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344. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Nous réserverons donc le côté purement littéraire de l’étude pour n’envisager que les qualités de précision technique propres au vocabulaire de chacun de nos artistes. […] Mais le style de théâtre a ses exigences propres, ses bornes étroites. On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.

345. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable. […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé. […] La conclusion que j’ai annoncée, c’est que les âmes ardentes éprouvent par l’amitié, par les liens de la nature, plusieurs des peines attachées à la passion, et que par-delà la ligne du devoir et des jouissances qu’on peut puiser dans ses propres affections, le sentiment, de quelque nature qu’il puisse être, n’est jamais une ressource qu’on trouve en soi, il met toujours le bonheur dans la dépendance de la destinée, du caractère, et de l’attachement des autres.

346. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Comme elle naît toujours de la profondeur de la réflexion, et qu’elle est souvent inspirée par le besoin de résister à ses passions, elle suppose des qualités supérieures, et donne une jouissance de ses propres facultés tout à fait inconnue à l’homme insensible ; le monde lui convient mieux qu’au philosophe ; il ne craint pas que l’agitation de la société trouble la paix dont il goûte la douceur. […] Elle veut se sauver du présent, et elle se livre à l’avenir, bien plus propre à l’agiter, bien plus conforme à sa nature. […] Les aspects, les incidents de la campagne sont tellement analogues à cette disposition morale, qu’on serait tenté de croire que la Providence a voulu qu’elle devint celle de tous les hommes, et que tout concourut à la leur inspirer, lorsqu’ils atteignent l’époque où l’âme se lasse de travailler à son propre sort, se fatigue même de l’espérance, et n’ambitionne plus que l’absence de la peine.

347. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Il faut faire tout ce qui est humainement possible pour exprimer sa pensée par les moyens que la langue et la grammaire mettent à la disposition de tous : si l’on se trouve à l’étroit, il ne faut pas conclure à leur tyrannie, mais à sa propre ignorance, et se remettre à l’école, au lieu de s’insurger. […] Dans toutes ces figures, on détourne une construction, une forme de phrase de son usage propre ; on la substitue à celle qui équivaudrait proprement à la pensée. […] Ni les mots, ni les constructions ne sont détournés de leur sens et de leur usage propre.

348. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Il convenoit d’embellir ce monument de belles inscriptions ; mais l’embarras fut extrême, parmi les sçavans, pour décider quelle langue, de la Françoise ou de la Latine, étoit la plus propre à remplir cet objet important. […] Ce dernier, le vrai Pitaval de son siècle, voulant prouver que notre langue ne céde en rien à celle des Romains, eut l’imbécillité de citer ses propres écrits. […] Point de langue plus propre qu’elle pour la conversation, qui soit plus de commerce, qui compte plus de livres agréables, qui ait mieux réussi à réduire tous les goûts à un goût général.

349. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Ces deux espèces de narrations se placent au rang de l’épopée, parce qu’elles ont chacune le sublime qui leur est propre. […] N’est-il pas une diction précise, rapide, et simple, qui soit propre à la narration ? […] À quoi bon attiser le feu de sa propre imagination au souvenir des licencieux épisodes de Voltaire ? […] Sur les caractères, et sur les passions propres à l’épopée. […] « Conservez à chacun son propre caractère.

350. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

Il fut varier les divertissemens, les lier à l’action, les animer, & se former une versification un peu froide à la vérité, mais naturelle, & propre à développer les talens du célebre Rameau, qui se chargea de la musique de ses Poëmes. […] Des Héros efféminés, des images licencieuses, des madrigaux emmiellés, ne sont propres ni à former ni à divertir une Nation jalouse de la véritable gloire.

351. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

Né avec une grande vivacité dans l’esprit, il cultiva assez heureusement la Poésie Latine, les Sciences, & n’écrivoit pas mal, pour son temps, dans sa propre Langue ; mais emporté par son imagination fougueuse, il s’engagea dans les plus pitoyables travers. […] Il n’avoit, soit dans ses Ecrits, soit dans ses mœurs, d’autres regles que ses propres opinions ; &, selon le génie des esprits sans principes & sans frein, il traitoit de fables les dogmes de la Religion, & d’entraves ridicules les loix de la probité.

352. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Ainsi donc, de ton propre aveu, personne ne peut mentir ; et, si Dionysodore a parlé, il a dit des choses vraies et qui sont effectivement. […] Mais, si c’est le propre de l’injustice d’engendrer des haines et des dissensions partout où elle se trouve, elle produira sans doute le même effet parmi les hommes libres ou esclaves, et les mettra dans l’impossibilité de rien entreprendre en commun ? […] Il veut que les gardiens de l’État et les guerriers ne possèdent rien en propre, comme dans nos ordres monastiques du moyen âge. […] Il fait ici la théorie de la tyrannie en homme qui l’avait pratiquée, puis il montre le tyran malheureux et puni par sa propre toute-puissance. […] Platon, de qui descendent, par une filiation de démence, ces niveleurs radicaux de nos jours, destructeurs en idée de la propriété, dont ils sont nés et dont ils vivent, Platon défend aux membres de son troupeau humain de rien posséder en propre.

353. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Comment, après de tels aveux, gravés pour l’immortalité poétique, calomnier une reine qui se calomnie ainsi de sa propre main ? […] La politique inhumaine et déloyale de la reine d’Angleterre la justifiait de sa propre duplicité. […] … » Son assassin passa en France et fut bien accueilli des Guise ; ils virent en lui un instrument de meurtre propre à les délivrer de leur adversaire, l’amiral de Coligny. […] Les conseillers d’Élisabeth lui représentèrent pour la première fois la nécessité du jugement de la reine d’Écosse et de sa mort pour la paix du royaume, et peut-être pour la sécurité de sa propre vie. […] Songez, Milords, à vos propres serviteurs, à ceux qui vous plaisent le mieux, aux nourrices qui vous ont allaités, aux écuyers qui ont porté vos armes à la guerre ; ces serviteurs de vos prospérités vous sont moins chers qu’à moi les serviteurs de mes infortunes.

354. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Bernheim, ne dépendrait pas de l’hypnotiseur, mais du sujet : « C’est sa propre foi qui l’endort. […] Tantôt le sujet accomplit l’acte suggéré en l’attribuant. à sa volonté propre et en imaginant des explications qui le justifient. […] Douleur et idée impliquent certains processus de l’onanisme qui ont leur action propre dans le résultat final. […] C’est qu’un groupe d’impressions confuses s’est, développé en son propre sens sous la masse des pensées distinctes. […] Elle est ondoyante comme le mouvement même, qui n’est probablement que le dessin extérieur de ses propres ondes.

355. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Il n’y a d’absolument propre à l’individu, d’absolument vide d’intérêt général et de substance humaine, que les colifichets des diseurs de riens. […] Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! […] Je sais toutefois par expérience que mon propre bonheur est intéressé dans l’accomplissement fidèle et régulier de mes devoirs publics, et voilà la raison, égoïste encore, pour laquelle je les remplis de mon mieux. […] Plus même elle est parfaite et conforme à son idée, plus rigoureusement on la voit s’abstenir de l’originalité inventive et créatrice qui est le propre de l’œuvre d’art. […] Un texte est le point de départ d’une série de jugements qui, faisant ou ayant fait autorité, montrant le goût du jour ou celui d’autrefois, sont la vraie et propre matière de l’instruction esthétique.

356. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Parfois votre propre accent, cette chose si personnelle, vous est renvoyé comme par un écho ; ou plutôt c’est vous-même qui n’êtes que l’écho : vous avez été deviné, votre vie a été vécue avec des centaines d’autres par le poète. […] Le visionnaire, a-t-il dit, est parfois obscurci par sa propre vision, mais « c’est la fumée du buisson ardent ». […] Même pour Descartes : — Il est difficile de douter de sa propre existence (cogito, ergo sum) ; Où aurions-nous pu prendre l’idée d’un être parfait s’il n’y avait en nous qu’imperfection ? […] Le peuple souverain de lui-même, et chacun Son propre roi ! […] Faguet, tout en désirant mieux rendre justice, résume l’opinion des critiques du jour et la sienne propre en disant : « Il n’aime pas les idées… Il n’aime pas ceux qui ont des idées.

357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

C’est un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand & du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour soutenir le poids d’une grande autorité & d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere & impérieuse qui regle ses désirs & ses actions. […] « Il considere ce progrès insensible, mais si rapide de la vie vers sa fin, la mort toujours prochaine, ou plutôt toujours présente, le tombeau, la cendre, le tribunal de son Juge, les peines & la gloire de l’Eternité ; il attache sa vue sur ces dernieres fins de l’homme, si propres à régler sa course, &, prosterné chaque jour devant Dieu, il lui demande la grace de bien vivre, pour avoir celle de bien mourir ; sacré soin, précieuse solitude, sceau de Dieu dans les ames prédestinées, vigilance nécessaire, mais rare dans tous les hommes, plus rare dans les Grands, & plus nécessaire encore aux Grands qu’aux autres hommes ».

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