Mais le fond de cruauté — inhérent à toute conception religieuse — l’emporta bientôt. […] Huysmans est obligé de reconnaître que l’art religieux ne produit plus que des idoles, des ornements et des simulacres dignes des Papous et des Andamans. […] Rien de plus significatif que cette pénurie, rien qui démontre plus clairement la fin de l’esprit religieux. […] Ces malins n’ignorent pas que leurs molles jérémiades touchant « l’extinction du sentiment religieux » leur vaudront force écus tirés des caisses ecclésiastiques, des couronnes de persil à l’Académie et l’estime des farceurs austères qui recommandent, après boire, la discipline et les bonnes mœurs à la démocratie. […] Chez la plupart, les pratiques religieuses s’allient fort bien avec le goût des choses patriotiques.
Voici qu’à ces causes d’ordre privé qui peuvent déjà si gravement fausser la vérité, s’ajoutent les divisions politiques, religieuses, littéraires, nationales ! […] Je voudrais être très indiscret et l’interroger sur les grands problèmes de la vie, lui demander tour à tour ses idées religieuses, politiques et morales, pour finir par ses idées littéraires. […] Renan, est un dilettante religieux. […] Il place encore très haut la méditation religieuse (façon Lamartine), qui lui semble même trop noble et trop élevée pour des Français. […] Il ne s’est pas borné à en étudier les chefs-d’œuvre : sa robuste patience a triomphé des énormes volumes de controverse suscités par les querelles religieuses.
Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Royal de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très-présente aux soins du monde, aux affaires du bel-esprit : ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. […] C’est Bossuet qui l’assista aux derniers moments, et M. de Bausset en a tiré quelque induction religieuse bien naturelle en pareil cas.
Alexandre, au contraire, se livra aux élucubrations religieuses, poétiques et philosophiques des Allemands de distinction qui habitaient Francfort. […] Dans la solitude de l’océan on salue une étoile comme un ami dont on est séparé depuis longtemps, et surtout pour les Espagnols et les Portugais, une religieuse croyance leur rend chère cette constellation.
Et quant à toi, petite couleuvre aux écailles luisantes, dis adieu à ton trou dans les racines du châtaignier, tu n’y resteras pas longtemps ; les religieuses de la maison des novices ne tarderont pas à t’envoyer prendre pour te donner une éducation moins sauvage. […] Cet air coulait des lèvres et du hautbois comme l’eau coulait en cadence et en glouglous mélodieux de la source cachée au fond de la voûte de l’antre ; puis il s’épanchait, comme l’eau prisonnière, en murmures de paix et de contentement entre les roseaux ; puis il imitait, en finissant par cinq ou six petites notes décousues et argentines, le tintement des gouttes de rosée qui tombent par instants des feuilles mouillées par la cascatelle dans le bassin, et qui la font chanter aussi, on ne sait pas si c’est pour pleurer, on ne sait pas si c’est pour rire ; en sorte que, quand le couplet était fini, on entendait comme un écho moqueur ce petit refrain de notes insignifiantes, mais jolies à l’oreille ; elles avaient l’air de se moquer, ou du moins de badiner avec le motif tendre et religieux du couplet de la zampogne : c’étaient des Tyroliens passant en pèlerinage, pour aller à San Stefano des Camaldules, qui nous avaient donné, avec leurs ritournelles à perte de voix, l’idée de ce refrain vague et fou à la fin de notre air d’amour et de dévotion, près des cascades.
Cette vallée de Kachemire de l’Occident, cette colonie de la liberté religieuse et de la liberté républicaine, encaissée dans des remparts de neige entre le Jura et les Alpes, semblait donner de l’étrangeté et de la hardiesse à la pensée. […] La conversation, bornée aux choses domestiques entre les femmes, aux choses publiques entre les hommes, ne confondait que rarement, et pour des solennités religieuses, les deux sexes dans les temples ou dans les spectacles.
C’est un des livres les plus curieux qui soient, et c’est peut-être le seul livre de poésie catholique (non pas seulement chrétienne ou religieuse) que je connaisse. […] Je suis indigne. » Et Dieu reprend : « Il faut m’aimer. » Mais ici je ne puis me tenir de citer encore ; car, à mesure que le dialogue se développe, la forme en devient plus irréprochable, et je crois bien que les derniers sonnets contiennent quelques-uns des vers les plus pénétrants et les plus religieux qu’on ait écrits : — Aime.
Sainte-Beuve a ta lettre et m’en a bien récompensée par des poésies et par le soin religieux qu’il va prendre d’émonder un volume pour M. […] La littérature, le latin, la poésie anglaise, un même dédain des « extériorités » (Sainte-Beuve était encore dans la période religieuse de sa vie)… que de raisons de s’entendre !
Les traditions religieuses, les fables même, par leur conformité avec le cœur humain, ont autant de réalité historique que les faits de l’histoire proprement dite. […] Un jour, pourtant, on lui commanda des sujets religieux.
. — « Ainsi les hommes déchirent les fibres du globe, ils respirent sur les excavations pratiquées par eux-mêmes ; puis ils s’étonnent que, quelquefois, la terre s’ouvre spontanément ou tremble, comme si l’indignation ne suffisait pas pour exciter ces phénomènes dans le sein sacré de notre Mère. » Les Eaux surtout, si transparentes pour l’homme antique, sous lesquelles il entrevoyait clairement des Êtres divins, aux traits vagues, aux voix bouillonnantes, épanchant leur vie nourricière à travers le monde, inspiraient une vénération religieuse. […] La moralité religieuse de la tragédie, c’est lui qui l’énonce.
Musgrave a probablement raison, car les Euménides étant une pièce fort religieuse, les prêtres avaient dû la choisir pour l’accuser d’impiété. […] Les magistrats ordonnaient ces représentations presque religieuses.
Et, d’autre part, l’homme qui, avec Molière, a eu le moins le sentiment religieux à travers tout le dix-septième siècle, cet homme a songé, à un moment donné, à la prêtrise et est entré à l’Oratoire. […] En tout cas, il fit abjurer La Fontaine, il lui fit renouveler l’amende honorable qu’il avait faite à propos de ses écrits licencieux et il le ramena définitivement à la littérature religieuse.
Et c’est son émotion presque religieuse, quand elle est intense, qui fait, du même coup, la beauté de son talent et de son histoire. […] On verra quelque chose comme ce qu’on a déjà vu… Comme en 1793, il y aura, parce que cela est dans la nature des choses et dans la logique de l’esprit humain, une France de trente à quarante millions d’hommes honnêtes, religieux, intelligents, cultivés, civilisés, la fleur de la civilisation, qui seront la proie de quelques misérables, la lie d’un peuple, imbéciles et féroces.
Ce n’est pas plus là, en effet, la Tentation de saint Antoine que celle du premier fou pris à Charenton ; car à Charenton il y a aussi la folie obscène et la folie religieuse. […] Ni comme chrétien, que je ne crois pas qu’il soit, même historiquement, ni comme artiste, qui comprend tout, qui a le quart d’heure de dévotion nécessaire dans les sujets religieux comme l’avait ce bandit de Benvenuto Cellini quand il sculptait ses crucifix, Flaubert, qui fait le sérieux dans son livre, n’a compris ce sévère et audacieux sujet de saint Antoine ; car il était audacieux, avec la plaisanterie séculaire des têtes légères de France qu’il fallait braver !