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723. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

C’est pour l’orateur chrétien que ces paroles d’un roi semblent avoir été écrites : L’or et les perles sont assez communes, mais les lèvres savantes sont un vase rare et sans prix 195.

724. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

Dans les grands styles, par exemple, les mots ordinaires semblent toujours les plus rares.

725. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Certainement ; car l’Encyclopédie est un ouvrage d’un caractère tout spécial et infiniment rare. […] Brunetière se révélait comme un critique de caractère assez rare, dont personne encore n’avait donné très nettement les traits caractéristiques. […] La mémoire méthodique est chez lui d’une rare étendue et d’une singulière puissance. […] C’est une très grande garantie, beaucoup plus rare qu’on ne pense peut-être. […] Il est rare qu’un discours de Lamartine ne soit pas conçu ainsi.

726. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Ces choses-là sont rares. […] Lambert l’occasion de montrer un très rare mérite de mimique. […] Il est rare qu’il n’ait pas pris toutes les précautions possibles. […] Elle est d’un emploi aussi rare que distingué. […] En somme, les témoignages sont rares et peu concluants.

727. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Derôme à l’originalité ; — non pas même le désordre et la confusion dont cette Introduction est un rare modèle. […] Deux mots ici suffiront : une rare ignorance et un grand contentement de soi. […] Ce mérite intérieur, et en quelque sorte caché, le plus rare de tous, beaucoup plus rare en tout cas que ceux de la facture ou du style, suffirait lui seul à soutenir Manon Lescaut, et quand bien même le style en serait aussi négligé qu’on l’a prétendu si souvent, ou la facture encore plus lâche. […] Dans cette situation d’un homme grave qui tire d’un harem de Constantinople, pour en faire sa maîtresse, une jeune Grec que des îles, il y a quelque chose de singulier et de rare. […] Avec Marivaux, et sans doute pour les mêmes raisons, Prévost est un des rares hommes de lettres dont les Confessions nous aient parlé sans rancune et sans fiel.

728. (1897) Aspects pp. -215

Des moutons galeux, pourchassés par des chiens presque enragés broutaient l’herbe rare des talus. […] Le grand-duc décida de le revêtir le jour même et de se promener dans les rues suivi de toute sa cour afin que ses sujets pussent contempler ce rare chef-d’œuvre. […] Dans ses sympathies, ses affections, c’est une détraquée dont les engouements ont l’humble domesticité d’une courtisane amoureuse » (p. 165), De telles exactes constatations sont rares dans le volume. […] Mais, durant les nombreux loisirs que lui laisse l’élaboration de ces rares merveilles, il applique ses facultés à la recherche des causes qui motivent, selon lui, les articles de polémique, ou d’esthétique de ses confrères. […] Aussi ses imitateurs sont assez rares.

729. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Il est rare que la mise en scène puisse réaliser pleinement la conception du poète. […] Il est rare qu’au théâtre les beaux vers soient en situation et que les créatures poétiques nous semblent assez vivantes. […] L’excès de sensibilité est un défaut rare, et qui d’ailleurs, au point de vue poétique, n’aurait pas de grands inconvénients. […] Naturellement les premiers se rencontreront en plus forte proportion chez les poètes, tandis que les seconds y seront plus rares. […] Il est assez rare qu’ils soient fournis directement par l’observation.

730. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Ce brave homme, nommé Granchamp, avait suivi partout le chef de la famille dans les guerres et dans ses travaux de finances ; il avait été son écuyer dans les unes et son secrétaire dans les autres ; il était revenu d’Allemagne depuis peu de temps, apprendre à la mère et aux enfants les détails de la mort du maréchal, dont il avait reçu les derniers soupirs à Luzzelstein ; c’était un de ces fidèles serviteurs dont les modèles sont devenus trop rares en France, qui souffrent des malheurs de la famille et se réjouissent de ses joies, désirent qu’il se forme des mariages pour avoir à élever de jeunes maîtres, grondent les enfants et quelquefois les pères, s’exposent à la mort pour eux, les servent sans gages dans les révolutions, travaillent pour les nourrir, et, dans les temps prospères, les suivent et disent : « Voilà nos vignes », en revenant au château. […] « Mais il est une autre sorte de nature, nature plus passionnée, plus pure et plus rare. Celui qui vient d’elle est inhabile à tout ce qui n’est pas l’œuvre divine, et vient au monde à de rares intervalles, heureusement pour lui, malheureusement pour l’espèce humaine. […] « Dans tous les cas il tuera une partie de lui-même ; mais, pour ces demi-suicides, pour ces immenses résignations, il faut encore une force rare. […] Et je suis sûr que dans ton cœur tu regrettes plus le ressort de fer que le ressort de chair et de sang : va, ton cœur est d’acier comme tes mécaniques. — La Société deviendra comme ton cœur, elle aura pour Dieu un lingot d’or et pour Souverain-Pontife un usurier. — Mais ce n’est pas ta faute, tu agis fort bien selon ce que tu as trouvé autour de toi en venant sur la terre ; je ne t’en veux pas du tout, tu as été conséquent, c’est une qualité rare. — Seulement, si tu ne veux pas me laisser parler, laisse-moi lire.

731. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

L’abbé Fléchier76 Les Mémoires de Fléchier sur les Grands Jours d’Auvergne, dont il n’avait été donné jusque-là que de rares et courts extraits, ont été publiés pour la première fois en 1844, et ont obtenu aussitôt le plus grand succès dans le monde et parmi les esprits cultivés, en même temps qu’ils ont soulevé toutes sortes de controverses dans quelques parties de la province. […] Fléchier aimait à faire des vers latins : il songea à s’en servir pour sa réputation et pour sa fortune littéraire ; cette ancienne littérature scolastique, qui a encore eu, depuis, quelques rares retours, n’avait pas cessé de fleurir à cette date, avant que les illustres poètes français du règne de Louis XIV eussent décidé l’entière victoire des genres modernes, Fléchier avait adressé au cardinal Mazarin une pièce de félicitation en vers latins (Carmen eucharisticum) sur la paix des Pyrénées (1660) ; il en fit une autre l’année suivante, sur la naissance du Dauphin (Genethliacon). […] Parmi les choses rares de la ville, il se laisse montrer une dame qu’on y estime, tant en esprit qu’en beauté, l’une des merveilles du monde.

732. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

C’est cet humble frère qu’il s’agissait à tout instant de relever, de réconforter, de secourir même par de rares envois d’argent ; mais, en lui servant sa minime obole, cette âme de sœur trouvait moyen de diversifier à l’infini le baume moral qu’elle répandait sur ses blessures. […] Tout cela t’explique assez que je vis en pleurs, ma bonne amie, sans avoir le droit de me plaindre que Dieu ne m’ait pas choisie pour répandre ses consolations sur les miens, lui qui m’a faite si tendre pour eux… « Pour mettre un peu de baume sur les tristesses que je te cause, je finis en parlant des consolations divines que nous devons à mon cher Hippolyte. » Il lui restait, on vient de le voir, une dernière sœur, l’aînée, Cécile, qui habitait aussi Rouen ; elle paraît avoir été d’un esprit plus simple et aussi d’un cœur moins expansif que les autres membres de la famille, ou peut-être n’était-ce qu’un effet de l’âge et des malheurs : du moins la correspondance avec elle est plus rare et ne roule guère que sur d’humbles envois ; mais il est touchant de voir comme Mme Valmore s’efforce de réveiller son sentiment, d’intéresser sa vieillesse, de l’attendrir par l’aveu des misères communes ou par l’appel à de chers souvenirs59 : « (9 novembre 1854)… La dame qui m’aide souvent à trouver l’argent d’emprunt pour passer mon mois, à la condition de le rendre à la fin de ce mois même, n’a pu venir encore à mon secours, à travers la pluie et toutes les difficultés de sa propre vie. […] Puis, quand on vient à songer quel mal infini eût de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris, estimés et admirés de tous, on se demande ce que c’est que notre civilisation si vantée ; on rougit pour elle.

733. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Son cas est rare et singulier. […] — les artistes qui passent pour les plus rares et les plus originaux de ce temps, ceux qui ont été vénérés et imités dans les cénacles les plus étroits, ont été catholiques ou se sont donnés pour tels. […] Paul Verlaine est un rare poète.

734. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Ni les personnages distincts et fortement caractérisés n’y sont moins nombreux ou d’âmes et de conditions moins variées que dans la Guerre et la Paix, ni leur grouillement moins animé ; ni les incidents, tour à tour rares et communs, n’y sont moins divers et moins épars. […] Il est clair que tout cela est plus rare dans nos romans, sans doute parce que c’est plus rare aussi dans nos mœurs.

735. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Il n’était pas rare qu’il menât de front trois ou quatre ouvrages. […] Racine voit tout, le grand où il se présente, les qualités mêlées qui sont plus de l’homme, le vrai, en un mot, dont le grand n’est que le genre le plus rare. […] Mais il est si rare d’être poète, qu’avec des ouvrages qui ne sont guère plus près de l’idéal que ceux des imitateurs de Voltaire, Ducis est pourtant fort au-dessus d’eux par quelques bons vers, écrits dans un temps où l’on n’en faisait que de brillants, et par quelques couleurs rendues à cette langue, si abstraite et si décolorée aux mains des poètes philosophes51.

736. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Les compositions de Poe, établies avec l’esthétique artificieuse que nous avons analysée, tendant à évoquer les émotions rares que nous allons étudier, ne pouvaient être ni élaborées ni absorbées par masses. […] Des âmes se détraquent, difformes et faussées par de rares coups de folie ; puis c’est le spectacle même de l’effroi, la cruelle analyse des plus angoissantes peurs, qui fait pâlir et craindre, — jusqu’à ce que cette terreur ascendante, sublimée enfin et spiritualisée, enclose dans des vers cristallins, teintée d’un étrange reflet de beauté, devienne le charme tragique et céleste du Corbeau, d’Ulalume, de Lénore. […] Par les cieux sur nous épars, — et le Dieu que nous adorons tous deux, — dis à cet âme de chagrin chargée, si dans le distant Eden, elle doit embrasser une jeune fille sanctifiée que les anges nomment Lénore, — embrasser une rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore !

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