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542. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Il leur fait grâce, en les fouettant d’un rien d’ironie, d’une ironie qui est un sourire à peine sensible, une petite flèche lui partant d’un coin de lèvre et qui, toute légère qu’elle est, entre dans un ridicule comme dans une baudruche. […] Il se disait parfaitement que ce serait ridicule, si on le voyait sur une poule, mais, tant pis, il la lâcherait avant d’arriver. […] L’une, un squelette ; la seconde, un corps de phtisique portant une grosse tête ridicule ; la troisième, une statue de marbre noir.

543. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Scherer, — et tout cela est un peu ridicule. […] Le Dictionnaire néologique de l’abbé Desfontaines raille comme prétentieux, ridicules et outrecuidants, une quantité de mots alors nouveaux dans le bel usage. […] Rien ne peut mieux réussir à en préserver le Public, que quelque Ouvrage qui en fasse sentir le ridicule : et pour cela il n’y a autre chose à faire que de lui présenter, dans un Extrait fidèle, toutes ces phrases vuides et alambiquées, dont les nouveaux Scudéris de notre temps ont farci leurs ouvrages, même les plus sérieux. » On n’est pas très surpris en lisant ce dictionnaire d’y trouver voués à la réprobation des honnêtes gens des mots tels que : Agreste, amplitude, arbitraire, assouplir, avenant ; « aviser, pour dire découvrir de loin, est un mot bas et de la lie du peuple » ; broderie, coûteux, coutumier, découdre défricher, sont tenus pour des termes incompatibles avec la littérature, et on rejette encore : détresse, émaillé, enhardir, équipée, germe, geste, etc.

544. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Les comédiens d’ailleurs m’auraient-ils entendu, eux qui ont eu la sottise de prendre pour un succès l’empressement d’un public curieux de voir une fois, une seule fois, ce qui est monstrueux, ridicule et bizarre ? […] Ce ridicule a si bien gagné votre école que bientôt on ne comprendra plus les livres de vos imitateurs. […] Ces cabales devinrent si fortes, si ridicules, qu’un décret de l’empereur força les élèves à rentrer à sept ou huit heures du soir.

545. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Voilà ce que j’appelle les vrais contes de La Fontaine, c’est-à-dire les récits où il a peint des hommes et des femmes avec leurs défauts, avec leurs ridicules qu’il a joliment et très spirituellement raillés, et aussi avec des qualités qu’il s’est attaché à peindre avec complaisance et avec un certain attendrissement. […] Remarquez que, même dans ses Contes et dans ses Fables, il est moraliste, et de premier ordre, c’est-à-dire qu’il parle avec infiniment de perspicacité, de grâce, de malice et quelquefois de profondeur, des vertus, peu, mais des ridicules et des vices des hommes. Moraliste, il l’est, il s’entend à faire l’analyse d’un travers, d’un ridicule, d’un défaut.

546. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari ajoute que tout cela n’est qu’une illusion et qu’il n’y a rien de ridicule dans le monde. […] Quand elle a trouvé, elle, du ridicule quelque part, certainement elle en peut sourire, mais ce sourire-là est mortel ! […] Tous les deux ont cassé la boussole du Socialisme contemporain et l’ont mis dans cette position ridicule de chercher le vent et de ne plus savoir comment naviguer.

547. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Et c’était bien ridicule. […] On croit à la lecture qu’au cinquième acte Antiochus doit jouer un rôle gauche, piteux et ridicule. […] Ainsi La Harpe faisait parler Mercier et le livrait au ridicule. […] Il n’y a pas à se dissimuler que Quitte pour la peur est quelque peu ridicule. […] L’identité de ridicule, dans mes personnages, était une nécessité de mon sujet tel que je l’avais conçu.

548. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Où l’auteur des Lettres persanes ne trouve que son plaisir, La Bruyère avait trouvé son plaisir et son chagrin ; il y a de la tristesse dans son rire, et il ôte aux plus honnêtes d’entre ses lecteurs l’envie d’être vains des ridicules dont ils sont exempts. […] Non que le premier ne sache penser, ni le second peindre ; mais La Bruyère nous donne plus volontiers la représentation et Montesquieu les raisons de nos ridicules. […] Voilà qui, pour couper court à ce qui restait de précieux, était plus tranchant que le ridicule. […] Le temps, qui nous ôte nos passions on qui rend ridicules celles qu’il nous laisse, qui nous apprend notre mesure par nos disgrâces, qui nous classe en dépit de notre prétention à rester déclassés pour continuer d’être ambitieux, le temps est pour beaucoup dans ce retour à l’honnêteté.

549. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Mr La Grenée, si vous avez pris à tâche d’être bête, absurde, ridicule, vous y avez bien réussi. […] Il faudroit que cela fût évident pour n’être pas absurde, ridicule. […] J’aimerois encore mieux ce sujet travesti en ridicule à la manière flamande ; Ulisse vieux bonhomme, de retour de la campagne en chapeau pointu sur la tête, l’épée pendue à sa boutonnière, et l’escopette accrochée sur l’épaule, Télémaque avec le tablier de garçon brasseur, et Pénéloppe dans une taverne à bierre, que cette froide, impertinente et absurde dignité. […] Ce sont des demandes ou folles ou ridicules ou incompatibles avec la beauté du technique.

550. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Au moment de partir, il écrivait naïvement à la maréchale de Schomberg ses raisons et ses excuses : Demeurer aux Incurables sans dévotion, lui disait-il, être à Paris sans voir le roi, porter une épée à mon côté sans aller à la guerre, passer ma vie avec des femmes sans être amoureux d’aucune, était une vie qui me rendait trop ridicule à mes yeux pour que je la pusse supporter plus longtemps. Quiconque redevient si sensible à l’impression du ridicule et à la raillerie n’est plus bien affligé.

551. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

… L’homme croit que le ciel, les étoiles, tout ce grand mouvement céleste et branle du monde, n’est fait que pour lui… Et le pauvre misérable est bien ridicule. […] Est-il possible de rien imaginer si ridicule que cette misérable et chétive créature, etc., etc. ?

552. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Et de plus, il y a tout lieu de croire, si l’on considère les progrès de la raison, que dans trente ans d’ici, ce même fils trouvera vos sollicitudes bien ridicules. […] Il racontait cela, il l’écrivait et tournait ainsi en ridicule un patriciat qui, pour s’en tenir à des recommandations si simples, n’en était peut-être pas moins sage.

553. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Il y eut en effet au xviie  siècle une génération puissante et forte, et en quelque sorte privilégiée : c’est celle qui ayant vu la fin du régime de Richelieu, de ce despotisme patriotique qu’on détesta de près sans le comprendre, se trouva jeune encore pour jouir de la régence d’Anne d’Autriche, et qui ensuite assista ou prit part à la Fronde : elle put avoir elle-même ses illusions, elle fit ses fautes, elle commit bien des actes odieux ou ridicules ; elle les vit passer du moins et les toléra ou y trempa ; mais elle y gagna de l’expérience, et, quand l’autorité de Louis XIV fut venue enfin tout pacifier et tout niveler, elle conserva quelque temps sous ce règne égal et superbe un vif ressouvenir du passé, qui lui permit de faire tout bas des comparaisons et des réflexions dont les écrits, indirectement, profitèrent. […] Il ne décourage pas, il ne dénigre pas ; il n’applique aux passions ni le blâme ni le ridicule, ni un mode d’explication qui a sa vérité, je l’admets, mais qui dans l’action déjoue, déconcerte et stérilise.

554. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Non seulement madame de Sévigné n’a point fait cette prédiction doublement ridicule, mais il n’est pas vrai que Voltaire lui ait imputé de l’avoir faite. […] Au reste, elle ajoute à son opinion sur les deux historiographes la citation de plusieurs louanges fort ridicules qu’on disait avoir été données par eux au roi en personne à l’armée, et elle finit avec beaucoup de raison par ces mots : Combien de pauvretés !

555. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Ses autres livres sont indifférents : soit que, poussant jusqu’au ridicule la théorie de Taine sur la faculté maîtresse, il découvre en Dumas fils et en Moïse un égal génie législateur2 ; — soit que (ces enfants ne doutent de rien), il vole Shakspeare lui-même, embourgeoise Hamlet et métamorphose le sombre usurpateur du trône de Danemark en je ne sais quel « homme du monde en train de penser à ses devoirs de club 3 !  […] Et la page de La Femme Pauvre qui méprise toute la philosophie allemande, sous prétexte qu’elle est venue depuis Luther, n’est peut-être pas exempte de tout ridicule.

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