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15. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Qui servira de mesure et de règle ? […] Comment serait-il bon de se servir de la raison pour interpréter le texte dabo tibi claves… , et deviendrait-il tout à coup mauvais de s’en servir pour établir autre chose ? […] Il n’y a qu’une chose à leur dire, c’est qu’ils se trompent ; mais on ne peut leur reprocher de se servir d’une méthode dont on se sert soi-même pour les détromper. […] A mesure que les hommes se serviront plus de leur raison, ils s’en serviront mieux. […] Les instruments et les outils dont se sert l’industrie humaine n’ont pas atteint du premier coup la perfection qu’ils ont aujourd’hui.

16. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Le traducteur est donc réduit à se servir de periphrase, et à ne pouvoir rendre qu’en plusieurs mots ce que l’écrivain françois a pu dire par un seul mot. […] Or rien ne sert plus à rendre une phrase énergique, que sa brieveté. […] Les sons artificiels sont les mots articulez dont les hommes qui parlent une même langue sont convenus de se servir pour exprimer certaines choses. […] L’inversion latine sert encore à faire trouver sans peine la varieté des sons, et le melange de ces sons le plus agréable à l’oreille. […] Les hommes en qui la nature n’a point été redressée, les sauvages et le bas peuple se servent fréquemment durant toute leur vie de ces sons inarticulez.

17. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Puisse l’usage amener insensiblement la suppression de tant d’autres lettres qui ne servent qu’à défigurer notre orthographe ou à l’embarrasser ! […] De même on se sert de mutare, soit pour donner, soit pour prendre une chose au lieu d’une autre. […] I. pag. 175.) qu’Horace s’est souvent servi de mutare en ce sens : mutavit lugubre sagum punico (V. od. ix.) […] Les deux prépositions élémentaires servent à indiquer avec plus d’énergie la nature de la chose nommée. […] La dérivation philosophique sert à l’expression des idées accessoires propres à la nature d’une idée primitive.

18. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Le mot d’âge signifie un temps trop court pour m’en servir ici, et d’ailleurs le monde est dans l’habitude de se servir du mot de siecle, quand il parle de ces temps heureux, où les arts et les sciences ont fleuri extraordinairement. […] La societé étoit alors partagée en maîtres et en esclaves, qui la servoient bien mieux qu’elle ne peut être servie par un menu peuple mal élevé, qui ne travaille que par necessité, et qui se trouve encore dépourvû des choses dont il auroit besoin pour travailler avec utilité, lorsqu’il est réduit à travailler. […] D’ailleurs, Auguste étoit tenu de faire un bon usage de son autorité naissante pour la mieux établir, et par consequent de ne la confier qu’à des ministres amis de la justice, et qui se servissent de leur pouvoir avec pudeur. […] Le ministre qu’il emploïa pour ces détails, étoit capable de le servir. […] Il n’avoit d’autre volonté, que de faire servir son prince par les personnes les plus capables.

19. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Bossuet a eu et aura même encore des adversaires, et l’on cherchera dans le journal de Le Dieu ce qui pourra servir à le rabaisser et à le diminuer. […] Pline et Cicéron avaient pour secrétaires des affranchis qui les servaient mieux et avaient de plus nobles sentiments. […] Je me mis à une place indifférente, et on me servit aussitôt du potage. La place de la droite du prélat était vide, il me fit signe de m’y mettre : je remerciai, disant que j’étais placé et déjà servi ; il insista doucement et poliment : « Venez, voilà votre place. » J’y allai donc sans résistance ; on m’y apporta mon potage. […] Les domestiques portant la livrée étaient en très grand nombre, servant bien et proprement, avec diligence et sans bruit ; je n’ai pas vu de pages : c’était un laquais qui servait le prélat, ou quelquefois l’officier lui-même.

20. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Sans doute la définition qu’on donnera de l’un de ces mots, ne servira pas à en donner une idée plus claire que celle qui est présentée naturellement par ce mot ; mais elle servira du moins à faire voir l’analogie et la liaison de ce mot avec celui qu’on aura pris pour terme radical et primitif. […] Dans les autres cas, on pourrait se servir de longues et de brèves, ce qui abrégerait beaucoup le discours. […] Je remarquerai à cette occasion, que nous avons dans notre langue trop peu d’accents, et que nous nous servons même assez mal du peu d’accents que nous avons. […] D’ailleurs, l’accent ne devrait jamais servir qu’à marquer la quantité ou à désigner la prononciation, et nous nous en servons souvent pour d’autres usages : ainsi, nous nous servons de l’accent grave dans succès, pour marquer la quantité de l’e ; et nous nous en servons dans la préposition à, pour la distinguer du mot a, troisième personne du verbe avoir ; comme si le sens seul du discours ne suffisait pas pour faire cette distinction. […] Si une liste de rimes peut quelquefois faire naître une idée heureuse à un excellent poète, en revanche un poète médiocre ne n’en sert que pour mettre la raison et le bon sens à la torture.

21. (1890) L’avenir de la science « XII »

Non certes ; elles ont servi à faire passer le reste, elles étaient tellement unies à la portion nutritive que celle-ci n’aurait pu sans superflu être prise ni digérée. […] … Non, elles vivent dans l’humanité ; elles ont servi à bâtir la grande Babel qui monte vers le ciel, et où chaque assise est un peuple. […] Non ; car ils ont fait figure ; sans eux les lignes auraient été maigres et mesquines ; ils ont servi à ce que la chose se fit d’une façon luxuriante ; ce qui est plus original et plus grand. […] Le sauvage, qui vit à peine la vie humaine, sert du moins comme force perdue. […] Et pourtant il n’est pas mort ; car il a servi à esquisser Alexandrie, et Alexandrie demeure un fait immense dans l’histoire de l’humanité.

22. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Ce n’est pas seulement aux nobles et aux chevaliers qu’il s’adresse : Je demande aussi à tous ceux qui savent les noms de plusieurs simples soldats que j’ai marqués comme j’ai pu, pour avoir commencé l’impulsion dans un combat, servi de guide à une brèche, ou mis le premier le genou sur les créneaux ou retranchements, qu’il leur plaise m’aider de tels noms sans avoir égard à la pauvre extraction et condition ; car ceux-là montent davantage qui commencent de plus bas lieu. […] Dans un très bon chapitre du dernier tome, intitulé « Du déclin de la Ligue », l’historien en vient à un double portrait des deux chefs, du roi de Navarre et de Mayenne, et celui-ci, en cédant le pas au vainqueur, n’est pas du tout sacrifié : Le duc de Mayenne avait une probité humaine, une facilité et libéralité qui le rendait très agréable aux siens ; c’était un esprit judicieux et qui se servait de ses expériences, qui mesurait tout à la raison, un courage plus ferme que gaillard, et en tout se pouvait dire capitaine excellent. […] Et continuant le portrait de celui qu’il connaissait si bien pour l’avoir servi de près, d’Aubigné insiste sur ce que Henri IV, dans sa grande promptitude d’esprit, était servi par deux sens dont la nature l’avait merveilleusement doué, l’ouïe et la vue, qu’il avait perspicaces, aiguisées et sûres à un degré inimaginable : d’Aubigné en cite des exemples. […] Quand on voit ces belles et sérieuses parties dans l’historien, on se demande pourquoi il n’a pas mieux réussi dans sa carrière totale et politique, pourquoi il n’a pas servi avec plus de suite ; et c’est ici qu’il faut en revenir au caractère et à l’humeur de l’homme. […] Avec infiniment plus de moralité assurément que Bussy-Rabutin ou que Bonneval, il a comme eux une faculté de satire et de riposte dont il abuse ; sa réplique a volontiers un air de défi qu’il vous jette à la tête, en sous-entendant à peine : « Prenez-le comme vous voudrez. » Et puisque j’en suis à rassembler autour de lui les noms qui peuvent servir à le mesurer et à le définir, je dirai encore qu’il participe à cette démangeaison de Henri Estienne et de ces gens d’esprit pétulants qui se donnent avant tout la satisfaction d’imprimer leurs fantaisies, sauf à s’attirer bientôt des affaires sur les bras et à ne trop savoir comment en sortir.

23. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Beaucoup de ces mots ont également servi à former des dérivés dont le sens, tout métaphorique, est identique en beaucoup de langues. […] Le bâton a été considéré tantôt comme le bât, tantôt comme la bête de somme tout entière ; c’est ce dernier sens qu’il prend lorsqu’on se sert du mot bourdon (latin burdonem), qui est proprement le bardot, variété du mulet. […] Elles servent à Dieu, à ses saints, au diable, — ou au loup ; les Arabes disent : ou au chacal ; elles servent aux animaux que nous ne voyons pas manger et qui vivent ; elles servent aux êtres surnaturels qui descendent pendant les nuits claires et à ceux qui rôdent pendant les nuits sans lune. […] Ici et dans plusieurs des paragraphes suivants, nous nous servons de la riche moisson de termes populaires recueillis par M.  […] Son nom grec [mot en caractères grecs] lui venait de ce qu’elle servait, d’après Dioscoride, à guérir [mot en caractères grecs] ; l’idée de blanc est contenue dans le nom du mal (ulcère blanc) et non dans celui de la fleur.

24. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Excitez l’homme enfin à tous les genres de supériorité, ils serviront tous au perfectionnement de sa morale. […] Dans l’état actuel de l’Europe, les progrès de la littérature doivent servir au développement de toutes les idées généreuses. […] Cependant la poésie n’admet ni l’analyse, ni l’examen qui sert à découvrir et à propager les idées philosophiques. […] Qu’elles sont précieuses ces lignes toujours vivantes, qui servent encore d’ami, d’opinion publique et de patrie ! […] L’on m’a demandé quelle définition je donnais du mot philosophie dont je me suis plusieurs fois servie dans le cours de cet ouvrage.

25. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

— Campagnes du Rhin ; refus de servir en Italie. […] Je sais qu’il aurait ardemment désiré de servir, même depuis qu’on a fait des maréchaux de France. […] Les réflexions que Villars adressait au ministre à ce sujet sont d’un grand sens : On les destina à servir d’exemple : mais la manière dont Maillé reçut la mort était bien plus propre à établir leur esprit de religion dans ces têtes déjà gâtées qu’à le détruire. […] C’est alors que, Villeroy lui-même se rendant justice et se retirant, il y eut un mouvement dans le choix des généraux, et Villars fut désigné par Louis XIV pour servir sous le duc d’Orléans en Lombardie : il refusa. […] Dans sa lettre au ministre, il énumère ses raisons : il rappelle qu’il n’est guère propre à servir sous un autre et sous un prince.

26. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Dans les républiques, de quelque manière qu’elles fussent constituées, il était trop nécessaire aux hommes de se défendre ou de se servir les uns des autres pour établir entre eux des rapports d’agréments et de plaisir. […] Lorsque le gouvernement est assez modéré pour qu’on n’ait rien de cruel à en redouter, assez arbitraire pour que toutes les jouissances du pouvoir et de la fortune dépendent uniquement de sa faveur, tous ceux qui y prétendent doivent avoir assez de calme dans l’esprit pour être aimables, assez d’habileté pour faire servir ce charme frivole à des succès importants. […] La flatterie qui sert à l’ambition exige beaucoup plus d’esprit et d’art que celle qui ne s’adresse qu’aux femmes : ce sont toutes les passions des hommes et tous leurs genres de vanité qu’il faut savoir ménager, lorsque la combinaison du gouvernement et des mœurs est telle, que les succès des hommes entre eux dépendent de leur talent mutuel de se plaire, et que ce talent est le seul moyen d’obtenir les places éminentes du pouvoir. Non seulement la grâce et le goût servaient en France aux intérêts les plus grands, mais l’une et l’autre préservaient du malheur le plus redouté, du ridicule. […] Il s’établit dans les premières classes de certains usages, de certaines règles de politesse et d’élégance, qui servent, pour ainsi dire, de signe de ralliement, et dont l’ignorance trahirait des habitudes et des sociétés différentes.

27. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La raison les combat, les religions s’en servent. […] Le bonheur des autres n’est point l’objet de la morale des anciens ; ce n’est pas les servir, c’est se rendre indépendant d’eux, qui est le but principal de tous les conseils des philosophes. […] L’attention et l’abstraction sont les véritables puissances de l’homme penseur ; ces facultés seules peuvent servir aux progrès de l’esprit humain. […] Comment se fait-il, dira-t-on, qu’approfondir l’erreur puisse jamais servir à la connaissance de la vérité ? […] Les connaissances politiques avaient fait de grands progrès dans les premières années de la révolution française, parce qu’elles servaient l’ambition de plusieurs, et agitaient la vie de tous.

28. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Les peintres font servir encore ces compositions à peu près au même usage que les égyptiens emploïoient leurs figures hierogliphiques ; c’est-à-dire pour mettre sensiblement sous nos yeux quelque verité generale de la morale. […] Ils peuvent bien dans les sujets qui ne répresentent pas les mysteres et les miracles de notre religion, se servir d’une composition allegorique, dont l’action exprimera quelque verité, qui ne sçauroit être renduë autrement, soit en peinture, soit en sculpture. […] Dieu leur inspiroit lui-même les figures dont ils devoient se servir, et l’application qu’il en falloit faire. […] Il ne leur est point permis d’inventer des fictions, et de s’en servir à leur gré, pour exposer de pareils sujets. […] Il faut avoir une imagination plus féconde, et plus juste, pour imaginer et pour rencontrer les traits dont la nature se sert dans l’expression des passions, que pour inventer des figures emblêmatiques.

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