissent seulement avec regret sur le rapide passage de la prospérité, sur la brièveté de la vie37.

1102. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Quand je dis que j’ai la force ou pouvoir de remuer mon bras, je veux dire seulement que ma résolution de remuer mon bras est constamment suivie par le mouvement de mon bras. […] En effet, c’est seulement pour la commodité de l’étude que nous séparons nos événements les uns des autres ; ils forment effectivement une trame continue où notre regard délimite des tranches arbitraires166. […] À ce titre, le moi est un être aussi bien que tel corps chimique, ou tel atome matériel ; seulement c’est un être plus composé, partant soumis à des conditions de naissance et de conservation plus nombreuses.

1103. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Achille n’est pas seulement la force héroïque : c’est le jeune fils d’une déesse, le plus beau des Grecs, qui, outragé, pleure comme un enfant dans le sein de sa mère ; qui sur la grève solitaire chante avec la lyre en contemplant la mer immense ; qui console son ami affligé avec un accent aussi tendre et aussi ému que celui d’une jeune mère : « Pourquoi pleures-tu, Patrocle, comme une enfant qui ne sait pas encore parler, qui court après sa mère afin qu’on la prenne, la tire par sa robe, et l’arrête, et la regarde en pleurant pour être portée dans ses bras ?  […] C’est que le peintre n’a pas seulement reproduit les couleurs et les traits de son modèle. […] Cette diversité dont on vous parle tant, Mon voisin Léopard l’a sur moi seulement ; Moi, je l’ai dans l’esprit.

1104. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Je connais des maris qui, dans toute une année, ne leur disent pas seulement une fois : Dieu te gard’ !  […] Jouez seulement bien votre rôle ; et quand je vous enverrai quelqu’une de mes bonnes bourses, ne marquez aucun besoin d’argent, et surtout ne paraissez avoir aucune relation avec moi. […] Faites-nous seulement la faveur de les prendre, et nous sommes trop contents.

1105. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Je souhaite seulement qu’elle soit très sévère… Elle combattra par tous les moyens l’immoralité ou mieux l’inertie 4… Il sera nécessaire d’avoir un séminaire, un journal, etc. » Je sais bien que tout cela est puéril, mais les mêmes choses dites autrement pourraient ne l’être pas. […] Seulement l’action des uns est plus diverse et plus inconsciente, celle des autres plus précise et plus critique. […] Seulement de trois hypothèses l’une : Ou la science (et la sociologie en est une des lointaines contrées, des plus tardivement connaissables) ne se fera pas ; ou elle ne se fera pas à temps (car la planète se refroidit, après tout), et tous les efforts de mise en train seront perdus ; ou elle sera faite, mais la majorité ne l’écoutera pas, et la brûlera.

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