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442. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

La plume qui écrivait cela est à la vérité une plume italienne, quoique très compétente en français, et elle se servait de l’expression de son pays, où les chanteurs et les gens de théâtre sont regardés comme les premiers des hommes. […] Et comme tout se tient dans les sociétés, dans les idées et dans le langage, et que le désordre introduit quelque part amène le désordre partout, si les comédiens des sociétés modernes et chrétiennes sont mis là où la bassesse romaine et païenne mettait avant leur mort les empereurs, sous qui elle tremblait, où ces sociétés mettront-elles leurs vrais grands hommes, — ceux qui honorent, éclairent et servent la patrie, et, quand il le faut, meurent pour elle ? […] Nous pensons qu’en les dirigeant, qu’en exerçant sur eux la haute main qu’ils doivent toujours sentir, invisible et présente, sur leur tête, les théâtres peuvent servir à mieux qu’à l’amusement, c’est-à-dire à l’éducation des peuples ; seulement, ici, oserait-on vraiment nous opposer la littérature dramatique ?

443. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Parce qu’ils se servent tous les deux d’une plume et d’une écritoire, ils ne sont ni égaux ni semblables. […] Μ. de Girardin observe comme les hommes à système, qui ont leur idée sur les yeux ; et quant à son style… Qui osera dire que c’est un style (littérairement), que ce hachis de mouton de Dindenaud socialiste servi depuis vingt-cinq ans dans La Presse ? […] Μ. de Girardin se sert, dans l’intérêt de ses idées, de cette guenille de littérature.

444. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Le monde, auquel on avait servi tant de religions depuis un quart de siècle, était si repu de ce genre de folies, qu’il ne fit nulle attention à celle d’Auguste Comte, laquelle ressortait néanmoins en haute bouffonnerie sur celles qu’on lui avait servies jusque-là. […] Il se fit, comme Arlequin, un habit de toutes pièces, et ces pièces avaient malheureusement beaucoup servi.

445. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Oublié comme un glaive accroché dans une panoplie, on peut l’en arracher et s’en servir. […] Les hommes purent la voir et la constater, mais ils n’en dirent rien, pas même ceux que ce boulet avait servis… Les meilleurs coups ne donnent guères qu’un peu de fumée, qu’un souffle a bientôt effacé. […] Il l’écrit, lui, d’une plume irréfragable, et sur la question des Jésuites, le scandale de l’époque comme elle l’est redevenue aujourd’hui, c’est avec une autorité si lumineuse que cette vile histoire ne peut plus servir même à être ce qu’elle fut longtemps, — une calomnie… Et pourtant, ne vous y méprenez pas !

446. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

La goutte d’encre qui servit à écrire celui-ci est tombée d’une plume dont l’habitude n’est point le sentiment et la rêverie. […] , la poignée de terre, dernier don des amis, qui servit à couvrir ses restes. […] Jean Gigon, un moine presque, sans le savoir, par le renoncement, la résignation, l’obéissance, et qui aurait pu être si aisément un héros à la manière de ces zouaves que je voyais l’autre jour servir la messe, en grande tenue, à de pauvres capucins en guenilles ; Jean Gigon ne devait pas être enterré, même par Shakespeare, comme aurait pu l’être M. le chevalier Falstaff.

447. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Cabet et Marrast, réfugiés à Londres, empêchèrent l’impression anglaise, en déclarant le manuscrit apocryphe ; aimant mieux sacrifier l’œuvre, qui aurait tant servi à l’union de leurs deux partis, que de s’exposer aux vérités qu’elle renfermait. […] Dévoré d’une fièvre apostolique (je demande pardon pour la hardiesse du mot), il se servit, dans l’intérêt de sa foi nouvelle, de ce merveilleux don de parole improvisée qui est sa vraie force, sa plus incontestable supériorité. […] Mais qu’importe à cet esprit sincère qui aime la vérité ; toujours prêt à la servir avec la hardiesse insoucieuse d’un homme qui sait que la vie est un passage, — et qui n’a pas peur de mourir, sous la main des Anges, à l’hôpital !

448. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Edmond About se sert de la littérature comme l’abbé de Bernis se servait de la poésie. Ce n’est pour lui que le bâton qui sert à sauter le fossé.

449. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

« Je l’avais plutôt vomi qu’écrit, — dit-il dans une lettre à son éditeur qui sert de préface à cette édition. — Je l’avais expectoré d’indignation, vraiment provoqué par d’écœurantes réalités. » Et on le sent bien, malgré les retouches de l’écrivain devenu plus difficile, et ses apaisements d’âme et de vie, et le mûrissement de trois ans passés. […] Il en a cette sensibilité pour laquelle je voudrais trouver un nom qui ne fût pas une injure, et qui, malgré la distinction de sa nature (cette distinction qui ne sert absolument dans ce monde qu’à être distingué, comme la blancheur des lys ne sert qu’à les faire blancs, dans leur royauté inutile), le mène droit, lui !

450. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Du moins l’argent, cette fois, servit au balayeur qui passait et le ramassa. […] En effet, ce ne fut qu’un petit cercle d’or ; mais, pour recouvrir la peinture, un gros diamant aminci servait de glace. Mme de B. ayant renvoyé le diamant, « M. le prince de Conti le fit broyer, réduire en poudre et s’en servit pour sécher l’encre du billet qu’il écrivit à ce sujet à Mme de B. ». […] Avec lui, on pouvait se passer de tous les autres ; sans lui, tous les autres ne servaient de rien. […] Vous verrez qu’ils s’accommoderont très bien ; il n’y a pas la plus petite réflexion à faire. » Effectivement il paraît que personne n’en fit, ni l’officier ni la dame  À Granselve283, dans le Gard, les bernardins sont encore plus hospitaliers ; on y vient de quinze ou vingt lieues, pour la fête de saint Bernard qui dure deux semaines ; pendant tout le temps, on danse, on chasse, on joue la comédie, « les tables sont servies à toute heure ».

451. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Blaze de Bury, écrivain de l’école ascétique, renfermé comme dans les cloîtres studieux de la religion littéraire, a publié, il y a douze ans, une complète étude sur le génie de Goethe et une incomparable traduction du drame de Faust ; nous nous en servirons, comme on se sert, dans les ténèbres d’une langue inconnue, d’une lumière empruntée qui fait rejaillir de tous les mots les couleurs mêmes de cette langue, ou comme on se sert, dans un souterrain, d’un écho qui répercute le bruit de tous les pas de ceux qui vous devancent dans sa nuit. […] Cette jeune fille servait à boire, dans la maison de sa tante, à ses cousins, jeunes débauchés amis de Goethe. […] Les esprits sérieux se détournent de ces débauches d’imagination, qui ne servent qu’à détruire la belle illusion du drame pathétique dans lequel nous allons enfin entrer. […] Faust insiste avec l’autorité et la véhémence de la passion qui veut être servie et non conseillée : « Quelque chose seulement d’elle, un fichu de son cou, une chose qui l’ait touchée ! […] À quoi te sert donc la beauté, ô jeunesse ?

452. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

La mort de Virginie, frappée par son père, et celle d’Appius, le juge prévaricateur, vont servir de preuves de l’iniquité des jugements ; Agrippine, Néron, Crésus, Hécube, les uns par leur fin lamentable, les autres par leurs malheurs, déposeront contre les caprices de la fortune. […] — Me serviras-tu à mon gré ? […] Tout y aurait servi, même les plus mauvais gouvernements, même les batailles perdues contre les Anglais, lesquels n’auraient pas vaincu la nation française, mais la féodalité. […] Ne voyons, si l’on veut, dans ce roman, qu’une prétention de notre poésie à se mêler de tout ce qui occupait les têtes pensantes d’alors, et que refroidissait tout à la fois et bornait au petit cercle des clercs l’idiome mort qui servait à l’exprimer. […] Il n’y a donc pas eu injustice à les omettre dans cet admirable résumé de l’histoire de notre poésie où Boileau ne compte que ceux qui ont servi l’art et qui lui ont fait faire des progrès.

453. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Il sert sous son ancien général Laudon au siège de Belgrade (septembre-octobre 1789) ; il l’y aide efficacement par une suite d’attaques bien ménagées, et vers la fin par une batterie imaginée à la pointe d’une île, et qui fait merveille. […] On pleurera le meilleur des hommes dans Louis XVI, la plus belle et la plus parfaite des reines, des milliers de victimes, on servira Dieu mieux qu’auparavant, et on respectera plus son souverain. […] Bien des gens se sont flattés d’être des gentilshommes en émigrant : « et il n’y en a aucun, si petit qu’il soit, qui ne se croie égal à un Montmorency, puisqu’il sert l’autel et le trône ». […] Après l’avoir vengée sur les points essentiels, il finit, dans un sentiment chevaleresque et qui rappelle celui de Burke, par mettre sa royale mémoire sous la protection des jeunes militaires français qui ne l’ont point connue et qui, venus depuis, sont purs envers elle d’ingratituded : « Au moins, écrivait le prince de Ligne vers la date d’Austerlitz et d’Iéna, que ceux qui s’acquièrent tant de gloire sous les drapeaux de leur empereur, plaignent cette malheureuse princesse qu’ils auraient bien servie… » Ce sont là des alliances d’idées et de sentiments qui honorent.

454. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il n’avait jamais servi (inexact), et avait été quelque temps à faire l’important en Basse-Normandie ; il plut à M. le Duc par lui être commode à ses plaisirs, et il espéra de ce troisième mariage s’initier à la Cour sous sa protection et celle de Mme la Duchesse. […] Il commença par servir vaillamment dès 1672, d’abord comme aide de camp du Grand Condé, puis il eut le guidon et bientôt l’enseigne de la compagnie des gendarmes de la garde du roi. […] Le Tellier qu’elle aimait beaucoup mieux demeurer Marianne que d’être duchesse de Lorraine aux conditions qu’on lui proposait ; et que, si elle avait quelque pouvoir sur l’esprit de M. de Lorraine, elle ne s’en servirait jamais pour lui faire faire une chose si contraire à son honneur et à ses intérêts ; qu’elle se reprochait déjà assez le mariage que l’amitié qu’il avait pour elle lui faisait faire. […] Le mécontentement de Louis XIV tenait à ce que Lassay avait quitté le servies quelque temps après son mariage.

455. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Ce grand maître, et Gérard, qui apprécia de bonne heure Léopold Robert et qui le servit toujours, lui conseillèrent de ne pas abandonner la peinture, même en continuant de graver. […] Une circonstance heureuse, souvent racontée, vint servir à souhait Léopold à son début, ainsi que son ami Schnetz, qu’il ne faut point séparer de lui dans leur tentative courageuse. […] Ayant visité à Venise le quartier des Juifs, il était frappé de leur caractère de tête et de leur expression : J’ai admiré, écrivait-il à un ami, des têtes superbes qui pourraient servir avec beaucoup de succès pour faire des physionomies d’un grand cachet ; je voyais des grands sacrificateurs, des prophètes, des Joseph, et, parmi les femmes, des Judith, des Rébecca, et même des Vierges. […] La nécessité le lui commandait, et sa précaution, pour ne pas tomber en cela dans le métier et dans la fabrique, était de se servir continuellement de la nature.

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