Sa santé en souffrit, son talent d’observation dut y gagner ; il remarquait tout, maladif et taciturne ; et comme il n’avait pas la tournure d’esprit rêveuse et que son jeune âge n’était pas environné de tendresse, il s’accoutuma de bonne heure à voir les choses avec sens, sévérité et brusquerie mordante. […] A ceux qui l’accuseraient encore d’avoir jeté la pierre aux statues de Racine et de Boileau, l’auteur, pour toute réponse, a droit maintenant de faire remarquer qu’en écrivant les Larmes de Racine et la Fontaine de Boileau, il a témoigné, très-incomplètement sans doute, de son admiration sincère pour ces deux poëtes, mais qu’en cela même il a donné bien autant de gages peut-être que ne l’ont fait certains de ses accusateurs. […] Mais ces accidents champêtres, et toujours et avant tout ingénieux, sont rares chez Boileau, et ils le devinrent de plus en plus avec l’Age. — Puisque nous en sommes à ce détail, ne laissons pas de remarquer encore que la fontaine Polycrècne, dont il est question dans la même épître et qui arrose la vallée de Saint-Chéron, près de Bàville, fontaine chantée en latin par tous les doctes et les beaux-esprits du temps, Rapin, Huet, etc., est restée connue dans le pays sous le nom de fontaine de Boileau.
Mlle de Lespinasse, qui, bien que philosophe et incrédule, était sur un point superstitieuse comme l’eût été une Espagnole, comme l’est une amante, remarqua qu’ayant quitté Paris un vendredi, ce fut un vendredi aussi qu’il repartit de Madrid (6 mai 1774), et qu’il mourut à Bordeaux le vendredi 27 mai. […] Résumons avec elle : « Tant de contradictions, tant de mouvements contraires sont vrais et s’expliquent par ces trois mots : Je vous aime. » Remarquez qu’à travers cette vie d’épuisement et de délire, Mlle de Lespinasse voit le monde ; elle reçoit ses amis tant qu’elle peut ; elle les étonne bien parfois avec ses variations d’humeur, mais ils attribuent cette altération chez elle à ses regrets de l’absence, puis de la mort de M. de Mora. […] Mais eux, les voyageurs, ils n’avaient rien vu ni remarqué de ces petits accidents : c’est que Mme de Staël avait parlé pendant tout ce temps-là, et qu’elle parlait des Lettres de Mlle de Lespinasse, et de ce M. de Guibert, qui avait été sa première flamme.
Mme Geoffrin avait remarqué que plusieurs femmes dans un dîner distraient les convives, dispersent et éparpillent la conversation : elle aimait l’unité et à rester centre. […] Son activité était de celles qui se font remarquer principalement par le bon ordre, une de ces activités discrètes qui agissent sur tous les points presque en silence et insensiblement. […] On lui faisait remarquer un jour que tout était chez elle en perfection, tout, excepté la crème, qui n’était point bonne.
Il a remarqué que, dans son pays de Langres, les vicissitudes de l’atmosphère sont telles, qu’on passe en vingt-quatre heures du froid au chaud ; du calme à l’orage, du serein au pluvieux, et qu’il est difficile que cette mobilité du climat n’aille pas jusqu’aux âmes : Elles s’accoutument ainsi, dès la plus tendre enfance, dit-il, à tourner à tout vent. […] J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté : j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là… » Et il ajoute, car il nous importe dès l’abord de le bien voir : « J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. » Représentons-nous donc Diderot tel qu’il était en effet, selon le témoignage unanime de tous ses contemporains, et non tel que l’ont fait les artistes ses amis, Michel Van Loo et Greuze, qui l’ont plus ou moins manqué, à ce point que la gravure d’après ce dernier le faisait ressembler à Marmontel : « Son front large, découvert et mollement arrondi, portait, nous dit Meister, l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. » On ajoute que Lavater crut y reconnaître des traces d’un caractère timide, peu entreprenant ; et il y a lieu de remarquer en effet qu’avec l’esprit hardi, Diderot avait le ressort de conduite et d’action un peu faible. […] En analysant ce tableau et aussi les autres tableaux de Greuze, Diderot, notez-le, se plaît à y remarquer ou à y introduire une légère veine de sensuel à travers le moral, une veine qui s’y trouve peut-être, mais que certainement il aime à suivre, à indiquer du doigt, et que, plutôt que de l’omettre, il est tenté de grossir et d’exagérer.
Il fut élevé à la campagne d’abord, puis à Paris au collège Mazarin ; mais, malgré de bonnes études, il se plaît à remarquer qu’il n’eut en définitive « que l’instruction qu’il se donna ». […] Fiévée par ses adversaires politiques et constitutionnels d’alors, il faisait remarquer qu’il n’avait jamais vanté le gouvernement militaire, mais l’esprit militaire, ce qui était bien différent, et il se couvrait du mot de M. de Bonald : « Les nations finissent dans les boudoirs, elles recommencent dans les camps40. » Bien qu’il ne fût qu’une seule fois nommé dans cette brochure, Bonaparte sentit bien qu’elle lui était tout entière dédiée ; il fit venir aux Tuileries M. […] Or, dans tout pays où il n’y a plus de service qui ne soit soldé, il y a réellement égalité politique en dépit des prétentions et des souvenirs. » Mais cette vérité de fait ne l’empêche pas de remarquer que l’opinion a gardé pourtant des restes bien légitimes de religion historique : « Des hommes qui ont leur nom dans l’histoire, qui se lient à tout le passé d’une nation, ne sont jamais nuls dans leur patrie. » Dans toutes ces notes de début, M.
Je ne prétends pas que ce point de vue n’ait point été alors le plus utile et le plus essentiel : on remarquera seulement combien Courier y donne exclusivement et sans y apporter aucun correctif, aucune réserve. […] Un lecteur attentif de Courier me fait remarquer combien il y a de vers tout faits mêlés à sa prose, par exemple dès les premières lignes du Discours sur Chambord : Nos chemins réparés, nos pauvres soulagés… Notre église d’abord, car Dieu passe avant tout… De notre superflu, lorsque nous en aurons… Mais d’acheter Chambord pour le duc de Bordeaux, Je n’en suis pas d’avis et ne le voudrais pas… Et en tournant le feuillet : Mais quoi ! […] Courier, en vieillissant, et par disette de sujets, serait sans doute revenu à de pures applications d’art ; il nourrissait un grand projet sur Hérodote, et il en a donné un essai de traduction très remarqué.
Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi […] Comme il faut qu’un coin de faiblesse se mêle à nos qualités mêmes, on a remarqué que ce rôle de proscrit et de persécuté était devenu chez lui un goût et, vers la fin, un peu une manie, une idée fixe. […] Reinaud me fait remarquer, entre autres choses, qu’il y a dans les premiers volumes de l’Histoire des croisades un mouvement et même une chaleur de récit dont je n’ai pas assez tenu compte.
Ce qu’on aime mieux remarquer dans ces premiers essais de Montesquieu, c’est l’amour de la science, et de l’étude appliquée à tous les objets. […] Je ne blâme point cet hommage rendu, en tout cas, à l’élévation et à l’idéalisation de la nature humaine ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que c’est prendre et accepter les idées de justice et de religion plutôt par le côté politique et social que virtuellement et en elles-mêmes13. […] Il a des idées, mais il n’a pas, on l’a remarqué, de sentiments politiques.
On ne s’intéresse à ses semblables qu’à raison de l’intérêt qu’on prend à soi-même et qu’on ose attendre de leur part. » Et il cite à ce propos un mot de Rousseau, qui venait un jour de s’épancher auprès d’un ami, et qui remarquait que cet ami (peut-être Grimm lui-même) recevait son épanchement sans lui rendre du sien : « Ne m’aimeriez-vous pas ? […] J’ai eu souvent occasion de remarquer que, dans tout ce qu’on lui contait ou disait, il attendait toujours l’épigramme. […] Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence.
Il faut remarquer son silence apprêté lorsque la conversation roule sur des objets qu’il devrait savoir et qu’il ne sait pas, et l’adresse avec laquelle il s’esquive lorsque cette conversation s’approche trop près de lui… » Il pouvait y avoir un peu de cette adresse dans le silence habituel de M. […] « Ses traits ne ressemblent à ceux de personne ; la forme de son visage est extraordinaire. » C’est sa femme qui disait cela, et d’autres qu’elle l’ont également remarqué. […] Necker y rappelait en style peu pratique quelques vérités d’expérience ; on a remarqué depuis qu’il y parlait de la propriété et des propriétaires un peu légèrement, et qu’il y présentait ceux qui vivent de leur travail ou les prolétaires comme étant toujours la proie des premiers : « Ce sont, disait-il, des lions et des animaux sans défense qui vivent ensemble ; on ne peut augmenter la part de ceux-ci qu’en trompant la vigilance des autres et en ne leur laissant pas le temps de s’élancer. » M.
L’un obéit à son humeur, l’autre à sa raison ; mais remarquez bien que c’est à sa raison qu’il obéit et non à la raison commune. […] Nisard a finement fait remarquer que les deux autres unités naissent naturellement de celle-là, et qu’une action, pour être concentrée, a besoin d’aller vite et d’avoir lieu dans un étroit espace. […] Nisard, dans son admiration pour Bossuet, ait à peine pensé à nous faire remarquer l’imagination de cet admirable écrivain.
Et, en effet, il est à remarquer que, tandis que d’autres éminents poètes de nos jours, MM. de Lamartine et Hugo, par exemple, ont engendré de si nombreux imitateurs, Béranger n’en a eu, à vrai dire, aucun, quoiqu’il soit le plus populaire. […] L’esprit gaulois, nous l’avons remarqué déjà, est imprescriptible, et il se perpétue par une veine facile, même sous les nouvelles qualités sérieuses qu’il a acquises.
Remarquons toutefois qu’au xive siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini. […] On est insensiblement poussé à la forme, à l’apparence ; de si près et entre gens si experts, nulle intention n’échappe, nul procédé technique ne passe inaperçu ; on applaudit à tout : chaque mot qui scintille, chaque accident de la composition, chaque éclair d’image est remarqué, salué, accueilli.
Sous ce rapport ils dépassèrent bientôt toutes les bornes, et manifestèrent, jusque dans le salon de leurs patrons, un fanatisme d’opinion, une hauteur dogmatique, et un langage qui obligea le vieux Fontenelle lui-même à confesser qu’il était épouvanté de cet excès de suffisance que l’on remarquait partout dans la société. » L’auteur a bien raison de dire le vieux Fontenelle : car aux sombres couleurs qu’il emploie, nous, nous pensions déjà à la fin du XVIIIe siècle, et la longévité de Fontenelle aurait peine à y atteindre. […] Quoiqu’il y ait une sorte d’impertinence à décider du style d’après une traduction, il est impossible de ne pas remarquer que sir Walter Scott, comme à plaisir et pour combler son œuvre de tous les ridicules, a pris un singulier travers.