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435. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Mais on la sent quand même, et cela est très déconcertant. […] » qui sent en plein son Avignon. « Té ! […] Becque de nous l’avoir fait si pleinement sentir. […] D’acte en acte, on se sentait devenir meilleur. […] Ils sentent que rien n’est meilleur que d’être bon.

436. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Cette haine, il est fort possible qu’Ibsen ne l’ait point sentie, lui, contre son héroïne. […] Il sent la chaleur du foyer sans en voir la flamme. […] Mais ce ridicule est beaucoup moins senti aujourd’hui qu’autrefois. […] Il se sent méchamment opprimé et exploité. […] Vanina sent déjà que Renato ne l’aime plus.

437. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Son succès dura un hiver, après quoi la grande plaie incurable du plébéien se fit sentir, je veux dire qu’il lui fallut gagner sa vie. […] Au bout de plusieurs mois, sa raison lui revint ; mais elle se sentait des étranges pays où elle avait voyagé toute seule. […] Cette fantasmagorie est bien brillante : par malheur elle sent la fabrique. […] on en sort ébloui, assourdi ; les sens défaillent sous cette inondation de magnificences ; mais en rentrant chez soi, on se demande ce qu’on a appris, ce qu’on a senti, si véritablement on a senti quelque chose. […] Comparez, pour sentir ce contraste, Gil Blas et Ruy Blas, le Paysan parvenu de Marivaux et Julien Sorel de Stendhal.

438. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

S’il choisit le premier parti, l’intérêt qu’on prend à ces épisodes, ne sert qu’à mieux faire sentir la froideur de l’action principale, et il a mal rempli son titre. […] Ce défaut se fait sentir dans plusieurs de leurs pièces, et surtout dans les tragédies d’Euripide. […] Racine a bien senti la nécessité de lier ces sortes de scènes à l’action. […] On ne peut mieux faire sentir la vérité de ces règles que par des exemples : nous en rapporterons un ici. […] Plus on a le goût fin et exercé sur les bons modèles, plus on le sent ; mais c’est de ces choses qu’on ne peut que sentir.

439. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Il sent ou plutôt il juge successivement, analytiquement. […] À force de contempler, ils oublient de sentir et de penser. […] Diaz a senti s’éveiller en lui une ambition plus difficile. […] On sent, on devine que M.  […] Mais personne, je crois, ne les sent mieux que M. 

440. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Duchange, Jacques »

Francisque Sarcey Je me suis beaucoup moque, quand j’avais votre âge, des fausses élégances de Delille et des emphases d’Écouchard Lebrun ; vous pouvez railler de même mes scrupules, qui sentent leur vieux temps. Au moins sentirez-vous, dans la façon dont je vous les expose, beaucoup de sympathie pour votre jeune talent.

441. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Rien n’avertit une littérature d’être digne, sérieuse, honnête, comme de sentir qu’on a l’œil sur elle et qu’elle est l’objet d’une haute attention. […] Quelque chose est dans l’air qui adoucit, qui rallie, et oblige tout bon Français à sentir que la France n’a jamais été dans une plus large voie de prospérité et de grandeur. Ce que l’armée, ce que l’industrie, ce que les serviteurs de la France et les travailleurs de tout genre ont obtenu de l’attention magnanime du prince, que la littérature sente qu’elle l’obtient aussi à son tour ; et ces gens de lettres, qui hier encore se décourageaient ou se dispersaient au hasard en laissant s’égarer leur talent, deviendront véritablement alors des serviteurs de la France, des travailleurs utiles et dignes. […] On vit au jour le jour ; l’or coule par flots, puis il tarit ; mais aussi, comme l’ouvrier parisien, on a l’heureuse faculté de l’imprévoyance : on a sa guinguette, on a ses soirées ; on a le théâtre ; on rencontre, on échange de prompts et faciles sourires ; on nargue la famille ; on est en dehors des gouvernements ; même si on les sert, on sent qu’on n’en est pas.

442. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Il découvre tout de suite le point faible, il sent le ridicule et, s’il le voulait, il ferait un vaudevilliste sans pair. […] Chacun sent les bacilles de la phtisie, de la congestion pulmonaire voltiger autour de lui, comme les mouches autour d’un bétail, cherchant la place où se poser. On tremble à chaque instant, malgré les collets relevés, de sentir la piqûre mortelle. […] Et ma pensée évoque ce dernier banquet de la Plume en l’honneur de Paul Adam (7 décembre 1899) où, dans la joie et les lumières, Deschamps sentait monter vers lui la sympathie de trois cents convives, exaltés jusqu’à l’ivresse par l’éloquence de l’auteur du Mystère des foules et la vibrante et chaude parole de Moréas.

443. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Il seroit également injuste de se récrier contre certains traits de critique, où la plaisanterie nous échappe comme d’elle-même, à la vue du ridicule : si nous savions d’autres moyens plus propres à le faire sentir, nous les aurions employés. […] Les Lecteurs éclairés nous les pardonneront d’autant plus aisément, qu’ils doivent sentir par eux-mêmes, que lorsqu’il s’agit de venger la Religion, les Mœurs & le Goût, contre les erreurs de plusieurs Ecrivains accrédités, on ne sauroit s’exprimer avec trop de force. […] En discutant également & leurs talens & leurs principes, nous ne laissons passer aucune occasion de faire sentir la médiocrité des uns, la fausseté & le danger des autres. […] Pour peu qu’elle veuille réfléchir, nous n’aurons d’autre mérite auprès d’elle, que d’avoir résisté à l’illusion, & de dire courageusement ce que tout homme sage & éclairé a déjà connu & senti.

444. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

En se dissolvant elle se divise, et voici de quelle façon : Le royaume chancelle, la dynastie s’éteint, la loi tombe en ruine ; l’unité politique s’émiette aux tiraillements de l’intrigue ; le haut de la société s’abâtardit et de génère ; un mortel affaiblissement se fait sentir à tous au-dehors comme au-dedans ; les grandes choses de l’état sont tombées, les petites seules sont debout, triste spectacle public ; plus de police, plus d’armée, plus de finances ; chacun devine que la fin arrive. […] Cela dit, ou même simplement senti, le gentilhomme prend la chose au vif, décuple sa livrée, achète des chevaux, enrichit des femmes, ordonne des fêtes, paie des orgies, jette, donne, vend, achète, hypothèque, compromet, dévore, se livre aux usuriers et met le feu aux quatre coins de son bien. […] Et, si le seigneur sent encore d’aventure le besoin de cacher son nom, ce n’est pas pour échapper au roi, c’est pour échapper à ses créanciers. Il ne se fait pas bandit, il se fait bohémien. — On sent que la royauté absolue a passé pendant de longues années sur ces nobles têtes, courbant l’une, brisant l’autre.

445. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Tous sentent que, s’il y a un grand mouvement dans la sphère de l’intelligence humaine, il y a néanmoins un centre fixe, un axe sur lequel repose tout le système. […] Cette comparaison nous accoutumait à sentir des nuances d’idées, bientôt même des catégories entières d’idées, que soit notre langue maternelle, soit les autres langues acquises étaient inhabiles à rendre. […] Rousseau dit que la nécessité du tempérament se fit sentir tout à coup lorsque le système musical se perfectionna. Je pense que rien ne se fait sentir tout à coup ; et ce perfectionnement du système musical pourrait bien avoir une grande analogie avec le genre de perfectionnement dont parle Smith pour les langues.

446. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

On eût senti l’esprit qui crée là où l’on ne sent que le talent qui traduit ou imite, quoique imiter et traduire n’impliquent pas nécessairement qu’on ne puisse très bien inventer. […] III Ainsi, voilà le reproche à faire à ces Contes d’un vieil enfant, que les enfants sentiront peut-être, avec leur imagination vierge et le velouté sensible de leur ignorance, mais qui doivent être, en définitive, jugés par des hommes. […] Nous avons donc eu dans ces Contes, au prix d’un plaisir, deux leçons : la leçon morale que doit aux enfants tout conteur, et qui est le pain de la confiture, disait Bernardin de Saint-Pierre, et la leçon de langue que le conteur ne devait pas et qu’il nous a donnée, sans avoir l’air d’y toucher, — la seule chose, cette finesse (j’aurai la brutalité de le dire en finissant), qui sente la diplomatie et qui nous rappelle à quel diplomate nous avions affaire, puisque, dans tout ce carnaval de contes d’enfant et de grand-père, il s’est si parfaitement et si délicieusement déguisé.

447. (1930) Le roman français pp. 1-197

On vit plus vite, donc on sent plus vite. […] Une race superbe, qui se sent mourir, n’a pas peur de mourir, mais a peur des morts, et se sent attirée par eux. […] Mais unanimement elle se sentait touchée jusqu’au fond de l’âme. […] Et, dans son style d’alors, on sent encore l’influence des Goncourt. […] Celui-ci le sent, le sait.

448. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Plusieurs écrivains, de ceux qui sont chaque jour sur la brèche, ont donc senti le besoin de varier et d’accroître leurs moyens, de perfectionner leurs instruments et, si j’osais dire, leur outillage, afin de pouvoir lutter avec les autres arts rivaux et pour satisfaire à cette exigence de plus en plus positive des lecteurs qui veulent en tout des résultats. […] Dubois, averti, était plus indulgent au jeune maître et sentait que, dans le métal nouveau qu’on forgeait, il fallait combiner et mélanger les éléments. […] On sent le professeur de rhétorique qui a eu de bons cahiers et qui, même émancipé et licencié, s’en sert agréablement. […] — Est-ce que la vie errante, entraînée, fragile, nécessiteuse, besogneuse, peu digne et cependant toujours pardonnée, de l’abbé Prévost, ne me dispose pas à mieux sentir son passionné chef-d’œuvre et à l’absoudre même, si quelque scrupule me venait par endroits en le lisant ? […] Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier.

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