Tout se produit, se développe, s’explique par des lois inflexibles dans les systèmes de Spinosa, de Malebranche, de Leibniz, de Schelling, de Hegel. […] Pour Leibniz, qui admet la distinction et l’activité propre des substances, l’âme et le corps sont comme deux horloges dont les mouvements et les actes se produisent spontanément en vertu d’une harmonie préétablie, comme dans tout le reste de l’univers. […] Qui ne sait par les résultats ce qu’ont produit pour l’avancement de la science l’observation spéciale, l’observation comparée, la statistique, l’expérimentation appliquée aux êtres vivants ? […] On savait depuis longtemps que tout concourt et conspire au phénomène vital dans le système organique, depuis les organes extérieurs jusqu’au cerveau, que l’action des objets étrangers produit une impression, que cette impression, transmise au cerveau parle système nerveux et les organes intermédiaires, se transforme en sensation d’abord, puis en perception proprement dite, et y éveille l’intelligence et la volonté, qui n’entrent en jeu qu’à la suite de ces excitations successives. […] Lhuys va plus loin : pénétrant plus avant dans la constitution des tissus organiques, il croit pouvoir expliquer le travail même qui se fait au sein des organes pour y produire les phénomènes psychiques.
Si l’effet qu’il produit à cet égard est par-delà toute espèce de technique, ai-je besoin d’ajouter que ce n’est qu’à travers son métier, et jamais aux dépens de celui-ci, qu’il l’obtient. […] Esprit critique avant tout, Strachey s’est constitué l’historien d’une époque où se produisit une éclipse quasi-totale de cet esprit, et son œuvre vient parfaire nos inductions à cet égard. […] Aussi, le centenaire d’Edmond de Goncourt se fût-il produit quinze ans plus tôt, les esprits qu’anime un souci d’équité eussent préféré garder leurs réserves pour eux. […] Cet indéfinissable intervalle qu’il faut ailleurs à l’expression pour prendre sa place, pour y faire luire l’aloi de sa propriété même, est ici tout éliminé : instantané, l’effet est produit. […] En tel domaine les interprétations — en quelque sens qu’elles se produisent — sont sacrilèges.
On en était là, et dans le dernier concours d’éloquence à l’Académie française, l’éloge proposé de Vauvenargues avait produit quatre ou cinq discours diversement remarquables, où tous les points de vue avaient été présentés et avaient trouvé de spirituels avocats et interprètes pour les faire valoir. […] Émile Chasles n’a pas manqué de relever dans son étude intitulée Les Confessions de Vauvenargues : Ce qu’il y a de plus avisé pour l’emprunt qui me regarde, écrit Vauvenargues à Saint-Vincens, c’est de battre à plusieurs portes, de savoir qui a de l’argent, et de sonder tout le monde ; pauvres, riches, domestiques, vieux prêtres, gens de métier, tout est bon, tout peut produire ; et, si l’on ne trouvait pas dans une seule bourse tout l’argent dont j’ai besoin, on pourrait le prendre en plusieurs, et cela reviendrait au même. […] Il fallait pour nous le produire, dès vingt-deux ans, sous ces aspects non moins vrais et plus généralement respectables, sa correspondance avec le marquis de Mirabeau, fort belle des deux parts, et tout à fait digne de leurs noms.
Chéruel nous a produit le vrai texte nouveau. […] Seconde question : Aucun morceau digne de prendre place à côté de ces pages merveilleuses et de devenir classique à son tour, est-il produit pour la première fois dans le nouveau texte ? […] Elle l’alla voir dès qu’il fut sorti de la Bastille ; ils se réconcilièrent, mais il resta toujours, ou bien longtemps du moins, une petite rancune secrète des deux parts, qui se produisait très diversement, — du côté de Mme de Sévigné, par de vives, légères et agréables malices, — du côté de Bussy, par des aigreurs recuites, un peu rances et maussades.
Cet écrivain si distingué, le premier des critiques de guerre proprement dits, qui avait produit son ouvrage de génie à vingt-six ans, et que la nature fit naître par une singulière rencontre dans le temps où elle venait d’enfanter le plus merveilleux des guerriers (comme si elle avait voulu cette fois qu’Aristarque fût le contemporain et le témoin de l’Iliade), Jomini a éclairé, en fait de guerre, tout ce qu’il a traité ; mais il n’en est pas moins vrai que la narration précise, détaillée, de ces trois campagnes pyrénéennes, l’histoire et la description de chacune des opérations qui les composent, écrite d’après les pièces et documents originaux, et vérifiée point par point sur les lieux, restait à faire, et M. […] C’en était fait : peu importait, de part et d’autre, les pertes peu considérables en elles-mêmes ; l’effet moral était produit ; la honte du 20 mai était réparée ; l’armée française avait acquis conscience d’elle-même, elle existait ; l’ennemi le sut et, à dater de ce jour, se mit à la respecter, à la craindre. […] Mais l’enthousiasme, qui peut tout à une certaine heure, ne produit que dérèglement le lendemain et dans le tous-les-jours.
On reviendra, si je ne me trompe, à ces femmes du xvie siècle, à ces contemporaines des trois Marguerite, et qui savaient si bien mener de front les affaires, la conversation et les plaisirs : « J’ai souvent entendu des femmes du premier rang parler, disserter avec aisance, avec élégance, des matières les plus graves, de morale, de politique, de physique. » C’est là le témoignage que déjà rendait aux femmes françaises un Allemand tout émerveillé, qui a écrit son itinéraire en latin, et à une date (1616) où l’hôtel Rambouillet ne pouvait avoir encore produit ses résultats253. […] A quoi bon m’aller inquiéter de Grimm et de ses à-peu-près, lorsque, dans les volumes de la plus délicate et de la plus délicieuse littérature qu’ait jamais produite la Critique française, nous possédons le jugement et la définition qu’a donnée M. […] Comme tous les vrais médecins, elle sait bien mieux l’état véritable du malade que les moyens d’y remédier ; elle n’y peut opposer que des palliatifs, et elle-même alors elle le dirigeait vers l’ambition : « J’avois bien espéré, lui écrivait-elle, du temps et de l’absence ; mais il semble qu’ils n’ont rien produit, et que infinie le mai est empiré.
En Allemagne, Schiller (mort en 1805) avait produit toute son œuvre, et Goethe avait donné son premier Faust, si complexe d’inspiration et si peu classique de forme : puis avaient poussé les fantaisies romantiques, sentimentales, vagues, déconcertantes souvent pour l’esprit et troublantes pour le cœur, avec Novalis, Tieck, et autres. […] A l’heure où nous sommes, leur ruine momentanée produit un résultat contraire. […] Ils le furent aussi, par opposition aux disciples du xviiie siècle, qui, retenant le goût de Voltaire ou de Condorcet, en professaient les idées ; comme le même siècle avait produit Mérope et le Dictionnaire philosophique, on le haïssait ou l’aimait en bloc : les libéraux se croyaient tenus d’être classiques, et les romantiques chantaient le trône et l’autel.
Il suit de là qu’il faut se demander quels effets pratiques une œuvre littéraire aspire à produire, quel but elle poursuit. […] Ainsi, sans secours étranger, on arrive vite en la plupart des cas à savoir quel sentiment, quelle disposition d’esprit une œuvre a été destinée à produire. […] Cherche-t-il à produire l’extase ou le frisson ?
Les uns habitent au bord de la mer, les autres dans la plaine, d’autres dans les montagnes ; autant de milieux physiques qui produisent des effets divers et tendent à diversifier ceux qui les subissent. […] A regarder de haut l’évolution de l’Europe occidentale et de la France en particulier, on y reconnaît une série de successions par opposition qui se sont produites entre de vastes ensembles. […] Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien.
De l’esprit, des nudités et des crudités, du lyrisme, une grâce et une finesse par moments adorable, de la plus haute poésie à propos de botte, la débauche étalée en face de l’idéal, tout à coup des bouffées de lilas qui ramènent la fraîcheur, par-ci par-là un reste de chic (pour parler comme dans l’atelier), tout cela se mêle et compose en soi la plus étrange chose, et la plus inouïe assurément, qu’eut encore produite jusqu’alors la poésie française, cette honnête fille qui avait jadis épousé M. de Malherbe, étant elle-même déjà sur le retour. […] Dans les poésies qu’il produisit sous cet astre puissant, presque tous ses défauts disparaissent ; ses qualités, jusque-là éparses et comme en lambeaux, se rejoignent, s’assemblent, se groupent dans une mâle et douloureuse harmonie. […] Depuis quelques années, son talent s’est produit sous une forme nouvelle aux yeux du public, et il a triomphé d’une épreuve assez hasardeuse.
Et cependant pour ceux qui s’étonneraient de la nature même de cet ouvrage, expliquons encore auparavant comment M. de Rémusat a pu être amené à le produire. […] Cette étude approfondie produisit un ouvrage en deux volumes qui enterra le drame, ou du moins le fit rentrer dans le tiroir, au grand regret de ceux qui croient qu’il y a autant et plus de vérité dans la peinture morale d’une âme que dans la sèche et épineuse analyse d’une atroce méthode de philosophie scolastique. […] Il me serait assez difficile de l’exposer dans les termes même où il le produit ; qu’il me suffise d’en donner l’idée, tel que plus tard on le retrouve chez Descartes ou chez Fénelon : c’est que par cela même que l’esprit humain peut concevoir l’idée d’un Être infini, parfait, et au-dessus duquel il n’en est aucun autre, il devient nécessaire, par là même, que cet Être parfait et infini existe.
L’âge, la patrie, le temperament, le sexe et la profession mettent de la difference entre les symptomes d’une passion produite par le même sentiment. […] Le succès de la prédication de saint Paul devoit produire un pareil effet sur un juif obstiné. […] Au contraire le peintre à qui ces moïens manquent, ne doit jamais entreprendre de traiter un sujet tiré de quelque ouvrage peu connu ; il ne doit introduire sur sa toile que des personnages dont tout le monde, du moins le monde devant lequel il doit produire son tableau, ait entendu parler.
Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d’un art. […] Manet est l’auteur du Guitariste, qui a produit une vive sensation au Salon dernier. […] Partout où il y a un produit artistique à décrire et à expliquer, Gautier est présent et toujours prêt. […] Tout au contraire, dans d’autres pays, l’originalité se produit touffue, abondante, comme le gazon sauvage. […] Mais l’effet moral n’en a pas moins été produit, et je regarde ce coup d’œil comme un bon présage.
Aujourd’hui donc, en dépit de ce qu’il y a d’un peu plat où d’un peu gros dans les vogues du jour, consolons-nous avec un des hommes qui sont le plus faits pour intéresser et pour piquer la curiosité de ceux qui ont le plaisir d’être leurs contemporains ; car s’il a beaucoup écrit, il n’a publié qu’une moitié de ses œuvres et n’a livré qu’une des faces de son talent ; car, eût-il tout publié, il aurait encore plus d’idées qu’il n’en aurait produit dans ses livres. […] L’esprit de M. de Rémusat se manifeste sans doute avec bien de la diversité dans ses écrits présentement publiés ; on l’apprécie tout à la fois comme critiqué, comme philosophe, comme moraliste non moins élevé qu’exquis et pénétrant ; mais il y a autre chose encore, il y a en lui un certain artiste rentré qui n’a pas osé ou daigné se produire, ou plutôt il n’y a rien de rentré, car il s’est, de tout temps, passé toutes ses fantaisies d’imagination, il s’est accordé toutes ses veines. […] Une partie du talent de M. de Rémusat ne s’est ainsi produite, en quelque sorte, que sous la rose . […] Un livre hardi était alors poursuivi comme contrebande, et les auteurs cherchaient moins à éluder les tribunaux que la douane. » « La prohibition produisit son effet ordinaire ; elle encouragea la fraude. […] Facile de talent, difficile de goût, il se disait que, pour les œuvres d’imagination, il ne faut produire que de l’excellent.