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315. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Quel rapport, même lointain et accidentel, pouvait-il y avoir entre un tel homme et Mirabeau ? […] C’était mon opinion, et le roi, depuis son retour de Varennes, avait pris confiance en moi ; mais la reine, en m’honorant de sa bienveillance et en ne doutant pas de la pureté de mon dévouement, ne voulait rien tenter par les constitutionnels, quoiqu’elle fût en rapport et en négociation avec quelques-uns des principaux. […] Le roi, au contraire, aimait mes opinions politiques, il les partageait ; mais dans leur application il me trouvait trop tranchant, trop pressé de prendre un parti décisif ; il voulait user la démocratie ; il regardait le républicanisme comme une chimère qui ne pouvait durer ; la reine et Madame Élisabath pensaient de même ; tous les rapports qui leur arrivaient des provinces annonçaient une amélioration sensible dans l’opinion publique ! […] « Napoléon. » On ne s’explique une mesure de cette rigueur que par quelque rapport de police sur Malouet, par quelque extrait d’une lettre privée de lui qui aura été interceptée, mais, frappant un si sage et si honnête homme, cet acte du pouvoir absolu, empreint d’humeur et inexpliqué, est de nature à faire plus de tort devant l’histoire à celui qui en est l’auteur qu’à celui qui en a été victime.

316. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Jomini est un officier extrêmement distingué sous tous les rapports militaires ; il a surtout un talent rare comme officier d’état-major. » Autre apostille de Ney (janvier 1805) : « M.  […] Aucun ordre de mouvement, aucun rapport ne nous était communiqué. […] repartit l’Empereur, vous voyez des Russes partout. » — « Je ne puis pas dire que ce sont des Français, Sire, quand j’ai bien vu des Russes avec leurs longues capotes. » — C’était bien, en effet, une des colonnes russes qui avaient renversé le corps d’Augereau et qui en poursuivaient les débris. — Napoléon appelle un autre officier, le colonel Lamarche, et l’envoie vérifier ce rapport. […] M. le maréchal Ney, qui l’employait comme aide de camp, a bien voulu le citer d’une manière honorable dans le rapport des affaires d’Ulm, qui a été adressé à S.

317. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère en vint à s’établir définitivement au cœur de l’histoire littéraire comme en son domaine propre, il se trouva y apporter précisément cette faculté d’enchaînement, ce besoin instinctif des rapports et des lois, cette sagacité investigatrice des origines et des causes, dont son noble père avait fourni de si hautes preuves dans un autre ordre de vérités. […] En quittant le xvie , on sortait d’une époque encore gallo-romaine véritablement ; de là, en bien des points, cette sorte de singulier rapport de récurrence. […] D’ordinaire, en effet, il se pose le christianisme comme une limite absolue, comme un horizon au delà duquel il ne remonte pas, pénétré surtout qu’il est, avec raison, de sa haute grandeur, de son caractère sans pareil dans l’ensemble, de son opposition essentielle au paganisme enfin, plutôt que de quelques rapports secondaires. […] Ampère ne doit pas craindre : dans quel rapport est son histoire littéraire avec la portion de celle des vénérables Bénédictins qui embrasse les mêmes sujets dans les mêmes âges ?

318. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Si nos oreilles avoient été faites comme celles de certains animaux, il auroit fallu réformer bien de nos instrumens de Musique : je sais bien que les rapports que les choses ont entre elles auroient subsiste ; mais le rapport qu’elles ont avec nous ayant changé, les choses qui dans l’état présent font un certain effet sur nous, ne le feroient plus ; & comme la perfection des Arts est de nous présenter les choses telles qu’elles nous fassent le plus de plaisir qu’il est possible, il faudroit qu’il y eût du changement dans les Arts, puisqu’il y en auroit dans la maniere la plus propre à nous donner du plaisir. […] Si la chose est extremement particuliere, il se nomme talent ; s’il a plus de rapport à un certain plaisir délicat des gens du monde, il se nomme goût ; si la chose particuliere est unique chez un peuple, le talent se nomme esprit, comme l’art de la guerre & l’Agriculture chez les Romains, la Chasse chez les sauvages, &c. […] Lorsqu’une chose nous est montrée avec des circonstances ou des accessoires qui l’aggrandissent, cela nous paroit noble : cela se sent sur-tour dans les comparaisons où l’esprit doit toûjours gagner & jamais perdre ; car elles doivent toûjours ajoûter quelque chose, faire voir la chose plus grande, où s’il ne s’agit pas de grandeur, plus fine & plus délicate : mais il faut bien se donner de garde de montrer à l’ame un rapport dans le bas, car elle se le seroit caché si elle l’avoit découvert.

319. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

N’ont-ils point, ces admirables Mémoires d’outre-tombe, par rapport avec le Chateaubriand classique des Martyrs, le caractère dont Théophile Gautier, dans sa belle étude sur Baudelaire, définit le style de décadence ? […] Tout cela n’a que peu de rapport avec les syllabes du mot, car il ne faut pas laisser insinuer que le symbolisme n’est que la transformation du vieil allégorisme ou de l’art de personnifier une idée dans un être humain, dans un paysage ou dans un récit. […] Il y a là un rapport qui n’est que suggéré et, dont il faut rétablir la liaison. […] Le hiatus rapprocha les uns des autres des mots sans rapport entre eux depuis longtemps.

320. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Qu’une société est un organisme qui se développe comme un grand arbre ; qu’il est inutile et même dangereux d’intervenir dans cette croissance par des idées de réforme, capables de troubler cette évolution naturelle ; qu’il est sage de bannir tout principe abstrait et général de la conduite des affaires publiques ; qu’il suffit de régler au jour le jour les intérêts de la nation sans prétendre apporter dans les rapports des hommes entre eux une équité factice. […] Ce serait une longue et intéressante étude que celle des rapports de la pensée française avec les lois ou coutumes qui en ont régi la publication depuis le temps où l’on avait la langue percée d’un fer rouge pour un blasphème et où l’on était brûlé sur un bûcher pour une hérésie jusqu’au moment où le livre a conquis une franchise presque absolue. […] § 4. ― Si rapide que soit cette revue des rapports de la littérature et du droit, je ne saurais oublier que le droit positif s’incarne en des corps spéciaux et en des personnages qui, à des titres divers, coopèrent à la tâche de rendre la justice. […] Mais nous en avons assez dit pour faire voir la liaison perpétuelle et intime des phénomènes littéraires et des phénomènes juridiques, et puisque, dans cette brève étude, nous nous sommes placé au point de vue de l’historien soucieux de démêler les rapports d’une littérature avec le milieu social environnant, nous pouvons résumer ainsi les recherches qui s’imposent à lui dans le domaine que nous venons de parcourir.

321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Le peintre ému se reconnaît pourtant dès les premières lignes ; les descriptions ne sont pas sèches ; le paysage n’est là que pour se mettre en rapport avec les personnages vivants : « Un paysage, dit-il, est le fond du tableau de la vie humaine. » Avant de s’embarquer à Lorient, et sans avoir encore quitté le port, en s’y promenant et en nous y montrant le marché aux poissons avec tout ce qui s’y remue de fraîche marée, l’auteur nous rend une petite toile hollandaise ; en nous peignant avec vérité le retour des pêcheurs par un gros temps, il y mêle le côté sensible dont il abusera : « C’est donc parmi les gens de peine que l’on trouve encore quelques vertus. » On reconnaît le petit couplet philosophique qui commence, mais il ne le prolonge pas trop, et cela ne va pas encore jusqu’au sermon56. […] C’est avec Rousseau que Bernardin de Saint-Pierre avait le plus de rapports et qu’il se lia véritablement d’une amitié aussi étroite que le comportait l’état d’âme du malheureux philosophe. […] C’était Bernardin qui avait écrit : « La nature offre des rapports si ingénieux, des intentions si bienveillantes, des scènes muettes si expressives et si peu aperçues, que qui pourrait en présenter un faible tableau à l’homme le plus inattentif le ferait s’écrier : Il y a quelqu’un ici ! […] M. le comte de Vergennes, à qui toutes les personnes qui l’entourent parlent de vous comme d’un homme qui est malheureux, et qui cependant a fait preuve de bonne volonté en Pologne et bien servi à l’île de France, qui d’ailleurs peut être employé utilement, vous assigne une gratification sur des fonds affectés à son département et destinés à récompenser des services qui n’y ont qu’un rapport éloigné : vous appelez ce secours une aumône, vous le rejetez, et vous rudoyez l’ami qui, après trois ans de soins, est parvenu à décider le ministre en votre faveur.

322. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

La diction n’a proprement de rapport qu’aux qualités grammaticales du discours, la correction et la clarté : le style au contraire renferme les qualités de l’élocution plus particulières, plus difficiles et plus rares, qui marquent le génie ou le talent de celui qui écrit ou qui parle ; telles sont la propriété des termes, la noblesse, l’harmonie et la facilité. […] Outre la clarté et la correction purement grammaticales, qui n’ont de rapport qu’à la diction, il est une autre sorte de clarté et de correction non moins essentielles, qui appartiennent au style ; elles consistent dans la propriété des termes. […] Comme dans la musique l’agrément de la mélodie vient non seulement du rapport des sons, mais de celui que les phrases de chant doivent avoir entre elles, de même l’harmonie oratoire (plus analogue qu’on ne pense à l’harmonie musicale) consiste à ne pas mettre trop d’inégalité entre les membres d’une même phrase, et surtout à ne pas faire ses derniers membres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également les périodes trop longues, et les phrases trop étranglées et pour ainsi dire à demi closes ; le style qui fait perdre haleine, et celui qui oblige à chaque instant de la reprendre, et qui ressemble à une sorte de marqueterie ; à savoir enfin entremêler les périodes arrondies et soutenues, avec d’autres qui le soient moins, et qui servent comme de repos à l’oreille. […] Cicéron, si difficile d’ailleurs sur tout ce qui avait rapport à l’harmonie du style, condamne avec raison Théopompe, pour avoir porté jusqu’à l’excès le soin minutieux d’éviter le concours des voyelles2.

323. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Tous ceux qui faisaient partie de ces deux tiers, « véritables comédiens ambulants qui changèrent de nom et d’habit en même temps que de rôle »,lui paraissent « indignes non-seulement de gouverner, mais encore de vivre. » Il reconnaît pourtant qu’en voyant meilleure compagnie ils se sont amendés sous quelques rapports, et que, pour tout dire, « ils ont fait à peu près comme ces malheureuses femmes, qui, ramassées dans les carrefours et dans les prisons de la capitale, sont envoyées dans les colonies Étrangères, où, quoique leur jeunesse se soit écoulée dans le désordre, elles adoptent une nouvelle vie, redeviennent honnêtes, et, grâce à de nouvelles habitudes, dans une position nouvelle, sont encore des membres tolérables de la société. » Le rapprochement n’a rien de flatteur ni de délicat ; mais l’illustre baronnet n’y regarde pas de si près ; il a même tant d’affection pour ces sortes d’images, que plus tard l’arrangement du premier consul avec ses ministres lui semblera « pareil aux mariages contractés par les colons espagnols ou les boucaniers avec les malheureuses créatures envoyées pour peupler les colonies », et qu’il trouvera les moyens en un endroit de comparer, je ne sais trop pour quelle raison, M. de Talleyrand à une vivandière. […] Sous bien des rapports ils paraissent avoir fait entre eux l’espèce de convention tacite que le spectateur fait en entrant au théâtre, de prendre l’apparence des choses pour la réalité.

324. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

L’expérience leur a fait connoître qu’on est trompé rarement par le rapport distinct de ses sens, et que l’habitude de raisonner et de juger sur ce rapport conduit à une pratique simple et sûre, au lieu qu’on se méprend tous les jours en operant en philosophe, c’est-à-dire, en posant des principes generaux et en tirant de ces principes une chaîne de conclusions.

325. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

D’après eux, il y a entre les choses des relations logiques, des rapports de parenté que la science a pour fin de découvrir et cette logique des choses est identique à celle de l’esprit. […] Les rapports qu’elle pose, s’ils sont objectifs, sont nécessaires ; c’est-à-dire que les termes dont ils sont formés s’impliquent logiquement, et la raison peut trouver le pourquoi de cette implication.

326. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Cette manière de chercher de petits rapports qui étonnent l’esprit sans l’éclairer, n’a dû être approuvée dans aucun siècle. […] Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.

327. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Sous ce rapport comme sous tant d’autres nous sommes tout le contraire de l’Allemagne, qu’un moment nous avons cru imiter. […] En quoi consiste donc la faculté poétique dans son double rapport avec les conceptions et les images ? […] Ces deux ordres de rapports sont nécessaires, quoique inégaux en noblesse et en fécondité. […] La nécessité de pourvoir à ces rapports est la cause première du développement d’un grand nombre de sciences qui honorent le génie de l’homme. […] Par cela même que l’homme a matériellement besoin de objets extérieurs, il a avec eux des rapports intellectuels.

328. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

C’est, si l’on veut, le rapport de la pièce d’or à sa monnaie, pourvu qu’on suppose la monnaie s’offrant automatiquement dès que la pièce d’or est présentée. […] Un rapport n’est rien en dehors de l’intelligence qui rapporte. […] En voyant dans l’intelligence, avant tout, une faculté d’établir des rapports, Kant attribuait aux termes entre lesquels les rapports s’établissent une origine extra-intellectuelle. […] Pourtant l’acte de dessiner et de peindre n’a aucun rapport avec celui d’assembler les fragments d’une image déjà dessinée, déjà peinte. […] J’accorde que les lois de la pensée ne soient que l’intégration des rapports entre les faits.

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