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13. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Le génie combine les possibles ; son premier caractère est la puissance de l’imagination. — Son second caractère est la puissance du sentiment, de la sympathie et de la sociabilité. […] Pour le génie proprement créateur, la vie réelle au milieu de laquelle il se trouve n’est qu’un accident parmi les formes de vie possible, qu’il saisit dans une sorte de vision intérieure. […] On reconnaît le vrai génie à ce qu’il est assez large pour vivre au-delà du réel, et assez logique pour ne jamais errer à côté du possible. Qu’est-ce, d’ailleurs, qui sépare le possible de l’impossible ? […] Taine sur les rapports du milieu social avec le génie artistique et sur les déductions possibles de l’un des termes à l’autre, il faut ajouter une théorie fondée sur le principe opposé.

14. (1903) La pensée et le mouvant

Ce serait aussi la laisser dans la région du pur possible. […] Mais qu’on y puisse loger du possible, ou plutôt que le possible aille s’y loger lui-même à tout moment, cela n’est pas douteux. […] Il faut en prendre son parti : c’est le réel qui se fait possible, et non pas le possible qui devient réel. […] Un travail de ce genre est-il possible ? […] Mais l’intuition, si elle est possible, est un acte simple.

15. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

L’expérience, qu’on invoque en vain pour rendre compte de nos lois mentales, n’est donc possible que par ces lois elles-mêmes. […] Elle pense, au contraire, que cela est possible. […] 1° L’expérimentation est-elle possible ? […] Or, cela n’est pas possible, et cependant une seule circonstance, en apparence insignifiante, qu’on aurait négligée, suffirait à vicier l’expérience. 2° L’observation est-elle possible ?

16. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Trop heureux serai-je, si, une seule fois, dans une pauvre maison, mes vers portaient quelque douceur à un cœur simple », est-il possible de ne point sentir quelle passion anime ces phrases ? […] Est-il possible de perdre de vue les indices partout renouvelés, partout visibles ? […] Comment un prodige de ce genre est-il possible ? […] Dans un grand peintre, dans un poète vrai et sévère, dans un dramaturge éloquent et fort, dans un musicien limpide et précis, il y a un penseur instruit de toutes les connaissances possibles. […] Quand un maçon construit un mur, il est fort possible qu’il ignore une loi comme celle de la pesanteur ou n’importe quelle espèce d’autre ; mais la pesanteur, elle, ne l’oublie point, et elle a raison de son mur en une minute. » En éthique, la même chose a lieu, en vérité.

17. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Je ne suis point, et tant s’en faut, un adhérent ; je ne suis pas ou je voudrais être le moins possible un adversaire : je ne suis que cette chose qu’il méprise tant et qu’il traite si à la légère, un littérateur, de ceux qui se sentent attirés vers l’esprit et le talent partout où ils les rencontrent, fût-ce dans le plus grand mélange. […] Mais d’abord il est permis de se poser une question : Un journaliste catholique est-il possible ? Est-il possible « de dire chaque jour le mot catholique sur les événements de chaque jour ?  […] Est-il possible, en insistant avec vigueur, amertumeet satire (si surtout on en a le goût et le talent, si laverve vous pousse, si les doigts vous démangent sanscesse, si l’on porte jusque dans l’Univers beaucoup de son tempérament de Chignac), — est-il possible, dis-je, en arrangeant, ainsi son monde, de ne pas produire uneffet tout contraire à celui qu’on prétend chercher, dene pas instituer un combat à outrance, de ne pas rendre bientôt odieuses et la personne même de l’attaquant etjusqu’aux doctrines ? […] Veuillot, est-il possible et utile hors d’un cercle de lecteurs déjà convaincus ?

18. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

La circonscription générale du champ de nos recherches, tracée avec toute la sévérité possible, est, pour notre esprit, un préliminaire particulièrement indispensable dans une étude aussi vaste et jusqu’ici aussi peu déterminée que celle dont nous allons nous occuper. […] D’un côté, on vous recommande de vous isoler, autant que possible, de toute sensation extérieure, il faut surtout vous interdire tout travail intellectuel ; car, si vous étiez seulement occupés à faire le calcul le plus simple, que deviendrait l’observation intérieure ? […] En un mot, ce n’est évidemment que par l’examen philosophique des sciences qu’il est possible d’y parvenir. […] Mais, tout en secondant autant que possible ces utiles entreprises, on ne doit pas se dissimuler que, dans l’état présent de nos idées, elles ne sont nullement susceptibles d’atteindre leur but principal, la régénération fondamentale de l’éducation générale. […] Je crois que les moyens de l’esprit humain sont trop faibles, et l’univers trop compliqué pour qu’une telle perfection scientifique soit jamais à notre portée, et je pense, d’ailleurs, qu’on se forme généralement une idée très exagérée des avantages qui en résulteraient nécessairement, si elle était possible.

19. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Or les monographies ne sont possibles qu’à la condition de spécialités sévèrement limitées. […] Il est encore très peu de branches dans la philologie et l’histoire où les travaux généraux soient possibles avec une pleine sécurité. […] on peut affirmer sans hésiter que pas une seule de ces histoires, excepté peut-être l’histoire de la philosophie, n’est possible, et que, si le travail des monographies ne prend pas plus d’extension, aucune ne sera possible avant un siècle. […] Car la science parfaite du tout ne sera possible que par l’exploration patiente et analytique des parties. […] De prime abord, nous pouvons faire sur ces littératures presque inconnues des tours de force de critique qui n’ont été possibles pour les littératures grecque et latine qu’au bout de deux ou trois siècles.

20. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

En suivant les grandes lignes d’aussi près que possible, nous serons donc sûrs de ne pas nous égarer. […] Toutes les pièces en seraient disposées en vue du meilleur fonctionnement possible de la machine. […] On pourrait dire que la vie tend à agir le plus possible, mais que chaque espèce préfère donner la plus petite somme possible d’effort. […] Par succès il faut entendre, quand il s’agit de l’être vivant, une aptitude à se développer dans les milieux les plus divers, à travers la plus grande variété possible d’obstacles, de manière à couvrir la plus vaste étendue possible de terre. […] Il fait qu’une action commune devient possible.

21. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

C’est seulement dans ce lieu psychologique, où éclot le phénomène de la connaissance, qu’il est possible d’observer les formes diverses de la réalité, car c’est là seulement que la réalité prend forme objective, c’est là seulement que se rencontrent des objets. […] L’idée abstraite du mouvement ne donne naissance à aucune représentation possible. […] Elle est du mouvement ralenti, au degré et dans les limites où la perception dans la conscience de l’objet par le sujet devient et demeure possible. […] Il apparaît suffisamment qu’il n’est pas de connaissance possible de l’indivisible et du continu que, d’autre part, une matière qui irait se divisant à l’infini, renient à tout moment ses états antérieurs, et répudiant toute détermination, serait de même insaisissable.

22. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Qui nous dit que d’autres arrangements ne sont pas possibles, qui auraient pour effet de la diminuer encore ? […] Or, si, dans les cas de maladies purement individuelles, cette démonstration est souvent possible, elle est tout à fait impraticable en sociologie. […] Mais une telle preuve suppose le problème déjà résolu ; car elle n’est possible que si l’on a déterminé au préalable en quoi consiste l’état normal et, par conséquent, si l’on sait à quel signe il peut être reconnu. […] Il n’est pas possible que tout le monde se ressemble à ce point, par cela seul que chacun a son organisme propre et que ces organismes occupent des portions différentes de l’espace. […] Mais, pour que ces transformations soient possibles, il faut que les sentiments collectifs qui sont à la base de la morale ne soient pas réfractaires au changement, par conséquent, n’aient qu’une énergie modérée.

23. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Maw l’a fait remarquer, comme une objection à ma théorie, que les minéraux et même les substances élémentaires sont susceptibles d’une classification analogue, et, en ce cas, une telle classification est naturellement sans relation possible avec une succession généalogique. […] Cet arrangement naturel est indiqué, autant que possible, sur la figure, mais d’une manière beaucoup trop simplifiée. […] Les divers degrés de différence entre les langues de même souche seraient exprimés par des groupes subordonnés à d’autres groupes ; mais le seul arrangement convenable et possible devrait toujours être d’accord avec la filiation généalogique. […] Une pareille classification est toujours possible, et le cas s’en présente souvent, tant qu’un nombre suffisant de caractères, si peu importants qu’ils soient, trahit le lien caché de l’unité généalogique. […] Mais en d’autres cas il est aussi très possible que chaque modification successive, ou la plupart d’entre elles, aient apparu de très bonne heure.

24. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

Sous l’empire de cette illusion, la volonté humaine, prise dans le remous d’un tourbillon de causes et d’effets, croit ; qu’il est possible pourtant d’intervenir. Il semble que si telle décision était prise, que si telle mesure était exécutée, que si l’on voulait telle et telle chose, toute la suite des événements serait modifiée, et on oublie que les choses sont telles précisément parce que telle résolution ne peut plus être adoptée, parce que tel vouloir n’est plus possible. […] On n’a pas cru qu’il fût possible de se soustraire entièrement à cette fatalité de nos habitudes mentales et il a paru suffisant d’avertir que le véritable but de cette étude est ailleurs, que l’on ne s’y est proposé d’autre objet que celui-ci : mettre entre les mains de quelques-uns un appareil d’optique mentale, une lorgnette de spectacle qui permette de s’intéresser au jeu du phénomène humain par la connaissance de quelques-unes des règles qui l’ordonnent.

25. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Nous venons de montrer comment le théoricien de la Relativité évoque, à côté de la vision qu’il a de son propre système, toutes les représentations attribuables à tous les physiciens qui apercevraient ce système en mouvement avec toutes les vitesses possibles. […] Ce ne seraient d’ailleurs que des Temps fictifs, puisqu’ils ne pourraient être vécus comme différents du premier par qui que ce fût, ni par l’observateur en S qui les perçoit tous dans la même durée, ni par aucun autre observateur réel ou possible. […] Conservez-leur le nom de temps, je le veux bien : ce seront, par définition, des Temps conventionnels, puisqu’ils ne mesurent aucune durée réelle ou possible. […] N’empêche que d’un côté il y a de l’imaginé, du pur possible, tandis que de l’autre côté c’est du perçu et du réel. […] Bref, on se donne, avec toutes les vitesses possibles imprimées successivement au système, toutes les visions possibles d’une seule et même chose, cette chose étant censée coïncider avec toutes ces visions à la fois.

26. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais il est aisé de comprendre pourquoi le déterminisme physique étend cette liaison à tous les cas possibles. […] L’argumentation des premiers implique, en effet, qu’à des antécédents donnés un seul acte possible correspond ; les partisans du libre arbitre supposent, an contraire, que la même série pouvait aboutir à plusieurs actes différents, également possibles. […] C’est dans ce sens qu’on dira, en parlant d’un acte libre, que l’action contraire était également possible. […] Si j’opte pour X, les premiers me diront : vous avez hésité, délibéré, donc Y était possible. […] si l’un d’eux était seulement possible, pourquoi se croyait-on libre ?

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