Au reste ils ne tenaient pas plus aux sujets nationaux qu’à d’autres, maintenant qu’ils n’y prenaient plus qu’un intérêt de curiosité. […] Par lui, la matière bretonne prit un étrange tour. […] Chrétien de Troyes a esquissé parfois la charmante comédie de l’amour aux prises avec la vanité, et s’il n’entend rien à la passion, il sait envelopper délicatement le sentiment sincère de naturelle coquetterie. […] Après lui, au contraire, le sujet prit un caractère mystique et symbolique, qui alla toujours s’accentuant. […] Les éléments du symbole mystique, le roi Pécheur, le roi blessé, la lance, l’épée, le plat, tout cela est certainement celtique : mais quand et par qui ces débris de mythes païens prirent-ils un sens chrétien ?
« Je prends de la fortune le premier argument : ils me sont également bons, et ne desseigne jamais de les traiter entiers : car je ne vois le tout de rien… De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prends un, tantôt à lécher seulement, tantôt à effleurer, et parfois à pincer jusqu’à l’os : j’y donne une pointe, non pas le plus largement, mais le plus profondément que je sais, et aime plus souvent à les saisir par quelque lustre inusité233. » De cette libre allure vient cette fraicheur vive d’impression qui donne tant de grâce primesautière, tant de force pénétrante aussi à son expression. […] Il est parti de ce point de départ, dont chacun de nous, s’il était franc, prendrait bien volontiers l’analogue en lui-même : qu’il n’y avait rien de plus intéressant au monde pour lui que Michel de Montaigne, et que l’objet de son étude devait être ce qu’était, ce que sentait, ce que voulait Michel de Montaigne, pour lui ménager le plus de commodité, d’aise et de bonheur en cette incertaine vie. […] On peut même soupçonner qu’il prend grand plaisir à l’enfler, et regarde au nombre plus qu’au choix : témoin ces amours d’un éléphant et d’une bouquetière en la ville d’Alexandrie, dont il nous fait part gravement, et je ne sais combien d’autres sottises, auxquelles il se donne l’air de croire. […] Prenons bien garde que la critique historique est la dernière née, et que la critique philosophique pendant deux ou trois siècles a fait son œuvre sans elle et même parfois contre elle. […] Mais, même au temps où il apprivoisait son âme à ce fâcheux objet, il n’a eu ni violent désespoir ni pessimiste mélancolie : la mort lui rendait la vie plus chère, voilà tout, et chaque instant prenait un prix infini, contenait un infini de délices, par la pensée qu’il pouvait être le dernier.
Ils me prennent ici pour un bon petit séminariste bien pieux et bien doux. […] Ils se moqueront de ma simplicité et me prendront pour un imbécile. […] Quand je songe au bonheur si pur dont je jouissais autrefois, à pareille époque, je suis pris d’une grande tristesse, surtout quand je songe que j’ai dit à ces jours un adieu éternel. […] Je marchai donc ; mais je prends Dieu à témoin de la pensée intime qui m’occupait et du vœu que je fis au fond de mon cœur. […] Je me délecte en songeant aux conversations que nous aurons ensemble, après mon examen surtout, car alors je prendrai mes vacances.
Mais parmi ces automates en voici un qui semble prendre part à la gaîté commune : il est si parfaitement imité qu’il est comme tout le monde : on le prend vraiment pour un homme. […] Tant que ces fils sont en nombre normal et si surtout ils sont bien enchevêtrés, si leur jeu est rapide et imprévu, l’automate est pris pour un homme libre : il est responsable et les conséquences de cette conception bovaryque s’exercent à son égard avec toute leur rigueur. […] En sorte que la suite des mensonges que l’on vient de décrire s’achève ou plutôt prend sa source en cette fiction originelle d’un instinct spectateur qui se croit l’auteur et l’acteur unique d’un drame à cent personnages auquel il assiste. […] Le moi, qui n’est qu’une raison sociale, qu’une représentation abstraite, comme la cité ou l’état, est pris pour un être pourvu d’une unité réelle. […] La certitude du chrétien semble beaucoup moins forte que celle du sauvage et du primitif, si l’on prend pour mesure le fanatisme et les pratiques que ces religions différentes inspirent à leurs fidèles.
Il ne cessait de prendre des leçons de cithare du virtuose Terpnus, et l’écoutait jusque bien avant dans la nuit, avec le plus vif enthousiasme. […] À qui faut-il s’en prendre ? […] Euripide n’a pas même eu l’idée de mettre aux prises le fils de Pélée avec celui d’Atrée, parce que chez lui le fils de Pélée n’est point du tout amoureux d’Iphigénie. […] Phèdre, en proie à Vénus, peut mourir pour s’en délivrer, et c’est le parti qu’elle prend chez Euripide. […] Voici, par exemple, comment Boursault a traité à sa façon la fable de La Fontaine connue sous le titre du Héron : Il me semble avoir lu dans beaucoup de volumes, Que lorsqu’on veut trop prendre on est soi-même pris.
Une fantaisie leur prend de ne pas continuer à souper seuls. […] Lorsque nous prenons congé d’elle, elle se lève, nous donne la main et nous reconduit. […] Je prends la lettre ; elle porte le timbre de Lariboisière. […] Enfin, ce matin, je prends mon courage à deux mains. […] Falloux lui a presque pris de force les mains qu’il mettait dans ses poches. « Il n’y a que de Broglie.
S’il choisit le premier parti, l’intérêt qu’on prend à ces épisodes, ne sert qu’à mieux faire sentir la froideur de l’action principale, et il a mal rempli son titre. […] Il faut, de plus, que le parti qu’on prendra ait de l’influence sur tout le reste de la pièce. […] Ptolomée pouvait délibérer en son cabinet s’il recevrait Pompée ou s’il lui donnerait la mort, et rentrer en apprenant au spectateur le parti qu’il a pris. […] Si l’expérience du théâtre a souvent confirmé ce préjugé, ce n’est pas à la nature, c’est aux poètes qu’il faut s’en prendre. […] Il y en a un qui nous cause du dépit, parce qu’il tient à un défaut qui prend sur notre amour-propre : tel est le sot orgueil.
On pourrait s’étonner, après cela, de l’extrême facilité et de l’ouverture naturelle avec laquelle il prit la Révolution française, si l’on ne savait combien les idées chères à certains esprits l’emportent auprès d’eux sur les intérêts et les agréments. […] Un esprit, ainsi tourné à son propre sens et à la poursuite d’une félicité intime, ne fut donc pas un témoin très attentif ni très rigoureux du détail de la Révolution ; il n’en prit que ce qui allait à ses vues et ce qui favorisait ses espérances53. […] Après la Terreur, il se retira quelque temps à sa maison de campagne de Chaudon et ne songea qu’à y vivre caché, selon sa maxime « qu’un sage (au sens complet qu’il donnait à ce mot) était un homme qui prenait autant de soin à cacher ce qu’il avait, que les autres en prennent pour montrer ce qu’ils n’ont pas ». […] Il y avait des jours destinés aux conférences, et où les élèves prenaient la parole ou lisaient des objections. […] Je voudrais bien savoir comment il s’y prendra pour nous peindre les harmonies de la colique, du buhon-upas.
Il n’a pas médité un moment le bien public ; il y a toujours apporté de l’indifférence ; il n’en a pris que quelques traits par-ci par-là, chez les uns et chez les autres, comme je sais quelques racines grecques que j’ai prises je ne sais où. […] Il s’y montre lui-même par contrecoup mieux que partout ailleurs, et il plaide indirectement pour ses propres qualités et un peu aussi pour ses défauts ; continuant donc son monologue et ce parallèle secret entre son frère et lui : Qui prendra, dit-il, pour des affaires sérieuses son choix à la figure, aux airs importants, au discours spirituel, et au bon air dans la dépense et dans le maintien, fera toujours une mauvaise affaire ; ce n’est là que la superficie, et même la perfection de cette superficie a dû nécessairement prendre sur le fond, et être faite à ses dépens. […] Cependant voilà le malheur du Français : on prend pour médecins des gens d’imagination (Silva), et pour ministres les robins qui ont le plus fréquenté la Cour, c’est-à-dire ceux qui ont le plus perdu leur temps et qui ont le plus négligé les pauvres et la justice. […] Où diable donc a-t-il pris cela ? […] Mais il ne serait pas juste, à notre tour, de prendre au mot, et dans toute la vivacité d’un éclat secret, l’irritation de cet homme de bien.
Franceschi, devenu titulaire du 8e hussards, prit une part active aux opérations de la campagne de 1805. […] Franceschi, par une charge vigoureuse exécutée à temps, refoula une colonne anglaise qui prenait l’offensive, et fit que la retraite put s’opérer du moins avec plus d’ordre. […] Il se contenta de prendre des mesures pour la sûreté des prisonniers, et de les bien traiter pendant leur séjour de vingt-quatre heures dans la place où il commandait ; ils furent dirigés le lendemain sur Séville. […] Mais la Junte prétendait ne l’échanger que contre le général Palafox, pris à Saragosse, contre celui-là et contre nul autre, et cette exigence ne rencontra que refus. […] Camille Rousset avait pris la peine d’en faire un excellent résumé à mon usage, et je l’aurais donné si je ne craignais les longueurs.
Plus navrante et plus grise est l’impression que laisse l’Éducation sentimentale (1869) : Madame Bovary prenait une grandeur tragique par les convulsions passionnées, et par la mort de l’héroïne. […] Lui aussi, il a pris une gravité de médecin consultant, il a tâté le pouls à la société ; on l’a vu déposer en justice comme un expert en psychologie, dont la consultation fait preuve. […] L’impersonnalité du savant n’a jamais été son fait : mais il a su objectiver sa sensation, remonter à la cause extérieure de son émotion, et, domptant le frémissement intérieur de son être, que l’on sent toujours et qui prend d’autant plus sur nous, il s’est appliqué à noter exactement l’objet dont le contact l’avait froissé ou caressé. […] Dans tout cela, pas de philosophie profonde : dans l’air ambiant, Maupassant a pris la doctrine de l’écoulement incessant des phénomènes ; elle dispense de philosopher, et il s’en tient là. […] Cette vie, très particulière en son détail, est si vraie, d’une vérité si moyenne en sa contexture et qualité, qu’elle en prend une valeur générale : à sa tristesse s’ajoute toute la tristesse des innombrables vies que nous apercevons derrière ce cas unique, et la puissance douloureuse de l’œuvre en est infiniment accrue.
On juge bon ce qu’on aime, voilà tout (je ne parle pas ici de ceux qui croient aimer ce qu’on leur a dit être bon) ; seulement les uns aiment toujours les mêmes choses et les estiment aimables pour tous les hommes, les autres, plus faibles, ont des affections plus changeantes et en prennent leur parti. […] C’est, dans l’esprit, une férocité de carabin, et une douceur mâle, sans illusions, dans la conduite de la vie : le caractère particulier que prend la distinction morale chez un médecin ou un chimiste. […] Un tel sans gêne les ravit, puis leur parut stupide. » D’abord ce n’est point ici l’écrivain qui prend la parole, mais M. […] Sylvestre Bonnard, ne vous y laissez pas prendre ; et si vous vous attendrissez trop fort, dites-vous que cela n’est pas arrivé. […] Les histoires de grandes personnes, incomprises, incomplètement vues, comme des séries de scènes singulières qui ne se relient point entre elles, prennent des airs et des proportions de rêves.
Il est vrai « qu’il fut réglé que le jeune gouverneur ne prendrait résolution sur aucun objet important sans l’avis d’un conseil dont son père avait nommé tous les membres ». Ce qui n’empêche point M. le duc d’Aumale d’attribuer pieusement à ce gouverneur de dix-sept ans tout le mérite des mesures qu’il prend et des rapports qu’il signe. […] Richelieu, qui avait un œil dans l’alcôve du duc d’Anguien, prenait fort mal sa discrétion calculée à l’égard de la duchesse. […] Nous avons été étonnés de le trouver, après tout, si docile ; mais quelle revanche il prendra ! […] Au commencement de la bataille, « tous les escadrons sont sur une seule ligne ; Gassion en conduit sept et prend à droite, Anguien à gauche, un peu en arrière avec huit ».
Comparaison entre l’époque où La Bruyère prend ses portraits et celle qui a inspiré La Rochefoucauld. — § IV. […] Comparaison entre l’époque où La Bruyère prend ses portraits et celle qui a inspiré La Rochefoucauld. […] Il y avait une sorte de proportion en toutes choses, et la plus grande des sociétés modernes se laissait voir dans ce moment de repos, où il faut prendre le portrait des nations comme des personnes. […] On n’est pas mécontent des autres jusqu’à prendre le rôle de Timon, ni de soi-même jusqu’à vouloir entrer dans un couvent. […] Quelqu’un prendra ces procédés à La Bruyère, et, par un meilleur emploi, se les rendra propres, en les appliquant à des choses durables.