Sismondi, tout d’abord, et comme par précaution, le lui avait rendu quand il disait, — avant de le connaître personnellement, il est vrai, et sur la simple annonce de l’Histoire de France que Chateaubriand se proposait d’écrire : « J’ai une grande admiration pour son talent, mais il me semble qu’il n’en est aucun moins propre à écrire l’histoire : il a de l’érudition, il est vrai, mais sans critique, et je dirais presque sans bonne foi ; il n’a ni méthode dans l’esprit, ni justesse dans la pensée, ni simplicité dans le style : son Histoire de France sera le plus bizarre roman du monde ; ce sera une multiplicité d’images qui éblouiront les yeux ; la richesse du coloris fait souvent papilloter les objets, et je me représente son style appliqué aux choses sincères comme le clavecin du Père Castel, qui faisait paraître des couleurs au lieu de sons. » Sismondi ne voyait et ne prédisait là que les défauts. […] Ni les circonstances de la vie, ni celles de la personne n’ont aucune identité ; il en résulte qu’à quelques égards elle se montre dans le cours du roman tout autre qu’il ne l’a annoncée.
On lui accorde de reste les fantaisies humoristes, les boutades d’une saillie incomparable, les chaudes esquisses, les riches prêts à fonds perdu dans les ouvrages et sous le nom de ses amis, le don des romans, des lettres, des causeries, des contes, les petits-papiers, comme il les appelait, c’est-à-dire les petits chefs-d’œuvre, le morceau sur les femmes, la Religieuse, madame de La Pommeraie, mademoiselle La Chaux, madame de La Carlière, les héritiers du curé de Thivet ; — ce que nous tenons ici à lui maintenir, c’est son titre social, sa pièce monumentale, l’Encyclopédie ! […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument.
« L’on peut être touché de certaines beautés si parfaites et d’un mérite si éclatant, que l’on se borne à les voir et à leur parler146. » Il y a moyen, avec un peu de complaisance, de reconstruire et de rêver plus d’une sorte de vie cachée pour La Bruyère, d’après quelques-unes de ses pensées qui recèlent toute une destinée, et, comme il semble, tout un roman enseveli. […] Il y a des endroits où, en marchant dans l’œuvre, dans le poëme, dans le roman, l’homme qui a le pied fait s’aperçoit qu’il est sur le creux : ce creux ne rend pas l’écho le moins sonore pour le vulgaire.
Il est curieux de les comparer aux parties de l’Itinéraire qu’ils emploient ; on préférera souvent le style simple des impressions de voyage aux beautés écrites du roman. […] D’une façon générale, la place que dans le roman, dans la pensée, dans l’histoire même et les ouvrages de philosophie ou d’érudition tient aujourd’hui la peinture de la nature, de Sand à Loti et de Michelet à Renan, cette place a été marquée par Chateaubriand669.
Le caractère chevaleresque de François Ier, ses galanteries, avaient rendu de la faveur aux romans de chevalerie, et attiré d’Espagne et d’Italie, les Amadis, les Florestans, les, Philocopes. […] L’espagnol et l’italien sont aux étages supérieurs ; ce sont les langues à la mode : qui donc regarderait à monter quelques marches, pour lire les romans d’Amadis et s’amuser des pointes italiennes ?
Il lisait les chefs-d’œuvre de l’antiquité comme on lit des romans, les latins dans le texte, les grecs dans la traduction, avec cette pénétration du génie qui sent l’original sous le traducteur. […] Enfin, averti que c’était au genre même qu’on en voulait, et que plus il était conforme aux préceptes d’Horace, moins il plaisait à M. le prévôt de Paris91, il entendit le reproche, et il y fit cette réponse qui absout ses intentions : « La gaieté des contes, dit-il, fait moins d’impression sur les âmes que la douce mélancolie des romans les plus chastes. » Je craindrais bien plutôt que la cajolerie Ne mît le feu dans la maison.
Mais, tandis que les autres se fatiguaient à la poursuite de ce rare, elle le trouvait sans le chercher, par quelque habitude de jeunesse, comme son amour pour les romans de Mlle de Scudéry. […] Nous voyons les occupations graves auxquelles on se porte par mode : les sermons fort courus, surtout ceux de Bourdaloue, « qui frappe toujours comme un sourd184 » ; les discussions sur les ouvrages d’esprit ; les partisans de Corneille aux prises avec ceux de Racine ; les lectures : c’est le Port-Royal qui est le plus lu, après les poètes et avec les romans.
. — Peut être, quelques uns, lisant, lisant les partitions d’orchestre, peuvent voir et entendre le Drame musical, ainsi que, tous, nous voyons et entendons, le lisant seulement, le drame littéraire, ainsi que, tous, par la seule lecture, nous suscitons, en notre esprit, les tableaux que le roman décrit ; or, ces quelques uns aussi, lisant, jouiront dans le Livre, sans obstacle et sans divertissement, des splendeurs, magiquement évoquées, du Théâtre Wagnérien idéal ; et, pure vision non troublée par les étrangères matérialités, impudentes ou hypocrites, des salles théâtrales, — en la complète vérité d’un monde imaginatif, le Sens Religieux leur apparaîtra… Le Livre serait le lieu de Représentation, au Drame métaphysique et naturaliste. […] Dans son roman L’ombre s’étend sur la montagne (1907), Rod s’inspire de l’amour de Wagner et de Mathilde pour décrire la passion du violoniste Franz Lysel pour une femme aimée.
La fable, s’était, d’autre part, déployée, mais exagérément déployée dans les différentes branches de ce roman universel que l’on a appelé Roman de Renart.
Depuis qu’il avait écrit, dans sa jeunesse, ce livre sans composition, ce roman de Volupté, la sœur aînée des dames Bovary et des demoiselles de Maupin, l’article l’avait saisi comme une pince et l’articlier avait poind, et il n’avait plus été qu’articlier, car Port-Royal, avec son titre et malgré son titre d’histoire, n’est pas autre chose qu’une succession d’articles, enfilés comme des cerfs-volants. […] À l’exception de quelques piètres romans, écrits uniquement pour ce que la copie rapporte aux faiseurs, il n’y a pas une œuvre d’haleine dans la littérature actuelle, et jamais le dessèchement cérébral n’a été plus complet que sous cette République qui n’est ni celle de Périclès, ni celle d’Auguste, ni celle des Médicis… Les lettres donc, la correspondance, cette littérature de tout le monde, est le seul intérêt d’esprit qui reste à ce monde de portiers qu’est devenue, la société française.
Drames, romans, nouvelles, beaux-arts et jusqu’aux modes, tout, depuis trente ans, a porté, plus ou moins, l’empreinte de ce règne dont l’abbé Galiani disait avec son filet de voix claire : « Il y a des empires qui ne sont jolis que dans leur décadence », et pour lequel les Austères révolutionnaires de l’histoire, séduits comme des bourgeois par des duchesses, se sont parfois senti une indulgence, — que l’on comprend très bien, du reste, quand on regarde ce règne et ce temps, entre leurs trois grandes cariatides, Rousseau, Montesquieu et Voltaire. […] , gazouilleurs de romans adultères (il ne gazouille pas, lui, M.
Sa plus grande dissimulation en causant était de ne pas dire tout ce qu’elle pensait et ce qu’elle savait, mais elle ne s’abaissait jamais au mensonge ; elle aimait par goût la vérité, et « à s’approcher d’elle le plus qu’elle pouvait toujours. » Sa littérature nous est connue ; elle nous a dit elle-même ses lectures ; elle était devenue plus difficile avec les années : « Elle aimait (c’est le prince de Ligne qui parle) les romans de Le Sage, Molière et Corneille. — “Racine n’est pas mon homme, disait-elle, excepté dans Mithridate.”
La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.
Mais à travers cette occupation spéciale, une autre idée d’observation plus étendue ne les avait pas quittés ; ils s’étaient attachés à étudier les divers ressorts du grand ensemble qu’ils avaient sous les yeux, et leur tâche officielle dignement remplie, ils viennent de nous reproduire la double face de la civilisation américaine tout entière, l’un, M. de Beaumont, la société civile et les mœurs dans le roman de Marie ; l’autre, M. de Tocqueville, la société politique et les lois, dans l’ouvrage que nous annonçons.