Jean-Bon, né à Montauban le 25 février 1749, était d’une bonne famille de foulonniers ou fabricants de draps, protestante de religion. […] Jean-Bon fut comme la plupart des hommes de cette époque : son esprit qui était ferme et net, et non supérieur, s’excitant et s’enflammant au foyer du cœur et au souffle de la passion, marcha avec les événements sans les devancer de beaucoup, et il est de ceux qui auraient pu dire en toute vérité avec le moraliste : « Les occasions nous font connaître aux autres, et encore plus à nous-mêmes. » Le 30 avril 1789, à l’occasion de l’Édit de Louis XVI en faveur des Protestants et en vertu duquel il leur était permis de s’avouer tels désormais sans péril et sans crainte, de pratiquer leur culte, de contracter mariage selon les lois et de jouir des avantages et des droits de citoyens, Jean-Bon prononçait à titre et en qualité de pasteur, « devant quelques vrais serviteurs de Dieu et divers citoyens amis de la religion, de la tolérance, de la patrie et de l’humanité », un discours ou sermon où il se montrait pénétré de reconnaissance envers « le bienfaisant monarque », et d’une sensibilité autant que d’une modération qu’il n’a que trop tôt démenties : « Mais peut-on se le dissimuler ? […] Le principal foyer était à Montauban même, où plusieurs patriotes, et surtout des protestants, avaient été massacrés dans une émeute ; quarante autres, presque tous négociants et de la religion réformée, étaient emprisonnés et menacés d’être sacrifiés aux fureurs du parti contre-révolutionnaire. […] C’était une double et triple guerre de religion, de classe et de caste, le tout mêlé et confondu.
» Allant même sur le terrain des adversaires incrédules, pour les réfuter et les combattre en politique : Il n’y a point à balancer, ose-t-il leur dire, entre de faux systèmes de philosophie et de faux systèmes de religion. Les faux systèmes de philosophie rendent l’esprit contentieux et laissent le cœur froid : les faux systèmes de religion ont au moins l’avantage de rallier les hommes à quelques idées communes, et de les disposer à quelques vertus71. […] [NdA] Cela n’est tout à fait vrai que des vieilles religions dont M. […] [NdA] Dans ce même discours, Portalis, tout religieux qu’il est, explique en partie par l’amour-propre le triomphe du christianisme dès son origine : « Les préceptes de l’Évangile, dit-il, notifièrent la vraie morale à l’univers ; ses dogmes firent éprouver aux peuples devenus chrétiens la satisfaction d’avoir été assez éclairés pour adopter une religion qui vengeait en quelque sorte la divinité et l’esprit humain de l’espèce d’humiliation attachée aux superstitions grossières des peuples idolâtres » — Rapprocher cette explication de celle que donne Volney dans son Voyage en Égypte et en Syrie à propos des religieux du mont Sinaï et du discours que lui tient l’un d’eux sur les mobiles de leur vocation. — Ici Portalis et Volney, en les serrant de très près, se touchent.
La prière est toute sa religion, l’ode est toute sa poésie. […] Cependant l’âge de l’épopée touche à sa fin… Une religion spiritualiste se glisse au cœur de la société antique… Elle enseigne à l’homme qu’il a deux vies à vivre, l’une passagère, l’autre immortelle ; l’une de la terre, l’autre du ciel. […] C’est le sort des religions, des sciences ; et l’esthétique de M. […] Un cataclysme venant à détruire l’œuvre entière de nos civilisations, Faustus et Stella recommençant la vie humaine, on rebâtirait les empires, les religions, la science, mais nul ne nous rendrait Dante Alighieri… Mettons-les à la place d’honneur, ces poètes dont le génie entra dans l’absolu ; mais n’oublions pas les légions d’ouvriers modestes qui les ont préparés, sans lesquels ils ne seraient pas.
Tant de religions diverses et tant de philosophies contraires, tant de vérités renversées et tant d’erreurs soutenues, ont montré que l’établissement et la chute des opinions dépendent non de leur absurdité ou de leur évidence, mais de la conformité ou de l’opposition qui se rencontre entre elles et l’état des esprits. […] Pour la première fois, la science des méthodes et des vues d’ensemble demeurait nulle, laissant les sciences particulières marcher à leur gré et toutes seules, rattachée tout entière à la morale, commentaire du Vicaire savoyard, demandant à la religion place à côté d’elle, et réduite à lui offrir respectueusement un secours suspect94. […] On finit par faire des avances au clergé, présenter la philosophie comme l’alliée affectueuse et indispensable de la religion, offrir le dieu de l’éclectisme comme une base « qui peut porter la trinité chrétienne », et l’éclectisme tout entier comme une foi préparatoire « qui laisse au christianisme la place de ses dogmes, et toutes ses prises sur l’humanité99. » Il eût été bien difficile de ne pas réussir avec tant d’adresse, avec tant de soin pour séduire, amuser, entraîner et ménager les esprits, avec tant de précautions pour suivre ou devancer leur marche. […] Il n’a guère pour adversaires déclarés que des hommes pleins de bonhomie qui rédigent le calendrier et le bréviaire d’une religion future, ou des hommes pleins d’imagination qui fabriquent des épopées philosophiques en prose.
Comment la littérature en Angleterre a son emploi dans la politique et la religion. — Poëmes politiques de Dryden : Absalon et Achitophel, la Médaille. […] La vertu chez nos tragiques est fondée sur la raison, sur la religion, sur l’éducation, sur la philosophie. […] Les grands sujets étaient livrés aux discussions violentes ; la politique et la religion, comme deux arènes, appelaient à l’audace et à la bataille tous les talents et toutes les passions. […] Le poëte, qui, dans la Religion d’un laïque, était encore anglican tiède et demi-douteur, entraîné peu à peu par ses inclinations absolutistes, s’était converti à la religion catholique, et, dans son poëme de la Biche et la Panthère, il combattit pour sa nouvelle foi […] They are not so properly to be called plays as long discourses of reason of state ; and Polyeucte, in matters of religion, is as solemn as the long stops upon our organs.
Il fut Philosophe, mais Philosophe Chrétien ; & l’on peut dire que ses lumieres ont autant servi à la gloire de la Religion, qu’à celle de la Philosophie. […] Quoi qu’il en soit des illusions du Pere Malebranche, on s’avisa de soupçonner que la Religion pouvoit être intéressée dans son Systême.
Un défaut plus essentiel, c’est que la religion est très-peu ménagée dans le Dictionnaire de Bayle. […] Cet auteur respecte la religion, & il différe en cela de Bayle.
A M. de Montalembert, après la lecture de son livre, des Intérêts catholiques au XIXe siècle (1852), Tocqueville écrivait également : « Je n’ai jamais été plus convaincu qu’aujourd’hui qu’il n’y a que la liberté (j’entends la modérée et la régulière) et la religion, qui, par un effort combiné, puissent soulever les hommes au-dessus du bourbier où l’égalité démocratique les plonge naturellement dès que l’un de ces deux appuis leur manque. » Il n’épousait la démocratie que sous toutes réserves. […] Et quant à la religion, se rendait-il bien compte, au moment où il l’invoquait pour auxiliaire des conditions de l’alliance catholique et des conséquences qu’elle recélait ? […] Je n’ai pas de traditions, je n’ai pas de parti, je n’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine : de cela, je suis sûr ; et pour un travail de cette sorte, une disposition et un naturel de cette espèce sont aussi utiles qu’ils sont souvent nuisibles quand il s’agit, non plus de parler sur les affaires humaines, mais de s’y mêler. » J’en demande pardon à Tocqueville : au moment où il dit qu’il n’a point de cause, il déclare assez qu’il en a une, et cette cause, telle qu’il vient de la définir, était pour lui une religion. […] Aujourd’hui même j’ignore si cette religion de liberté qui redevient en vogue, et que je vois professée partout, admet, un instant, la liberté non pas de la contredire, mais de proposer quelque amendement, quelques observations. […] Et puis, il y avait de lui à moi, de tout temps et bien avant les événements de dernière date, un certain nœud de séparation : il était de nature croyante, c’est-à-dire que, même dans l’ordre des idées, il portait une certaine religion, une certaine foi.
Il n’est pas possible de ne pas éprouver une affliction profonde lorsqu’on voit, dans une certaine littérature moderne dont on vient louer les auteurs, fouler aux pieds les lois de l’ordre éternel, attaquer la religion, base de l’ordre social. […] Ce n’est pas dans cette assemblée qu’on peut faire l’apologie de celui qui a nié la divinité du Christ, et qui s’est posé comme l’ennemi acharné de la religion de nos pères qui est encore celle de la très-grande majorité des Français. […] Nous avons fort reculé, monsieur le Président, sur le Sénat du premier Empire, qui comptait parmi ses membres La Place, La Grange, Sieyès, Volney, Cabanis, Tracy… Ne serait-il donc plus permis d’être de la religion philosophique de ces hommes ? […] Vous mettez à l’index ministériel Lanfrey pour son Histoire des Papes : mettrez-vous donc à l’Index également tous ces sots livres imbus d’une doctrine ultramontaine que repoussait la religion de Bossuet et qu’on accepte couramment aujourd’hui, — qu’on a l’air d’accepter, — car on est devenu d’une pusillanimité étrange ? […] Je comprends très-bien la théorie sociale qui fait d’un peuple sans religion un peuple en décadence.
Discours préliminaire Je me suis proposé d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs et des lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la religion, les mœurs et les lois. […] La première partie de cet ouvrage contiendra une analyse morale et philosophique de la littérature grecque et latine ; quelques réflexions sur les conséquences qui sont résultées, pour l’esprit humain, des invasions des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres ; un aperçu rapide des traits distinctifs de la littérature moderne, et des observations plus détaillées sur les chefs-d’œuvre de la littérature italienne, anglaise, allemande et française, considérés selon le but général de cet ouvrage, c’est à dire, d’après les rapports qui existent entre l’état politique d’un pays et l’esprit dominant de la littérature. J’essaierai de montrer le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l’éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l’esprit humain, les effets d’imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les différents changements qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d’existence des femmes avant et depuis l’établissement de la religion chrétienne ; enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps ; tel est le sujet de la première partie. Dans la seconde, j’examinerai l’état des lumières et de la littérature en France, depuis la révolution ; et je me permettrai des conjectures sur ce qu’elles devraient être et sur ce qu’elles seront, si nous possédons un jour la morale et la liberté républicaine ; et fondant mes conjectures sur mes observations, je rappellerai ce que j’aurai remarqué dans la première Partie sur l’influence qu’ont exercée telle religion, tel gouvernement ou telles mœurs, et j’en tirerai quelques conséquences pour l’avenir que je suppose.
La plupart de nos écrivains ont été élevés dans les lycées, ont renoncé de bonne heure aux pratiques de la religion, ne hantent point les églises ni les presbytères. […] Non seulement les lecteurs des feuilles radicales, mais même leurs rédacteurs, non seulement les neuf dixièmes des ouvriers des villes, mais beaucoup de bourgeois et de lettrés sont intimement convaincus que le plus grand nombre des prêtres manquent à leur vœu de chasteté et détournent les femmes au confessionnal, et que d’ailleurs ils ne croient guère à la religion dont ils sont les ministres. […] Beaucoup de fidèles sont d’ailleurs des âmes simples, dont la religion est toute de sentiment. […] Une religion fondée sur une révélation surnaturelle doit, à mesure que son domaine terrestre s’étend, se résoudre dans l’infaillibilité d’un chef unique, et c’est à cela, en effet, qu’a tendu l’Église à travers les âges. […] Sans doute il était trop ivre de la beauté de la terre pour devenir le ministre d’une religion qui sépare si absolument Dieu du monde visible.
On se raille de ceux qui s’enquièrent encore de la réalité des choses, et qui, pour se former une opinion sur la morale, la religion, les questions sociales et philosophiques, ont la bonhomie de réfléchir sur les raisons objectives, au lieu de s’adresser au critérium plus facile des intérêts et du bon ton 191. […] La religion, la philosophie, la morale, la politique trouvent de nombreux sceptiques ; les sciences physiques n’en trouvent pas (au moins quant à leur partie définitivement acquise et quant à leur méthode). […] La morale, la philosophie, la vraie religion ne sont pas à sa portée ; elle tourne dans une fatale impuissance. […] Autant vaudrait espérer que le scepticisme engendrera la foi et qu’une religion nouvelle sortira des bureaux d’un ministère ou des couloirs d’une assemblée. […] Il est indubitable au moins que la région est suffisamment désignée et que, pour savoir d’où viendra la religion de l’avenir, il faut toujours regarder du côté de Liberté, égalité, fraternité.
Il imagine donc l’Être avec ses lois, selon le vœu de sa présomption et voici l’éclosion fantastique des religions et des métaphysiques. Évoquées par le vœu ardent de l’ermite, avec des formes complexes que son savoir précise, voici apparaître devant ses yeux dans la solitude du désert, comme les rêves successifs et incohérents de la cervelle humaine, toutes les théogonies et toutes les religions, glorifiant tour à tour ou méprisant la chair, se détruisant les unes les autres par des affirmations inconciliables. […] Tandis que, dans La Tentation, le délire du saint évoque la cohorte des religions et des métaphysiques se réfutant les unes les autres par le seul fait de leur confrontation, l’enthousiasme intellectuel de Bouvard et de Pécuchet qui les porte à tout apprendre, à s’élancer sans cesse dans toutes les directions de l’esprit, prête à une revue encyclopédique de toutes les philosophies et de toutes les sciences. […] Il n’est pas exagéré de dire qu’une religion scientifique régit de nos jours les hommes avec la même rigueur que la religion divine leur commandait naguère.
La bénédiction nuptiale lui plairait mieux que le baptême ; elle n’a de religion tout juste que ce qu’il en faut pour enflammer son amour par l’obstacle qui s’y oppose. […] Voltaire, au contraire, haïssait dans Polyeucte le héros chrétien, le martyr de cette religion qu’il voulait écraser : l’injustice et l’amertume de ses critiques décèlent le dépit et la mauvaise humeur. […] Du moment que la religion passe pour une invention humaine, elle est nulle ; la religion qu’on croit divine et révélée est la seule qui puisse avoir de l’influence sur les mœurs et contribuer au bonheur de la société. […] Il faut ou renoncer à tous les avantages de la religion, ou persuader au peuple qu’elle est divine : il n’y a pas de milieu. […] Des hommes sans religion ne cèdent qu’à la force, et l’autorité civile n’est respectable pour eux qu’autant qu’il n’est pas de leur intérêt de secouer son joug.