Et l’on voudrait que tu fusses resté le même, sans incrédulité quand tout trompe, sans variation quand tout varie, sans modification quand tout change, sans ébranlement quand tout tombe, sans expérience quand tout enseigne autour de toi ! […] J’aurais dû rester en silence, sur cette hauteur, attendant les occasions s’il en survenait ; j’aurais mieux fait mille fois ; mais le caractère prévaut toujours sur la raison dans les natures actives. […] J’entrai résolument dans la lice, j’y combattis corps à corps les deux habiles et éloquents ministres défectionnaires de la couronne ; la victoire me resta toujours, sinon dans le scrutin, du moins dans l’opinion. […] Sauvons ensemble la constitution parlementaire, et restons ensuite, vous ce que vous êtes, et moi ce que je suis. » Ce discours existe ; on peut le relire à sa date. […] Je n’achève pas, mais je vous déclare en conscience que, bien qu’étranger et voulant rester étranger personnellement à la cause de la dynastie qui représente en ce moment la royauté, je sors d’ici l’esprit épouvanté pour mon pays des conséquences de la résolution que vous venez de prendre.
Selon nous, qui voulons rester juste, même envers Gœthe, l’histoire méprisée lui a porté plus de bonheur dans Egmont que dans Berlichingen. […] — et Gœthe, ce lecturier de Gœthe, ce gratte-papier et ce coupe-papier de Gœthe, qui Coupait une tragédie dans des Mémoires restés plus dramatiques que sa tragédie. […] Et le tout, pour achever, recouvert de cette forte obscurité germanique qui est restée sur les Germains depuis leurs bois primitifs jusqu’à leurs traités actuels de philosophie. […] Un jour on s’est battu pour Gluck, un autre jour pour Piccini… mais pour Gœthe on restera tranquille, il n’y a que la vie pour engendrer la vie, le feu pour faire l’incendie. […] Il l’avait trouvée trop difficile à couper, et elle était restée sur les épaules immortelles où Dieu l’avait mise, comme un phare de lumière inextinguible pour tous les envieux de l’avenir.
Elle posa involontairement, pendant trente ans, comme un divin modèle d’atelier voilé, devant tous les yeux et devant tous les cœurs de deux générations d’adorateurs enthousiastes, mais désintéressés de sa possession ; elle fut statue et jamais amante ; elle resta intacte sur son piédestal au milieu de l’encens qui fumait et des bras tendus pour la recevoir ; elle n’en descendit qu’au tombeau. […] Elle devait rester jeune jusqu’à la mort. […] XI Je restais en face de cette figure, immobile, étonné, ravi, attiré plus qu’enflammé. […] Je restai debout entre les deux portes, d’où l’on voyait à la fois les deux pièces pleines de spectateurs silencieux ou bourdonnants. […] » Ces derniers mots furent prononcés avec un accent de chagrin et avec un pli d’irritation sur les lèvres qui me prouva que son prétendu rôle de prince démocratique lui restait lourd sur le cœur.
Ses mines, son parler, son extérieur, sa bonté, son insouciance, sa bienveillante et débile vanité sont marqués d’un coup et resteront tels. […] S’il s’attaque à des gens moyens, ni ridicules ni surprenants, mais simples, naturels et vertueux, le romancier anglais ne parvient à Créer que de pâles ombres sans vie, de paroles banales, d’actes insignifiants et qui restent ternes et nuls d’un bout à l’autre du livre. […] Ses personnages seront permanents ; ils n’apparaissent qu’en ce qu’ils ont de comique, et, quelle que soit la situation dans laquelle ils sont placés, ce comique peut rester le même et efficace. Dans Daumier, Robert-Macaire conserve la même physionomie insolemment louche à travers la série ; ses bourgeois et ses Mme Coquardeau restent perpétuellement aigres, stupides et plats, et Gavarni n’en use pas autrement pour son Thomas Vireloque, ni Grévin pour son Taupin. […] L’émotion, comme nous l’avons dit plus haut, est un état d’âme qui a pour caractéristique non d’être une transition, la sensation rapide d’un rapport, comme les perceptions qui constituent les idées, — mais de rester continu, indivisible, borné au même objet pendant sa durée, c’est-à-dire un.
S’efforçant sans cesse de rendre exactement du spectacle des choses ce que ses sens en ont perçu, il arrive, quand il s’efforce de démêler les mobiles des actes et les phases des passions, à une extraordinaire pénétration, qui est le résultat de sa connaissance des modèles qu’il a pris, et de son application à rester dans le domaine du naturel et de l’explicable. […] Des points noirs tachaient la glace ; les murailles exhalaient une odeur de moisi et ils restaient là, causant d’eux-mêmes, des autres, de n’importe quoi, avec un ravissement pareil. […] Par ces dernières œuvres, Flaubert restera l’artiste, de ces temps qui sut assembler les mille éléments épars de beauté matérielle et sensible, en de plus ravissants ensembles. […] Cette force de son intelligence purement vocabulaire, et à laquelle ses sens restés normaux et actifs n’apportaient qu’un contingent d’images ou défectueuses, ou hostiles, jamais animatrices ne pouvant s’employer à la description de la réalité, ou la faussant quand elle s’y adonnait, le contraignit, par une échappatoire et par un compromis ; à faire un livre d’archéologie, où tous les faits sont exacts, mais où tous les faits ne se trouvent pas, et sont choisis de façon à fournir au plus magnifique style de ce temps, la faculté de se librement déployer. […] Cette assertion dut rester à l’état de simple hypothèse.
Ces confidences d’Abner amènent ces vers, restés monuments de parole, dans la bouche du grand-prêtre. […] L’inspiration d’en haut est restée sur la scène avec l’esprit et la voix de Talma. […] Il parut rester aussi grand, mais stationnaire, comme un astre à son apogée. […] Mais en cessant d’être poète, il resta malheureusement courtisan. […] … Quelle place resterait-il à une passion secondaire au milieu de ces passions surhumaines ?
Soyez donc heureux de votre jeunesse, mais n’en soyez pas si tiers, et ne vous obstinez pas à rester verts quand vous aurez dû devenir mûrs, ni à rester étourdis quand vous devez être sérieux. […] Marietta, tu nous restais encore ; Lorsque sur le sillon l’oiseau chante l’aurore, Le laboureur s’arrête, et, le front en sueur, Aspire dans l’air pur un souffle de bonheur : Ainsi nous consolait ta voix fraîche et sonore, Et tes chants dans les airs emportaient la douleur ! […] Depuis quinze ans il s’était retiré de tout, du monde, de l’amour, de la poésie même, de tout excepté de la famille et des amitiés qui lui étaient restées pieusement fidèles. […] Mais toi, Jeunesse, tu y es restée et tu t’y complais, et tu répètes ses vers, après tes orgies, pour te justifier à toi-même ta mollesse par un élégant exemple ! […] Voilà de quoi tu te rends complice : tu désertes les lettres pour les chiffres, tu affectes, à l’exemple de tes corrupteurs en prose et en vers, le dédain du beau, l’estime exclusive de l’utile, l’insouciance des institutions qui font l’avenir, le mépris pour ces noms littéraires et politiques qui te restent encore comme des reproches vivants de ta mollesse, écrivains, orateurs, philosophes, poètes, qui n’ont de vieux que leurs services, leur expérience et leurs gloires !
Quelques-unes de ces significations sont parfaitement fondées, d’autres restent plus douteuses. […] Il haussa les épaules, rit des lèvres et resta Espagnol de cœur. […] Ses désirs, ses passions, doivent rester chez elle à l’état latent. […] Grâce à cette contradiction, l’action lui est interdite, et il devra rester forcément oisif. […] On peut être désabusé sur le compte de l’erreur, et cependant en rester empoisonné.
Le mot fut approuvé, applaudi de tous ceux à qui on le proposa ; on vota pour lui tout d’une voix dans le salon bleu ; mais il n’en fut ni plus ni moins : Débrutaliser est resté un mot factice et artificiel ; il n’était pas né viable. […] Vaugelas, qui préférait les mots anciens restés dans l’usage, n’était nullement ennemi des mots nouveaux quand il les jugeait nécessaires. […] Quelques-uns sont féconds et font véritablement lignée en tous sens ; un certain nombre restent isolés et stériles. […] On le comprend maintenant de reste, et, toutes choses bien pesées et examinées, il ne doit plus, ce me semble, rester un doute dans l’esprit de personne : Vaugelas avait sa raison de venir et d’être ; il eut sa fonction spéciale, et il s’en acquitta fidèlement, sans jamais s’en détourner un seul jour ; il reçut le souffle à son moment, il fut effleuré et touché, lui aussi, bien que simple grammairien, d’un coup d’aile de ce Génie de la France qui déjà préludait à son essor, et qui allait se déployer de plus en plus dans un siècle d’immortel renom ; il eut l’honneur de pressentir cette prochaine époque et d’y croire. […] Je ne sais rien qui ressemble moins à Vaugelas, à ce grammairien resté gentilhomme, que le peuple de grammairiens proprement dits et que la plupart de ceux qui s’intitulent ainsi de nos jours.
Le xvie siècle, même chez les poëles en renom, est trop habituellement sujet à ces accidents fâcheux qui gâtent et, pour ainsi dire, salissent les intentions les meilleures ; mais là encore il y a des degrés, et les vers de François restent trop souvent hors de toutes limites. […] L’honneur de leur suzeraineté, de leur coopération intelligente et gracieuse, resterait hors de cause ; seulement la part du métier reviendrait à qui de droit. […] Écrivant au roi pendant une grossesse, Marguerite débutera en ces mots : Le groz ventre trop pesant et massif Ne veult souffrir au vray le cueur naïf Vous obeyr, complaire et satisfaire… Dans les désastres et les rudes épreuves qu’eut à supporter son frère, elle le comparera tantôt à Énéas et tantôt à Jésus-Christ, de même qu’elle s’écriera, cri parlant de Madame d’Angoulême, leur mère, qui est restée courageusement au timon de l’État : À-t-elle eu peur de mal, de mort, de guerre, Comme Anchises qui délaissa sa terre ? […] 19. » Les Poésies de François Ier, fort louées de son vivant, rentrèrent dans l’obscurité après lui ; elles y restèrent, et personne alors ne songea à les publier. […] C’est dans les comédies de Laurent de Médicis, de François Grazzini, de Jérôme Razzi, de Louis Dolce, dont les noms se trouvent mentionnés dans la dédicace de Larivey à M. d’Amboise, qu’on aurait le plus de chances de rencontrer les imitations et traductions qui restent encore à déterminer.
Elle est restée comme étouffée dans les parois de cette Chambre, ou renfermée encore, enterrée dans les longs suppléments du Moniteur, sans que les premiers Paris des journaux, sans que quelques-uns de ces entrefilets incisifs qu’on parcourt d’un clin d’œil et qui indiquent les points intéressants, y aient frayé la route à de nombreux lecteurs. […] Par quantité de règlements qui ne sont pas tous mauvais ni inutiles, et qui sont même, quelques-uns, d’une bonne police, la France, la nouvelle France, s’est vue réduite et rangée à un régime quotidien où ne s’était jamais vue la vieille France, celle de nos grands-pères ; à bien des égards elle a été mise en classe, et il n’est pas impossible qu’elle s’accoutume à y rester. […] Messieurs, on a bien peur que nous restions par un peu de vivacité, de malice et de gaieté, les petits-fils de Voltaire, de Rivarol, de Chamfort, et je dirai même de Boileau, ce Boileau que M. de Montausier, aussi rébarbatif à sa manière que les majorités législatives d’aujourd’hui, menaçait tout simplement de jeter à la rivière. […] Le livre, en effet, dans toute cette discussion, est resté en dehors et comme dans le vague. […] Messieurs, cet amendement auquel le nom de son auteur restera attaché n’est peut-être qu’un épouvantail.
Le bourdonnement et les articulations de la voix lui étaient restés dans les oreilles. […] Partant, si ces accompagnements qui s’excluent ont une tendance égale à renaître, ni l’un ni l’autre ne renaîtra, et nous nous sentirons tiraillés en sens contraires par des tendances contraires qui n’aboutissent pas ; les images resteront à l’état naissant et composeront ce qu’on nomme en langage ordinaire une impression. […] Ainsi, la mémoire humaine est un vaste bassin où l’expérience journalière déverse incessamment divers ruisseaux d’eaux tièdes ; ces eaux plus légères restent à la surface, recouvrant les autres ; puis, refroidies à leur tour, elles descendent au fond par portions et par degrés, et c’est l’afflux ultérieur qui fait la nouvelle superficie. […] « Je descendis54 le même jour, dit sir Henry Holland, dans deux mines très profondes des montagnes du Hartz, et je restai plusieurs heures sous terre dans chacune des deux. […] Il guérit par degrés. » Un autre malade, qui était venu à Édimbourg depuis dix à douze ans, ne se rappelait plus rien de cette portion de sa vie ; au contraire, la portion antérieure qu’il avait passée dans un autre pays lui était très présente. — Dernièrement, on a vu en Russie un célèbre astronome oublier tour à tour les événements de la veille, puis ceux de l’année, puis ceux des dernières années, et ainsi de suite, la lacune gagnant toujours, tant qu’enfin il ne lui resta plus que le souvenir des événements de son enfance ; on le croyait perdu ; mais, par un arrêt soudain et un retour imprévu, la lacune se combla en sens inverse, les événements de la jeunesse redevenant visibles, puis ceux de l’âge mûr, puis les plus récents, puis ceux de la veille.
Que restait-il donc à dire aux républicains contre les rois, quand celui qui se disait leur Blondel mêlait à d’emphatiques déclamations de fidélité des railleries contre ses idoles officielles ? […] Il fut fidèle à la monarchie légitime après les Bourbons, je restai fidèle à mon honneur en refusant de servir la seconde monarchie. […] « Je montais un soir la colline du couvent de Saint-Nicolas, dans l’île de Prinkico, lisant, apprenant ou commentant l’Odyssée, mon livre favori ; et, suivant une coutume de ma jeunesse qui m’est restée, m’arrêtant à chaque vers comme à chaque détour du sentier, pour cueillir les glaïeuls, les asphodèles et les premières églantines. […] L’âme totalement dégagée de l’esprit de parti, et se remettant entièrement à la Providence du sort de sa cause, il se contentait de rester fidèle pour lui-même, et ne s’inquiétait plus des fidélités ou des infidélités des autres. […] Ulysse, jeté sur cette île par la tempête et accablé de lassitude, est couché sur des feuilles sèches, à l’abri des roseaux, au bord du fleuve qui se jette dans la mer. » Alors, continue M. de Marcellus, le vieillard Manos, aux cheveux blancs et à la longue barbe, vêtu de cette robe orientale qui fait partie du costume grec à Constantinople, se redresse sur le divan où nous restons accoudés.
Depuis, la maison resta inhabitée, et tomba lentement en ruine, comme toute demeure à laquelle la présence de l’homme ne communique plus la vie. Elle était restée meublée de ses vieux meubles et toujours à vendre ou à louer, et les dix ou douze personnes qui passent par an rue Plumet en étaient averties par un écriteau jaune et illisible accroché à la grille du jardin depuis 1810. […] Cette grille restait toujours fermée. […] Il restait sur son banc et n’approchait pas. […] C’était l’apparition de l’adolescence à l’adolescence, le rêve devenu roman et resté rêve, le fantôme souhaité enfin réalisé et fait chair, mais n’ayant pas encore de nom, ni de tort, ni de tache, ni d’exigence, ni de défaut ; en un mot, l’amant lointain et demeuré dans l’idéal, une chimère ayant une forme.