/ 1899
1038. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

M. de Goncourt, parce qu’il se croyait gentilhomme et qu’il était célibataire, s’amusait à écrire sur les galanteries de Louis XV et les actrices du xviiie  siècle ; mais comme aussi il était d’un naturel grave et chagrin, il écrivait ces histoires galantes avec le sérieux d’un bollandiste racontant la vie des saints. […] M. de Goncourt ne se croirait pas un historien sérieux s’il se donnait la peine d’exposer son sujet.

1039. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Un clergé sérieux, désintéressé, honnête, veillait à la conservation de ces croyances avec assez d’habileté pour ne pas les affaiblir et néanmoins pour ne pas trop s’y compromettre. […] Je le vois encore (il venait souvent chez nous à Tréguier), sérieux, grave, un peu triste, car il était presque seul de son espèce.

1040. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Pierre Brun, ce n’est pas son gros livre sérieux sur Cyrano. […] Quand la petite Fernande donne ses baisers à Henri de Régnier, miche sérieux et académique, elle fait de l’œil à Gabriel Trarieux, puissance future.

1041. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Mais Olivier est un philosophe de trente ans, rompu à toutes les roueries de la vie pratique ; il a voyagé dans le demi-monde autant pour son instruction que pour son plaisir ; il n’a jamais pris au sérieux les comédies de mœurs et de prétentions qui s’y jouent. […] Il revient du Havre ; cette innocente promenade a fait tomber les actions de sa maison dans les bas-fonds de la baisse ; il les a rachetées à cinquante pour cent au-dessous du pair : le tour est fait… Mais ce tour est celui d’un Mercadet à ses débuts et non celui d’un homme six fois millionnaire ; mais cette fausse sortie, exécutée sur le théâtre sérieux des affaires, conduirait tout droit son homme en police correctionnelle ou en cour d’assises ; mais c’est là une fourberie impossible, imaginaire, fantastique, et dont ce pauvre diable de millionnaire sacrifié ne peut être responsable aux yeux du public !

1042. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

* * * — Placer dans un roman un chapitre sur l’œil et l’œillade de la femme, un chapitre fait avec de longues et sérieuses observations. […] c’est bien sérieux pour moi !

1043. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Charles Quint devient de coureur d’aventures, empereur sérieux, Ruy Blas d’amant-poète, grand ministre. […] Les personnages y sont des héros ou des monstres : de Javert le « mouchard marmoréen » à Gauvain, le général de trente ans qui possède « une encolure d’hercule, l’œil sérieux d’un prophète et le rire d’un enfant… » Fantine, Mme Thénardier « la mijaurée sous l’ogresse » sont au-delà des deux frontières extrêmes de l’humanité, de même que les guerriers de la Légende des Siècles sont plus grands que des statues.

1044. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il ne manque qu’un caractère à cette grandeur, le sérieux. […] IX Mais si nous considérons l’institution littéraire de l’Académie française à un autre point de vue, c’est-à-dire au point de vue de l’autorité morale, de l’indépendance et de la dignité de la pensée en France, l’institution de l’Académie change d’aspect et mérite la plus sérieuse considération dans l’esprit public.

1045. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

De menus détails, capables de piquer la curiosité des esprits actifs et de servir de passe-temps à ceux qui n’ont rien de mieux à faire, fort indifférens pour celui qui voit dans la vie une chose sérieuse, et se préoccupe avant tout des besoins religieux et moraux de l’homme.La science ne vaut qu’autant qu’elle peut rechercher ce que la révélation prétend enseigner5. » Ai-je besoin de citer encore ? […] « Plus s’est étendue notre connaissance des faits et des lois, écrivait récemment l’un des plus sérieux adversaires de la théorie de l’inconnaissable, plus s’est épaissi le mystère des forces dont nous mesurons au dehors les effets comme mouvemens, et qui répondent en nous à des sensations avec lesquelles nous ne pouvons leur imaginer aucune similitude de nature.Nous nous voyons bien plus loin que ne croyaient l’être les anciens savans ou philosophes de comprendre ce que c’est que la chaleur.

1046. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

parce qu’ils considèrent l’humanité elle-même directement et non pas parce détour et par ce faux-fuyant qui consistent à la représenter sous des figures d’animaux ; ils sont, en quelque sorte, ramenés à une certaine ligne normale, non pas sans doute, encore une fois, à une ligne de moralité, mais cependant d’études sérieuses, sensées, et jusqu’à un certain point assez hautes. […] Il pourra même arriver, si vous goûtez ce récit, que vous en goûterez après de plus sérieux.

1047. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

… Quelle perspective ou quel fantôme a donc altéré la grasse paix de cet universitaire, qui n’avait peut-être eu jamais de souci et d’anxiété dans sa vie, si ce n’est le jour où le baron d’Echstein, ce terrible savant qui n’a pas lu les Pères de l’Église seulement pour faire la classe à des conscrits intellectuels, lui défendit, au nom du sérieux de l’histoire (telle du moins se raconte l’anecdote), de toucher à ce grand sujet du pontificat de Grégoire VII que les journaux avaient annoncé, et qui, effectivement, n’a paru qu’après la mort du baron d’Echstein. […] Si, pour le peindre exactement d’un mot, il fallait, le comparer à l’un d’eux, nous dirions qu’il est le Jules Janin de l’Université et de l’Académie ; et encore un Janin sérieux et guindé, par conséquent bien moins artiste à sa façon que Jules Janin ne l’est à la sienne.

1048. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

… Ou, non moins sérieux mais plus impersonnel, croirait-il que la Charcuterie est l’Idéal des temps modernes, et l’aurait-il seulement peinte avec l’amour d’un grand artiste pour une grande chose ? […] le mot est plus sérieux que cela, il est plus profondément calculé.

1049. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Il n’était pas de ceux que la critique console de l’art, qu’un travail littéraire distrait ou occupe, et qui sont capables d’étudier, même avec emportement, pour échapper à des passions qui cherchent encore leur proie et qui n’ont plus de sérieux objet.

1050. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Que si on prétendait donner pour type de l’esprit français tout autre plus sérieux, plus grandiose, Bossuet par exemple, on se tromperait, en visant trop haut ; on déplacerait le centre.

1051. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Toute cette troisième lettre ne serait guère qu’un résumé sérieux et lumineux des objections de Montaigne, si de doute en doute, de conjecture en conjecture, elle ne se terminait tout d’un coup par la supposition toute spiritualiste d’une infinité d’intelligences de mille ordres différents, répandues à tous les étages de l’univers, espèces d’anges que Cicéron et le plus sage des Scipions ne désavoueraient pas, « éternels admirateurs du jeu de la nature et spectateurs invisibles des actions des hommes. » Non, Rousseau a beau user de la méthode des sceptiques, il n’est pas sceptique lui-même, et la méthode se rompt brusquement entre ses mains, au moment où il la poussait à bout : il en jaillit au contraire l’illumination la plus imprévue, et faite à souhait pour ravir un idéaliste.

/ 1899