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1502. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Force de tout amour, elle anime aussi celui que nous portons aux chefs-d’œuvre. […] Ils portent la marque de faits nécessairement transitoires et caducs, et ne portent point l’empreinte d’une réflexion définitive. […] Pourquoi la mort, qui n’est que le complément de cette faiblesse, porterait-elle atteinte ? […] Je ferai remarquer à ce propos combien les animaux surtout exotiques portent à la gaîté. […] Au bon moment, cet appareil implacable se résout en douceur, s’éparpille en cris évangéliques qui sonnent juste et portent l’émotion.

1503. (1903) La pensée et le mouvant

L’une et l’autre portent sur la réalité même. […] Je veux parler de ces problèmes angoissants et insolubles qui ne portent pas sur ce qui est, qui portent plutôt sur ce qui n’est pas. […] On est trop porté à n’y voir qu’un délassement. […] Ils ne portent que sur des apparences. […] Par lui nous nous sentons soulevés, entraînés, portés.

1504. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Rappelez-vous ce que vous avez senti vous-même au moment où d’enfant vous êtes devenu homme, quels souhaits de bonheur, quelle grandeur d’espérances, quelle intempérance de cœur vous poussaient vers toutes les joies ; avec quel élan vos mains, d’elles-mêmes, se portaient à la fois vers chaque branche de l’arbre, et refusaient d’en laisser échapper un seul fruit. […] Quand un drame original et national s’élève, les poëtes qui l’établissent portent en eux-mêmes les sentiments qu’il représente. […] La France éloquente et mondaine, dans le siècle qui a porté le plus loin l’art des bienséances et du discours, trouve pour écrire ses tragédies oratoires, et peindre ses passions de salon, le plus habile artisan de paroles, Racine, un courtisan, un homme du monde, le plus capable, par la délicatesse de son tact et par les ménagements de son style, de faire parler des hommes du monde et des courtisans. […] Involontairement, de prime-saut, sans calcul, ils découpent la vie en scènes, et la portent par morceaux sur les planches ; cela va si loin que souvent leur personnage57 de théâtre se fait acteur, et joue une pièce dans la pièce : la faculté scénique est la forme naturelle de leur esprit. […] Ainsi appuyées sur l’innocence et la conscience, on les voit porter dans l’amour un sentiment profond et honnête, mettre bas la coquetterie, la vanité et les manéges, ne pas mentir, ne pas minauder.

1505. (1896) Le livre des masques

Le Voyage d’un nommé Chrétien (The Pilgrim’s Progress), de Bunyan, le Voyage spirituel, de l’espagnol Palafox, le Palais de l’Amour divin, d’un inconnu, ne sont pas œuvres totalement méprisables, mais les choses y sont vraiment trop expliquées et les personnages y portent des noms vraiment trop évidents. […] Ceux-là qui ne portent pas en eux l’âme de tout ce que le monde peut leur montrer, auront beau le regarder : ils ne le reconnaîtront pas, toute chose n’étant belle que selon la pensée de celui qui la regarde et la réfléchit en lui-même. […] On risque d’être pris trop au sérieux et, par suite, de se sentir porté à maintenir sa littérature dans les tons graves. […] Cette réflexion (p. 142) résume assez bien l’état d’esprit d’André Walter : « Ô l’émotion quand on est tout près du bonheur, qu’on n’a plus qu’à toucher — et qu’on passe. » Il y a un certain plaisir à ne pas s’être trompé au premier jugement porté sur le premier livre d’un inconnu ; maintenant que M.  […] Les poètes sont enfin délivrés de telles affres ; tous les jours davantage il leur est permis d’avouer toute leur originalité ; loin de leur défendre de se mettre à nu, la critique les encourage à l’habit sommaire et franc du gymnosophiste : seulement quelques-uns le portent tatoué.

1506. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l’aveuglement et de l’imbécillité, mais avait aussi la couleur d’une vengeance. […] Dans une pareille méthode, qui est essentiellement logique, tous les personnages, leur disposition relative, le paysage ou l’intérieur qui leur sert de fond ou d’horizon, leurs vêtements, tout enfin doit servir à illuminer l’idée génératrice et porter encore sa couleur originelle, sa livrée pour ainsi dire. […] De sa main gauche il tient en manière de sabre son arc appuyé contre sa cuisse ; de la droite il exécute avec sa flèche le commandement : Portez armes ! […] Non loin d’eux, des tableaux exquis, non moins précieusement travaillés, marqués des mêmes qualités et de la même passion rétrospective, portaient le nom de Leys. […] Ces études, si rapidement et si fidèlement croquées d’après ce qu’il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d’après des vagues et des nuages, portent toujours, écrits en marge, la date, l’heure et le vent ; ainsi, par exemple : 8 octobre, midi, vent de nord-ouest.

1507. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Descharmes et Dumesnil n’ont pas achevé cette édifiante histoire des jugements portés sur Flaubert par les défenseurs de la morale et du bon goût. […] Et quelle piété nous porterons au doux et tendre François d’Assise, qui n’était point hagard ni convulsé, et qui tout de même était plus près de Dieu ! […] La phrase ne figurait pas dans la première édition, bien que l’essai continue, en 1899, à porter la date de 1883. […] Alors on ne sait jamais, lorsqu’il vient à parler d’un grand homme ou d’un homme supérieur, s’il le traînera dans la boue où le portera au pinacle. […] Il portait la même ardeur dans ses admirations : seulement elles étaient plus rares.

1508. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

En vain objecterait-on que l’intervention de Lusignan forme le nœud de la pièce, il faut inventer des ressorts qui puissent nous attacher sans nous distraire de l’intérêt qui doit porter sur les principaux personnages. […] Le Kain a porté cette liste, dans laquelle il avait mis, comme de raison, quatre ou cinq de vos pièces, entre autres, Rome sauvée et Oreste. […] Voilà Gengiskan surpris par un poison qu’Idamé portait dans ses yeux. […] Faut-il être étonné que, dans ces derniers temps, on ait essayé de porter la lumière sur les défauts de Voltaire, et d’examiner avec quelque sévérité le plan et le style de ses tragédies ? […] Les larmes même que la réflexion condamne dans le cabinet, au théâtre portent avec elles leur excuse.

1509. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Jusqu’aux dernières années de l’ancien régime255, les petits garçons sont poudrés à blanc, « avec une bourse, des boucles, des rouleaux pommadés » ; ils portent l’épée, ils ont le chapeau sous le bras, un jabot, un habit à parements dorés ; ils baisent les mains des jeunes demoiselles avec une grâce de petits-maîtres. […] On se serait fait porter demi-mort à une partie de chasse. […] Un étranger reste stupéfait en voyant de quelle démarche adroite et sûre elle circule parmi tant de vanités en éveil, sans jamais donner ni recevoir un choc. « Elle sait tout exprimer par le mode de ses révérences, mode varié qui s’étend par nuances imperceptibles, depuis l’accompagnement d’une seule épaule qui est presque une impertinence, jusqu’à cette révérence noble et respectueuse que si peu de femmes, même à la cour, savent bien faire, ce plié lent, les yeux baissés, la taille droite, et une manière de se relever en regardant alors modestement la personne et en jetant avec grâce tout le corps en arrière : tout cela plus fin, plus délicat que la parole, mais très expressif comme moyen de respect. » — Ce n’est là qu’une action et très ordinaire ; il y en a cent autres et d’importance : imaginez, s’il est possible, le degré d’élégance et de perfection auquel le savoir-vivre les avait portées. […] À Saverne, à Clairvaux, au Mans et ailleurs, les prélats la portent aussi gaillardement qu’un habit de cour.

1510. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Les écrivains politiques en état de frénésie ou de cécité qui se sont faits les organes de cette théorie de la liberté illimitée, et qui ont été assez malheureux pour se faire des adeptes, n’ont pas réfléchi que tout jusqu’à la plume avec laquelle ils niaient la nécessité de la loi était en eux un don, un bienfait, une garantie de la loi ; que l’homme social tout entier n’était qu’un être légal depuis les pieds jusqu’à la tête ; qu’ils n’étaient eux-mêmes les fils de leurs pères que par la loi ; qu’ils ne portaient un nom que par la loi qui leur garantissait cette dénomination de leur être, et qui interdisait aux autres de l’usurper ; qu’ils n’étaient pères de leurs fils que par la loi qui leur imposait l’amour et qui leur assurait l’autorité ; qu’ils n’étaient époux que par la loi qui changeait pour eux un attrait fugitif en une union sacrée qui doublait leur être ; qu’ils ne possédaient la place où reposait leur tête et la place foulée par leurs pieds que par la loi, distributrice gardienne et vengeresse de la propriété de toutes choses ; qu’ils n’avaient de patrie et de concitoyens que par la loi qui les faisait membres solidaires d’une famille humaine immortelle et forte comme une nation ; que chacune de ces lois innombrables qui constituaient l’homme, le père, l’époux, le fils, le frère, le citoyen, le possesseur inviolable de sa part des dons de la vie et de la société, faisaient, à leur insu, partie de leur être, et qu’en démolissant tantôt l’une tantôt l’autre de ces lois, on démolissait pièce à pièce l’homme lui-même dont il ne resterait plus à la fin de ce dépouillement légal qu’un pauvre être nu, sans famille, sans toit et sans pain sur une terre banale et stérile ; que chacune de ces lois faites au profit de l’homme pour lui consacrer un droit moral ou une propriété matérielle était nécessairement limitée par un autre droit moral et matériel constitué au profit d’un autre ou de tous ; que la justice et la raison humaine ne consistaient précisément que dans l’appréciation et dans la détermination de ces limites que le salut de tous imposait à la liberté de chacun ; que la liberté illimitée ne serait que l’empiétement sans limite et sans redressement des égoïsmes et des violences du plus fort ou du plus pervers contre les droits ou les facultés du plus doux ou du plus faible ; que la société ne serait que pillage, oppression, meurtre réciproque ; qu’en un mot la liberté illimitée, cette soi-disant solution radicale des questions de gouvernement tranchait en effet la question, mais comme la mort tranche les problèmes de la vie en la supprimant d’un revers de plume ou d’un coup de poing sur leur table de sophistes. […] Vous vous répondrez : C’est celui qui, au lieu de porter des décrets brefs, absolus, non motivés et souvent inintelligibles pour les sujets obligés de les exécuter, raisonne, discute, motive longuement et éloquemment, dans des préambules admirables, chacun de ses décrets, en fait sentir le motif, la nécessité, la justice, l’urgence, en un mot les fait comprendre afin de les faire ratifier par la raison publique. […] « Ce sont les lois extérieures, expression des lois morales et politiques, qui doivent porter l’ordre et la hiérarchie graduée des fonctions dans la société2. » XXIX Les règlements de Confucius sur le culte renouvelé aussi des ancêtres, n’attestent pas dans le législateur religieux une raison moins épurée que ses règlements civils. […] « Au dedans, je veux dire dans l’enceinte de sa famille, il ne témoigne aucune prédilection, et ne donne aucun sujet de soupçonner qu’il est porté à favoriser l’un au préjudice de l’autre ; au dehors, c’est-à-dire en public, il traite également tout le monde, suivant le rang de chacun.

1511. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Invention des arguments, enchaînement des faits, conclusion des témoignages, élévation des pensées, puissance des raisonnements, harmonie des paroles, nouveauté et splendeur des images, conviction de l’esprit, pathétique du cœur, grâce et insinuation des exordes, force et foudre des péroraisons, beauté de la diction, majesté de la personne, dignité du geste, tout porta, en peu d’années, le jeune orateur au sommet de l’art et de la renommée. […] Le sénat, abrité enfin par cette poignée de satellites de Milon, et encouragé à l’audace par l’indignation du peuple, qui commençait à rougir de lui-même, porta le décret de rappel de Cicéron. […] À peine était-il sur la route, qu’il réfléchit à l’indigence à laquelle il allait être exposé avec sa famille et ses amis pendant son exil, et fit arrêter sa litière (fort brancard fermé par des rideaux et porté par des esclaves, qui servait de voiture aux riches Romains), et il fit approcher celle de son frère Quintus, qui marchait derrière lui. […] » Animés par ces reproches mutuels, les esclaves de Cicéron se jettent à ses pieds, lui font une douce violence, le forcent à remonter dans sa litière, et le portent, par des sentiers détournés et ombragés, des jardins vers le rivage, où la galère l’attendait à l’ancre.

1512. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

J’ai toujours aimé ceux qui aiment, ceux qui souffrent, ceux qui gémissent et qui s’indignent en silence, ceux qui se sauvent d’un monde moqueur ; ceux qui s’enveloppent, quand ils sortent, de leur manteau troué par la misère, de peur d’être reconnus dans la rue par ces persifleurs spirituels ou bêtes qui vendent des ricanements aux passants pour insulter toute grandeur : ces pauvres honteux de la gloire, qui sentent en eux leur noblesse innée, qui se cachent de peur qu’on ne se moque, non d’eux-mêmes, mais du don divin qu’ils portent en eux. […] Il y a près d’un mois que je ne vous ai vu, je me suis dit : Il faut qu’il soit malade, allons-y ; et portons-lui le cœur, la main, la bourse, et tout ce que l’amitié peut partager, et tout ce que l’amitié peut accepter. […] Elle avait le souci d’une femme amoureuse Qui soupire sans cesse et n’est jamais heureuse ;         Et je la portais dans mon sein. […] Il était, comme tout le monde, impatient d’accélérer la nature, ce grand médecin que nous portons en nous.

1513. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Elle ne portait pas sur assez d’hommes ; elle a disparu, non faute d’intensité, mais faute d’extension. […] Tous les hommes portent en eux les mêmes principes de moralité. […] pour complaire à des masses ignorantes, vous irez porter un préjudice, peut-être irréparable, à l’humanité ? […] Mais pour des bourgeois simples, que leurs talents ont portés au pouvoir, il faut que ce soient des voleurs, des intrigants.

1514. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Chaque pièce devait être un médaillon à enchâsser sur le couvercle d’un coffret, un cachet à porter au doigt, serti dans une bague, quelque chose qui rappelât les empreintes de médailles antiques qu’on voit chez les peintres et les sculpteurs. […] Ils s’affublent de robes qui ont douze aunes de long ; ou bien, sautant à l’extrême opposé, ils portent des chausses collantes avec des manches qui traînent jusqu’à terre et des mahoitres, destinés à faire les épaules plus larges que nature. […] Les femmes de la cour portent alors des habits de couleur brune, uniforme ; les cheveux se dissimulent sous une ample coiffe noire ; l’ensemble a quelque chose de triste et de monacal. […] Les valets (le mot a gardé le sens qu’il avait au moyen âge) portent des noms empruntés à l’histoire et à nos plus célèbres romans de chevalerie.

1515. (1909) De la poésie scientifique

Mais logiquement elle devait, si elle en portait les puissances, atteindre les créateurs eux-mêmes, les Poètes, et ceux-ci qui par leur acquis intellectuel, leur intuition et leur sensitivité, s’égalent quasi à eux, Lecteurs ainsi que re-créateurs des œuvres. […] Walch, en son Anthologie des poètes de 1866 a 1906), distinguait un article du «  Figaro »  où Auguste Marcade portait très exactement à la connaissance du grand public un premier historique des naissantes Ecoles : « Les trois chefs de ce mouvement sont : MM.  […] (Aussi, disons en passant que le précepte et l’exemple ont porté, par mon Œuvre-une, qui amenèrent les poètes de hasardeux recueils, sinon à composer et ordonner le livre de vers, du moins à lui désirer une presque unité par parties)… Les derniers poèmes de M.  […] Et, comme il est, tout entier, et conscient et inconscient, en communion avec le Tout, davantage du Tout sera donc en même temps porté à notre connaissance.

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