J’en parlerai aujourd’hui avec plus de liberté que je ne l’avais fait précédemment, quand ses mémoires n’étaient que manuscrits et non exposés encore à la pleine lumière qui fait saillir tous les défauts. […] Il compte fort en dernier lieu, pour réaliser ce beau rêve, sur le fidèle Bachelier, valet de chambre du roi, et introducteur de Mme de Mailly, la première maîtresse : ce parti d’alcôve et d’antichambre lui paraît pour le quart d’heure, et tant qu’il en espère son avancement, le plus patriotique et le plus honorable : « En effet, tout l’autre parti radote ou trompe, et celui-ci est seul ferme, solide, dans les vrais intérêts de la couronne et plein d’amour pour la personne du roi. » D’Argenson, qui se laisse appuyer par Bachelier, appelle cela être dans l’intrigue passivement. […] L’original y apparaît dans son plein : le personnage s’y juge au fond.
Que l’on mette aujourd’hui cette phrase mystérieuse et pleine de sous-entendus en regard de la page des Mémoires où éclate le Mirabeau véritable dans toute sa hideur et sa beauté91 : rien ne nous montre mieux combien l’histoire a de doubles fonds, et tout ce que la postérité a à faire avant d’arriver sur bien des points à savoir le dernier mot ; il y aura auparavant à lever bien des scellés et à ouvrir bien des serrures. […] Il est plein de connaissances qu’il doit aux recherches curieuses qu’il a faites ; j’ai cru m’entretenir avec la Providence. […] Depuis que les preuves du contraire ont abondé et qu’on a eu les papiers du comte de La Marck, ce passage de l’Histoire de la Révolution n’a pas été modifié : l’illustre historien revoit peu ses ouvrages, il aime à les laisser dans leur première improvisation ; il est douteux qu’il ait jamais relu son Histoire de la Révolution, pleine d’inexactitudes pour les détails (c’était inévitable au moment où il l’écrivit), mais qui reste vraie dans les ensembles et par la touche juste et large qu’il a su donner des principaux moments de ce grand drame.
Elle était la plus tendre amie de Mlle Mars, dont nous l’entendrons parler tout à l’heure ; Mlle Mars qui, hors du théâtre, était la personne la plus sensée, la plus positive, la mieux ordonnée, pleine de nobles et libérales actions, bien que passant pour être un peu serrée. […] En 1822, l’intolérance nationale et classique régnait encore dans tout son plein : on en était toujours aux colères contre Albion ; l’invective des Messéniennes faisait loi. […] On conçoit que, sous l’impression que laissent de pareils élans, Michelet ait pu lui écrire un jour : « Le sublime est votre nature… » ; et qu’ayant sous les yeux son dernier recueil, il ait écrit à son fils (25 décembre 1859) : « Mon cœur est plein d’elle.
Dans ces Idylles en vers libres, pleines de moutons à la Des Houlières, d’agneaux volages ou gémissants qu’enchaînent des rubans fleuris ; dans ces premières élégies où voltige l’Amour en bandeau et où il est tant question de tendres feux, de doux messages et de fers imposteurs, on est, en souriant, reporté à cette génération sentimentale nourrie de Mme Cottin, de Mme Montolieu, que Misanthropie et Repentir attendrissait sans réserve, que Vingt-quatre Heures d’une Femme sensible n’exagérait pas, et qui lors du grand divorce de 1810, s’apitoya avec une exaltation romanesque sur la pauvre châtelaine de la Malmaison. […] Il n’y a qu’un mot à dire du roman qui a pour titre Une Raillerie de l’Amour, et que Mme Valmore vient de publier ; c’est une heure et demie de lecture légère et gracieuse, qui reporte avec charme au plus beau temps de l’Empire, à cette société éblouie et pleine de fêtes, après Wagram. […] Ce devra être, même plus tard, dans ce monde éternellement renaissant de la passion, une lecture à jamais vive et pleine de larmes.
Et, de même, il peut apparaître en bien des endroits comme un pur dilettante, et comme un dilettante de décadence, plein d’affectation et d’artifice, d’une sensualité maladive et d’un mysticisme équivoque ; mais tout à coup on découvre chez lui un esprit très grave, d’une gravité de prêtre, très préoccupé de vie morale, sérieux au point de tout prendre au tragique. Son style offre les mêmes contrastes : il est mièvre et il est fort ; il est pédantesque et il est simple ; tout glacé d’abstractions, roide et guindé, et soudain gracieux et languissant, ou plein, coloré, robuste. […] L’Académie a beau l’honorer publiquement : cela n’empêche point les plus aventureux parmi les plus jeunes écrivains, et ceux du cerveau le plus trouble, symbolistes, esthètes, wagnériens et mallarmistes d’être pour lui pleins d’égards, de le considérer comme un maître.
Vous avez dit ses commencements, ses viriles origines, cette nature pleine d’énergie, tenant, par son père, aux races sérieuses et obstinées de l’Ouest, par sa mère, à l’ardente et forte complexion des populations protestantes des Cévennes. […] Pas plus que vous, Monsieur, je ne suis donc en situation de rendre pleine justice à M. […] Qu’importe, après tout, puisque le coin imperceptible de la réalité que nous entrevoyons est plein de ravissantes harmonies, et que la vie, telle qu’elle nous a été octroyée, est un don excellent et pour chacun de nous la révélation d’une bonté infinie ?
C’était en décembre et au Nord ; c’étaient de vieux soldats, pleins de santé et de vigueur, excités par un climat rigoureux, au lieu d’être abattus par un climat énervant, habitués à toutes les vicissitudes de la guerre, exaltés par l’honneur, n’hésitant jamais entre mourir ou se rendre. […] Cette armée, comme on le sait, est formée d’hommes de toute sorte, engagés volontairement dans ses rangs, servant toute leur vie ou à peu près, assujettis à une discipline redoutable qui les bâtonne jusqu’à la mort pour les moindres fautes ; qui, du bon ou du mauvais sujet, fait un sujet uniforme et obéissant, marchant au danger avec une soumission invariable à la suite d’officiers pleins d’honneur et de courage. […] Dans le style, l’écrivain n’a nulle part flatté le goût du temps pour les effets et pour la couleur, et on pourrait même trouver qu’il en a tenu trop peu de compte quelquefois ; mais c’est une satisfaction bien rare pour les esprits sérieux et judicieux que celle de lire une suite de volumes si aisés et si pleins, sortis tout entiers du sein du sujet et nous le livrant avec abondance, d’une simplicité de ton presque familière, ou jamais ne se rencontre une difficulté dans la pensée, un choc dans l’expression, et où l’on assiste si commodément au spectacle des plus grandes choses.
Et tout d’abord, parlant de son propre père qu’il vient de perdre, et le dépeignant dans un sentiment filial plein d’élévation et de noblesse, que dira-t-il ? […] Le peintre est déjà dans le plein de sa veine et dans la largeur de sa manière. […] Son histoire est une fresque à la Rubens, jetée avec une fougue de pinceau qui ne lui permet pas de dessiner soigneusement et d’arrêter sa ligne avant de peindre : mais les physionomies, tant il en est plein, n’en ressortent que plus chaudement.
« Je suis un philosophe, disait-il (et quand je cite ses paroles, figurez-vous-les toujours relevées et comme redoublées par l’accent) ; un philosophe n’a besoin que de la besace et du manteau ; mais encore faut-il que la besace soit pleine et que le manteau soit propre. » Dès qu’il eut acquis ce nécessaire, il revint à Paris sous le Consulat, et, cette fois, bien résolu à ne plus lâcher pied. […] Homme plein d’adresse et de finesse dans le détail et dans la pratique des mots, plein de force et de constance dans l’ensemble du labeur, Raynouard, bon grammairien et avec des éclairs du génie philologique, manquait, j’ose le dire, par l’idée philosophique élevée qui embrasse, qui lie naturellement tous les rapports d’un sujet, et que Fauriel et Guillaume de Schlegel, comme savants, entendaient bien autrement que lui.
Lui-même il a pris soin de nous indiquer le moment précis, très voisin de cette conversation, dans lequel il se détermina à se livrer tout à fait à sa passion et à sa haine contre Mazarin (janvier 1649) : « Quand je vis, dit-il, que la Cour ne voulait même son bien qu’à sa mode, qui n’était jamais bonne, je ne songeai plus qu’à lui faire du mal, et ce ne fut que dans ce moment que je pris l’entière et pleine résolution d’attaquer personnellement le Mazarin… » À partir de ce jour, tous les moyens lui sont bons pour réussir, les armes, les pamphlets, les calomnies. […] Le style de Retz est de la plus belle langue ; il est plein de feu, et l’esprit des choses y circule. […] L’expression y est gaie volontiers, pittoresque en courant, toujours dans le génie français, pleine d’imagination cependant et quelquefois de magnificence.
Le Brun, qui y vise tant, a trop peu de ces mots pleins, faciles et « amis de la mémoire ». […] Mme Lebrun, qui attendait ce soir-là de fort jolies femmes, imagina de costumer tout son monde à l’antique pour faire une surprise à M. de Vaudreuil : « Mon atelier, dit-elle, plein de tout ce qui me servait à draper mes modèles, devait me fournir assez de vêtements, et le comte de Parois, qui logeait dans ma maison rue de Cléry, avait une superbe collection de vases étrusques. » Chaque jolie femme qui entrait était à l’instant même déshabillée, drapée, coiffée en Aspasie ou en Hélène. […] [NdA] Il y a une autre épigramme de Le Brun contre Andrieux, et qui, également innocente, paraîtra plus juste, car les Contes de cet homme d’esprit n’ont jamais endormi personne ; la voici : Dans ces Contes pleins de bons mots Qu’Andrieux lestement compose, La rime vient mal à propos Gâter le charme de la prose.
Les premières parties de ces notes sont pleines, d’ailleurs, d’excellentes observations et d’aperçus dont un chef d’État pouvait faire son profit. […] Nous qui nous contentons de le lire sans y chercher autre chose que des esquisses pleines de netteté et de finesse, nous y relèverions quantité de pensées dignes de souvenir. […] Quand sa réflexion n’allait pas jusqu’au volume d’une brochure, il lui fallait un journal pour y verser son courant et son trop plein, « pour y confondre, comme il disait, ses pensées du moment avec les circonstances du moment ».
Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm. […] Le style de Louis XIV n’a pas cette brièveté vive et brusque qui caractérise les pages originales de Napoléon, ce que Tacite appelle « imperatoria brevitas » : ce caractère incisif du conquérant et du despote, ce rythme court, pressé, saccadé, sous lequel on sent palpiter le génie de l’action et le démon des batailles, diffère complètement du style plus tranquille, plus plein et, en quelque sorte, héréditaire de Louis XIVo. […] [1re éd.] ce caractère incisif du conquérant, ce rythme court et pressé sous lequel on sent palpiter le génie de l’action, diffère complètement du style plus tranquille, plus plein et, en quelque sorte, héréditaire de Louis XIV.
Ici, on entend le cri instinctif de cette âme pleine de courage et de vertu, qui fut patriotique et française avant tout dans son ambition, et qui confondra ses passions personnelles dans la grandeur de la chose publique. […] Richelieu historien est tout plein de ces traits d’un moraliste consommé, et qui a expérimenté à fond le cœur des hommes. […] (Bibliothèque du roi) ; elle est ou de Richelieu ou rédigée sous ses yeux, d’un latin raffiné et aigu, mais pleine de vives et fortes pensées : Abiturus e vita loquor veritatem eo momento quo nemo mentitur… Electus in primarium Regis mei ministrum, id primum intendi ut Regem meum facerem primum Regem : volui Christianissimum esse et potentissimum ; volui primogenitum esse Ecclesiae et Europae ; volui esse justum ut sua orbi restitueret, et orbem sibi.