« Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois, dit Retz ; mais ces rois n’ont pas toujours été absolus au point qu’ils le sont. » Et dans un résumé rapide et brillant, il cherche à montrer que si la monarchie française n’a jamais été réglée et limitée par des lois écrites, par des chartes, comme les royautés d’Angleterre et d’Aragon, il avait toutefois existé dans les temps anciens un sage milieu « que nos pères avoient trouvé entre la licence des rois et le libertinage des peuples ». Ce sage et juste milieu qui, en France, a toujours été plutôt à l’état de vœu, de regret ou d’espérance, qu’à l’état de pratique réelle, avait pourtant quelque ombre d’effet et de coutume dans le pouvoir attribué au Parlement, et Retz montre tous les rois sages, saint Louis, Charles V, Louis XII, Henri IV, empressés à se modérer eux-mêmes et à s’environner d’une limite de justice. […] Le peuple entra dans le sanctuaire : il leva le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l’on peut dire, tout ce que l’on peut croire du droit des peuples et de celui des rois, qui ne s’accordent jamais si bien ensemble que dans le silence. […] Se reportant aux âges antérieurs et à l’esprit de ce qui subsistait alors, il définit en termes singulièrement heureux l’antique et vague Constitution de la France, ce qu’il appelle le mystère de l’État : Chaque monarchie a le sien ; celui de la France consiste dans cette espèce de silence religieux et sacré dans lequel on ensevelit, en obéissant presque toujours aveuglément aux rois, le droit que l’on ne veut croire avoir de s’en dispenser que dans les occasions où il ne serait pas même de leur service de leur plaire.
Ou bien il faut reconnaître qu’il y a un genre de beautés dont l’ordre et la règle ne sont pas le principe, ou il faut condamner les Pensées de Pascal comme une œuvre déréglée où quelques beautés sublimes ne compensent pas le dangereux exemple d’une raison fière et solitaire, qui dans l’obéissance même a tous les caractères de la révolte, et, tout en se soumettant, ne veut se soumettre qu’à sa manière et ne servir que comme un roi vaincu. […] Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ? […] Grâce au ciel le grand roi n’a pas eu assez d’empire sur ce merveilleux génie pour polir et discipliner cette imagination biblique et orientale, naïve et sublime. […] Toutefois, après avoir fait la juste part à cette influence, je voudrais que l’on me dît en même temps ce qu’elle a pu avoir de fâcheux, ce que le goût du roi, noble sans doute, mais sec et froid, a pu retrancher de beautés libres et hardies à notre littérature. […] A peine parle-t-on de Henri IV, car il ne fallait pas qu’aucun nom pût effacer et ternir celui du grand roi.
II Les Rois, de M. […] L’intérêt des Rois est ailleurs. Le prince Hermann, sous l’influence d’une touchante aventurière, la jeune Frida de Thalberg, ancienne amie et élève de la socialiste internationaliste Audotia Latanief, est un roi très moderne. […] « Votre cousin Renaud est un fou », avait dit à Hermann le roi Christian.
Tiré de flancs embrasés, accouché par la foudre qui dévorait sa mère, frappé de démence par une déesse hostile, attaqué par des rois qui reniaient sa divinité, aux prises avec des géants et des monstres, déchiré par les Titans, d’après d’autres mythes, il avait affronté tous les périls, surmonté toutes les épreuves d’un héros souffrant. […] C’est le Chant que la muse a sacré et qu’elle a fait roi. […] Bacchus, roi de la terre, régnait aussi aux Enfers, et sa divinité funèbre projetait des ombres de mort sur ces triomphes de la vie. […] Tour à tour dieu et roi, guerrier et messager, l’histrion, changeant de rôle et de visage, fit face à tous les incidents d’un mythe, s’adapta à toutes les péripéties d’une action.
En voici un bien extraordinaire : Les arbres voulurent un jour se choisir un Roi. […] Voyez ensuite ce scélérat de renard, ce maudit flatteur, qui ôte à son roi le remords des plus grands crimes. […] Puis vient ce trait de satire contre l’homme et contre ses prétentions à l’empire sur les animaux, reproche qui est assez grave à leurs yeux pour justifier leur roi d’avoir mangé le berger même. […] Craignait-il plus les moines que les rois ?
La Charte donnée par le roi n’est, à proprement parler, qu’une formule pour dégager l’inconnue, c’est-à-dire une méthode pour résoudre le grand problème de nos institutions nouvelles ; ce qui le prouve, ce sont les articles transitoires, les stipulations de circonstance dont cet acte est surchargé ; ce qui le prouve encore, c’est qu’on n’invoque point la Charte, mais l’esprit de la Charte. […] Les actes qui exigent le concours du roi et des deux Chambres ne peuvent être que les conséquences de la loi. […] Et les rois, victimes augustes, seraient-ils alors comme un signe personnifié d’une telle situation, car c’est sur eux, en effet, qu’elle pèse avec le plus d’angoisse, puisqu’ils sont établis gardiens des lois, dépositaires des traditions ? faudrait-il enfin qu’un roi, lorsqu’il vient à ne plus représenter qu’une société expirante, dût mourir avec elle, et, comme elle mourir d’une mort violente et injuste ?
atteindront-ils un résultat plus heureux et plus durable que les tout-puissants rois de France, avec l’action une et continue d’un pouvoir, sur cette question éternellement désobéie, pendant une succession de siècles ? Justement effrayés du développement que prenait cette coutume du duel, d’origine religieuse, — puisque les jugements de Dieu, qui furent les premiers duels, partaient de l’idée (mal entendue, il est vrai), mais de l’idée de sa justice, — les rois, en France, ne cessèrent, depuis Louis IX jusqu’à Louis XIV, de s’opposer à ce développement et de le combattre. […] Seul de tous les souverains, Louis XIV, dont Richelieu et Mazarin avaient préparé la besogne de roi absolu, fut noblement désintéressé dans son action contre le duel, et seul il se montra, dans toute la prudente et sévère beauté de cette fonction auguste, un véritable législateur ! […] on tombe rudement de haut, quand on tombe de ces maréchaux et de la fonction dont ils étaient investis par le Roi à l’intervention, sans caractère public et obscurément paternelle, de témoins choisis par les combattants qui se fient à eux ; mais, il faut bien le dire, c’est encore le meilleur moyen de moraliser le duel et d’en prévenir les conséquences désastreuses… Pour mon compte, à moi, j’aime à voir refaire la seule législation qui soit possible sur le duel au xixe siècle, libéral et républicain, avec les miettes de la législation brisée de ce despote de Louis XIV, comme on fait une petite maison avec les débris d’un palais… Mirabeau disait un jour, à propos d’un duel qu’il avait refusé : « J’ai refusé mieux !
Né en 1707, sous Louis XIV, le Roi réglé et éclatant comme le soleil, qu’il avait pris pour son symbole, Buffon devait garder sur tout lui-même un impérissable reflet de ce grand règne, qui expira sur son berceau, et montrer ce reste de grandeur par la règle, comme pour faire leçon en sa personne à la société déréglée au sein de laquelle il ne vécut pas. […] Quand il n’était plus au Jardin du Roi, il était à Montbar, dans ce pavillon aérien, qu’il avait fait bâtir au-dessus de toutes les terrasses, et dans la lanterne vitrée duquel il passa « cinquante ans à son bureau ». […] Il s’occupait de mathématiques, traduisait les Fluxions de Newton, mais déjà il se mettait en mesure avec l’avenir par des mémoires sur les végétaux qui le firent passer, à l’Académie, de la classe de mécanique dans celle de botanique, et décidèrent plus tard de sa nomination à l’intendance du Jardin du Roi, qu’il visait depuis longtemps avec la tranquillité de regard de la prévoyance. […] Comme les hommes qui savent choisir ceux qui les remplacent, il fut invisible et présent au Jardin du Roi.
Legouvé, dans sa tragédie de Henri IV, ne pouvant pas reproduire le plus beau mot de ce roi patriote : « Je voudrais que le plus pauvre paysan de mon royaume pût du moins avoir la poule au pot le dimanche. » Ce mot, vraiment français, eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. […] Dans son Orange de Malte, un E…, dit-on, préparait sa nièce à accepter la place de maîtresse du roi 10. […] Macbeth, honnête homme au premier acte, séduit par sa femme, assassine son bienfaiteur et son roi, et devient un monstre sanguinaire.
. — Le roi des animaux dans la littérature indigène : lion, éléphant et hyène ; le riz. […] A la tête des animaux se trouve un roi qui est soit l’éléphant, soit le lion, soit même l’hyène102 et, qui pis est, l’araignée (chez les Agni). […] Les animaux ont leur roi comme ceux de notre littérature « fablesque », mais ce n’est pas toujours, le lion.
Tel est surtout l’ouvrage d’un de ces Scandinaves, qui, au neuvième siècle, fut en même temps roi, guerrier, poète et pirate, et qui, pris en Angleterre les armes à la main, condamné à mourir dans une prison pleine de serpents, chanta lui-même son éloge funèbre. […] J’ai cinquante et une fois élevé l’étendard des batailles ; j’ai appris dans ma jeunesse à teindre une épée de sang ; mon espérance était alors qu’aucun roi, parmi les hommes, ne serait plus vaillant que moi. […] Ces insulaires avaient la plus grande réputation ; ils étaient accueillis chez les rois et conservaient le souvenir de tout ce qui se faisait de grand dans le nord.
Les Rois en exil. — 1879. […] — À roi d’opérette, reine de tragédie ! […] À la suite des désastres, le roi abdique en faveur de son fils. […] Tout le monde, jusqu’au roi, remarqua ces fréquents voyages. Le roi voulut savoir quel était ce nouveau Gargantua, et le fit suivre.
Un roi moderne qui voudrait bien jouer son personnage devrait toujours avoir leurs discours sur sa table. […] À côté du roi est un second roi, de grande race, hautain et digne, assis dans son droit aussi fièrement que l’autre, et maître du spirituel comme l’autre du temporel. […] Par le changement des idées le caractère du prêtre a changé comme celui du roi. […] Pour la cabale, qui est-ce qui n’en peut point être accusé, si on en accuse un homme aussi dévoué au roi que je le suis, un homme qui passe sa vie à penser au roi, à s’informer des grandes actions du roi, et à inspirer aux autres les sentiments d’amour et d’admiration qu’il a pour le roi ? […] Au bout du temps fixé, il naquit et fut élevé, puis marié par le roi dont elle était l’épouse.
Si Villemain n’a pas proposé cette année sa loi organique sur l’instruction secondaire, c’est que le roi ne s’en est pas soucié : « Laissons faire, disait-il au ministre, laissons-leur la liberté à tous, moyennant un bon petit article de police qui suffira. » — Le roi est peut-être meilleur politique en disant cela, mais Villemin est meilleur universitaire. — Ces querelles religieuses détournent de la politique active immédiate.