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1366. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Quand il tomba, la Démocratie était passée à l’état de religion. […] Par sa religion. […] Il s’applique avec une exactitude singulière à une autre agonie, celle de la religion de 1789. […] Ils sentent la religion de ces faux dogmes de 89 s’en aller de toutes parts. […] Cette religion de l’Armée, le général Langlois l’a gardée, fervente et passionnée, jusqu’au dernier jour.

1367. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Malgré Bossuet, il voudrait que Racine eût carrément soutenu qu’il se montrait admirable chrétien et se rendait éminemment utile à la religion en écrivant des pièces d’amour et en aimant des actrices. […] Mauriac, dont c’est la plus chère théorie que les pires désordres favorisent éminemment la littérature et du même coup la religion. […] Sa religion est l’autolâtrie. […] C’est pourtant lui qui se vantera d’avoir écrit la Comédie humaine à la lumière de ces deux vérités éternelles : la religion et la monarchie. […] Il n’était même pas de ceux qui, suivant son expression, ne considéraient plus la religion que comme une poésie.

1368. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Il nous a enseigné qu’on pouvait cesser de croire aux dogmes des religions positives sans pour cela couper son âme du passé. […] Cette histoire des guerres de religion, je m’y empêtrais déjà lorsque j’étais au collège. […] Toute petite, elle avait la religion de la noblesse : elle y est entrée grâce aux dix millions du père Piédoux. Sa religion, elle l’a conservée ; elle croit au roi Louis XIV, elle croit au connétable d’Aurec, elle croit à la supériorité d’essence du sang bleu. […] Celles même qui se croient pieuses et qui observent les pratiques extérieures de leur religion n’ont pas le plus petit soupçon de ce qu’est une vie chrétienne.

1369. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Il souffre même de prendre ma religion en défaut. […] Une série d’analyses m’ayant démontré que, d’une part, il n’est pas impossible qu’un théologien éminent manque tout à fait de vie religieuse, que, d’autre part, il se rencontre des âmes profondément religieuses qui manquent tout à fait de théologie, je conclus sans hésiter de ces deux séries extrêmes d’expériences, que religion et théologie cela fait deux, sans contester pour si peu les relations nécessaires qui existent entre religion et théologie. […] Caird, « evolution of religion », i, p. 291.) […] Si nous arrivons aux environs de 1830, dans la préface de Cromwell , après plusieurs pages sur les conquêtes poétiques du christianisme, sur les élargissements de la poésie des anciens par l’« influence de la mélancolie », Victor Hugo concluait : le point de départ de la religion est toujours le point de départ de la poésie.

1370. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

l’âge mûr a, peut avoir ses revanches et l’art aussi, sur les enfantillages de la jeunesse, ses nobles revanches, traiter des objets plus et mieux en rapport, religion, patrie, et la science, et soi-même bien considéré sous toutes formes, ce que j’appellerai de l’élégie sérieuse, en haine de ce mot, psychologie. […] Et que pouvait comprendre ce catholique farouche, ce « Mérovingien », comme il s’est baptisé lui-même, à ce vaste plan synthétique de l’œuvre du grand poète, où chaque religion vient à son tour fournir sa pierre à un monument sans analogue dans aucune littérature, et dont l’ensemble, large et profond, philosophiquement parlant, a, comme art, la sérénité de la Grèce, la force de Rome et la splendeur de l’Inde ? […] Il en est de même pour les trois autres poèmes parus vers la même époque, Le Pape, Religion et religions, la Pitié suprême. […] Méditez ces consolantes paroles et dites s’il est possible de ne pas sentir là quelque chose de prophétique qui transfigure l’Écrivain, sanctifie le Penseur et met dans l’auréole glorieuse du Poète et dans sa voix retentissante un reflet et un écho des splendeurs sonores dont nous entretiennent les Religions Révélées.

1371. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Le jeune auteur, en concluant, adressait à la religion une espèce d’hymne, une vraie prière d’action de grâces, et ceci fait trop de contraste à ce que nous verrons plus tard pour ne pas être ici relevé : « Religion très-aimable, s’écriait-il, il est doux pourtant de pouvoir terminer en parlant de toi un travail qui a été entrepris en vue de faire quelque bien à ceux qui recueillent tes bienfaits de chaque jour ; il est doux de pouvoir, d’une âme ferme et assurée, conclure qu’il n’est point vraiment philosophe celui qui ne te suit ni ne te respecte, et que te respecter et te suivre, c’est être par là même assez philosophe. […] C’est aux environs de l’année 1820, et probablement avant son premier voyage à Rome, que dut s’opérer un changement complet dans les croyances intimes de Leopardi : il passa de la première soumission de son enfance à une incrédulité raisonnée et invincible, qui s’étendait non-seulement aux dogmes de la révélation, mais encore aux doctrines dites de la religion naturelle.

1372. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Ce qu’il y a de certain, c’est que, la croyant plus mal, M. de Talleyrand était accouru, et il avait paru étonné de la trouver passablement : « Que voulez-vous, dit-elle, c’est d’un bon effet pour les gens. »  M. de Talleyrand, après un moment de réflexion, reprit : « Il est vrai qu’il n’y a pas de sentiment moins aristocratique que l’incrédulité52. » La duchesse avait donné à sa fille, pour lui enseigner la religion, un jeune abbé, homme d’esprit et dont la réputation commençait à s’étendre. […] Il disait qu’il avait trouvé aux États-Unis « trente-deux religions et un seul plat ».

1373. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

L’enthousiasme littéraire, le seul que nous remarquons d’abord en lui, cette espèce de religion du beau, qui de plus en plus, en avançant, se fondera sur l’histoire, sur la comparaison des littératures, sur l’expérience des hommes et de la politique, ce premier enthousiasme eut quelques inconvénients, quelques superstitions, comme tous les cultes. […] Certes l’admiration, cette âme vivifiante de la critique et qu’il importe grandement de transmettre, y gagne ; la religion du génie n’est pas violée.

1374. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Le séjour à Berlin, l’intimité avec la reine de Prusse, et les événements de 1806, y mirent le comble ; c’est vers ce temps, en Suède, je crois, au milieu d’une vie encore toute brillante, mais à l’âge où l’irréparable jeunesse s’enfuit, qu’une révolution s’opéra dans l’esprit de Mme de Krüdner ; qu’un rayon de la Grâce, disait-elle, la toucha, et qu’elle se tourna vers la religion, bien que pourtant d’abord avec des nuances légèrement humaines, et sans le caractère absolu et prophétique qui ne se décida que plus tard. […] … » C’est qu’il n’a jamais existé qu’un seul crime, celui de vouloir se passer du Dieu vivant… Qu’ils ont dû être remplis, les immenses vœux de votre cœur, heureux Alexandre, quand, dans cette journée du Ciel, vous avez vu dans ces plaines où, il y a six cents ans, cent mille Français, en présence d’un roi de Navarre210, virent le supplice de cent quatre-vingts hérétiques à la clarté des torches funèbres ; vous avez vu, dis-je, cent cinquante mille Russes faire amende honorable à la religion de l’amour !

1375. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Héroïques comme individus, quoique asservis comme nations, supérieurs à leurs conquérants et maîtres de leurs maîtres dans tous les exercices de l’esprit humain : donnant leur religion, leurs lois, leurs arts, leur esprit, à ceux qui leur donnaient des fers, théologiens, législateurs, poètes, historiens, orateurs politiques, architectes, sculpteurs, musiciens, poètes, souverains en tout par droit de nature, et par droit d’aînesse, et par droit de génie ; grands généraux même quelquefois, quand les Allemands leur donnaient des armées de barbares à conduire, ou quand Borgia, ce héros des aventuriers, ce Garibaldi de l’Église, cherchait, à la pointe de son épée, un empire italien dans cette mêlée à la tête des braves façonnés par lui à la politique et à la discipline. […] Cette liberté absolue des consciences est la dignité vraie de la religion ; elle est plus que la liberté humaine, car c’est Dieu qu’elle émancipe des lois de l’homme.

1376. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Balayer de la scène le moyen âge et installer à sa place un âge de justice, de logique, de vérité, de liberté, de fraternité, conçu d’une seule pièce et jeté d’un seul jet ; En religion, conserver la belle morale et la sainte piété chrétienne, en détrônant les intolérances ; En politique, supprimer les féodalités oppressives des peuples, pour les admettre aux droits de famille nationale, et leur laisser la faculté de grandir au niveau de leur droit, de leur travail, de leur activité libre ; En législation, supprimer les privilèges iniques pour inaugurer les lois communes à tous et à tous utiles ; En magistrature, remplacer l’hérédité, principe accidentel et brutal d’autorité, par la capacité, principe intelligent, moral et rationnel ; En autorité législative, remplacer la volonté d’un seul par la délibération publique des supériorités élues, représentant les lumières et les intérêts généraux du peuple tout entier ; Enfin, en pouvoir exécutif, respecter la monarchie, exception unique à la loi de capacité, pour représenter la durée éternelle d’une autorité sans rivale, sans éclipse, sans interrègne ; honorer cette majesté à perpétuité de la nation, mais la désarmer de tout arbitraire, et n’en faire que la majestueuse personnification de la perpétuité du peuple : voilà la véritable Révolution française, voilà le plan des architectes sages et éloquents des deux siècles. […] Elle m’accueillit avec sécurité, prévenue qu’elle était par le poète Béranger que je n’étais point de sa religion politique, que je ne venais ni pour la flatter ni pour la trahir, mais uniquement pour m’instruire et pour entendre ses témoignages sur le temps, sur les choses, sur les hommes qu’elle avait traversés, connus, fréquentés de si près dans cette intimité quotidienne où les hommes les plus comédiens en public oublient de se masquer, selon leurs rôles, devant les témoins domestiques de toutes les heures secrètes de leur vie.

1377. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Les poètes populaires, qui sont en général les tailleurs d’habits ou les ménétriers de village, y remplissent leurs veillées de légendes orientales ou d’idylles siciliennes ; la religion, l’amour et la guerre, les trois passions nobles des châteaux et de la chaumière, en sont les sujets. […] » XLII Et en effet, le jeune maître faisait en silence deux choses mystérieuses et presque sataniques pour le pauvre ignorant de nos campagnes et de nos villes ; il ressuscitait la chevalerie par la poésie dans ses chants, et il ressuscitait le grand art dans ses veilles en écrivant son Phidias ; Phidias, l’art incarné, le créateur des marbres, le dieu de la sculpture et de l’architecture, le révélateur du beau dans la pierre, le créateur enfin du Parthénon, cette cathédrale d’une religion qui allait mourir dans un temple qui ne mourra pas !

1378. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Je ne demande pas mieux, mais Homère, qui règne depuis quatre ou cinq mille ans sur l’intelligence et sur le cœur humain, n’a pas encore trouvé un rival, et la morale des grands apôtres de religion n’a pas encore reçu un démenti ! […] Sophie et Juliette se lièrent bientôt de la plus étroite amitié ; elles consolèrent pendant quelque temps Clotilde de ses pertes ; elles l’aidèrent dans l’éducation de Jean de Surville, son fils : mais des passions malheureuses, que la religion seule pouvait vaincre, et dont l’objet leur était peut-être commun, arrachèrent encore ces deux amies à leur protectrice ; elles se retirèrent ensemble à l’abbaye de Villedieu.

1379. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Le mal d’Obermann, c’est que ne croyant plus à la religion, ne pouvant rien par sa raison, il s’épuise, se ronge, use sa vie dans l’ennui ; il n’agit point, parce que la vie et le but de la vie lui sont incompréhensibles. […] Lectrice des philosophes du xviiie  siècle, amie de Barbès, de Michel (de Bourges), de Pierre Leroux, de Jean Raynaud819, et surtout bonne, d’une bonté immense et profonde, elle adopte la religion de l’humanité.

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