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665. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Par exemple, nous avons expliqué les progrès constants de la division du travail social en montrant qu’ils sont nécessaires pour que l’homme puisse se maintenir dans les nouvelles conditions d’existence où il se trouve placé à mesure qu’il avance dans l’histoire ; nous avons donc attribué à cette tendance, qu’on appelle assez improprement l’instinct de conservation, un rôle important dans notre explication. […] Là où règne le finalisme, règne aussi une plus ou moins large contingence ; car il n’est pas de fins, et moins encore de moyens, qui s’imposent nécessairement à tous les hommes, même quand on les suppose placés dans les mêmes circonstances. […] Or nous ne connaissons aucun phénomène social qui soit placé sous la dépendance incontestée de la race.

666. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Tout en haut, il y a des intelligences qui nous dépassent même infiniment ; ici, où nous sommes, il y a nos intelligences ; un peu plus bas, il y a des intelligences rudimentaires qui sont celles des hommes qui n’ont pas de culture et qui ne sont pas capables d’en recevoir ; il y a l’intelligence du sauvage, il y a l’intelligence du primitif ; plus bas, il y a l’intelligence des animaux supérieurs ; plus bas encore, il y a les intelligences des animaux placés tout à fait au dernier degré de l’animalité. […] C’est devant la nature tout entière, humanité, animalité, végétalité, qu’il s’est placé, c’est-à-dire qu’il renouvelle les plus belles tentatives de l’antiquité, celle de Lucrèce et celle de Virgile. […] Un dernier point, sur lequel je n’insisterai pas, du reste ; comment placer La Fontaine, quel nom, à proprement parler, quelle étiquette mettre sur ce grand nom de La Fontaine ?

667. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Ce que nous voyons de la phrase lue, ce que nous entendons de la phrase prononcée, est tout juste ce qui est nécessaire pour nous placer dans l’ordre d’idées correspondant : alors, partant des idées, c’est-à-dire des relations abstraites, nous les matérialisons imaginativement en mots hypothétiques qui essaient de se poser sur ce que nous voyons et entendons. […] Nous nous rendons bien compte alors que les sons distinctement entendus nous servent de points de repère, que nous nous plaçons d’emblée dans un ordre de représentations plus ou moins abstraites, suggéré par ce que notre oreille entend, et qu’une fois adopté ce ton intellectuel, nous marchons, avec le sens conçu, à la ren contre des sons perçus. […] Quand viendra le moment de rendre compte de l’efficacité, il faudra bien écarter tout ce qui n’est pas représentation, se placer en face de la représentation elle-même, chercher une différence interne entre la représentation purement passive et la même représentation accompagnée d’effort.

668. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Parmi les adversaires qu’il combat, il en est toutefois contre lesquels Bourdaloue a trop manifestement raison, et d’une manière qui paraît encore tout à fait piquante : ce sont ces jansénistes de mode et de langage, non de conviction, ces incrédules et libertins du monde (comme il y en avait déjà bon nombre alors) qui faisaient les rigoristes en parole, prenaient parti en matière de dogme, et ne plaçaient si haut la perfection du christianisme et la rigidité de la pénitence que pour mieux s’en passer : « Ou tout ou rien, dit-on ; mais bien entendu qu’on s’en tiendra toujours au rien, et qu’on n’aura garde de se charger jamais du tout. » Le travers, l’inconséquence de ces épicuriens mondains, jansénistes par raffinement et en théorie, a trouvé dans Bourdaloue un railleur sévère. […] À la fin des Œuvres de Bourdaloue, on a réuni sous le titre de Pensées quelques-uns des morceaux de doctrine ou de morale qu’il écrivait à l’avance, selon l’habitude des orateurs anciens, pour les placer ensuite au besoin dans ses discours.

669. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Ainsi, mon cher Mirabeau, je maintiens ce que j’ai dit ; si j’étais né à la Cour, je ne vois pas que j’eusse été contraint de m’y déplaire, ou il y aurait eu de ma faute ; mais la Providence m’a placé si loin de cette Cour, qu’il serait ridicule de me demander pourquoi je n’y suis pas. […] Voilà les deux systèmes en présence, et le petit chevalier exactement placé entre la méthode de Vauvenargues et celle de son frère, qui n’est pas du tout une méthode, mais un pur abandon à l’humeur et à la nature première.

670. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il plaisait visiblement au monarque, qui, dès qu’il l’eut placé au siège de Paris, lui accorda, le vendredi de chaque semaine, une et quelquefois deux heures d’entretien particulier dans son cabinet. […] L’exemple de M. de Harlay nous est la preuve, au contraire, que, dans l’ordre régulier des choses, il suffit d’un défaut, d’un vice mal placé, pour tuer un homme.

671. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

On raconte l’histoire d’un officier, d’un lieutenant-colonel brave, irréprochable jusqu’alors, lequel, à Malplaquet, placé en un poste périlleux, s’enfuit et courut jusqu’à Calais, sa ville natale. […] Villars et le duc d’Ormond, prévenus chacun très secrètement de l’état et du progrès des négociations entre leurs Cours, devaient éviter de s’engager, et il ne fallait pas que Villars, par trop d’insistance guerrière et par quelque mouvement imprudent, plaçât le duc d’Ormond entre son devoir et son honneur.

672. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon. […] Ayant vu, quelques années après, tomber également dans un duel mortel son collaborateur de La Presse, Dujarier, il prononça sur sa tombe, le 14 mars 1845, des paroles qui méritent d’être rappelées et qui témoignent d’un sentiment profond : « Si j’élève ici la voix, disait-il, ce n’est pas seulement pour exprimer de vains regrets et rendre un pieux hommage aux rares qualités que m’avaient fait reconnaître et honorer en lui des relations dont chacune était une épreuve journalière et décisive… Mais, placé entre la tombe qui est sous mes yeux et celle qui demeure ouverte et cachée dans mon cœur, je sens que j’ai un devoir impérieux à remplir, devoir trop douloureux pour n’être pas solennel !

673. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître.

674. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Nous étions parfaitement placés pour le spectacle… Figurez-vous un torrent large et bruyant, puis une petite prairie, puis une montagne, et dans ce cadre un rassemblement de plusieurs milliers de personnes rangées en cercle autour d’une corde qui fait barrière. […] Ces mots sont bien placés dans ces grandes œuvres divines, sur ces puissants arbres qui vous disent de craindre la main qui les a plantés. » Tout cela est pur, net, distinct, bien vu, bien dit, rapidement conté ; c’est classique, c’est attique et irréprochable.

675. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Notre globe n’est placé dans le système solaire ni au premier rang (tant s’en faut !) […] Non, je n’accepterai point l’alternative où prétend me placer M. 

676. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

L’inquiétude, le trouble même que d’Argenson montra à la réception de la lettre de l’abbé, me fait croire qu’il a eu part aussi bien que tous les autres ministres à la pitoyable conduite du maréchal. » De même que le roi avait des correspondances secrètes à l’insu de ses ministres, de même les ministres envoyaient des ordres secrets à l’insu du roi ; chacun se comportait en maître dans son tripot (c’est encore une expression de Mme de Tencin, qui s’y connaît, et qui était placée au foyer de toutes ces intrigues). […] Louange avec les princes, louange bien placée et bien choisie, c’est encore conseil.

677. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

» Ce n’est pas sans sourire que le spirituel auteur aboutit à cette conclusion un peu récréative ; mais, qu’il rie ou non, il n’en est pas moins certain, d’après l’ensemble de sa critique et de sa pratique en bien des cas, qu’il paraît, en effet, placer toute la poésie, tout le génie, dans le tempérament. […] Au tome V de l’édition in-8° des Critiques et Portraits (1839) on trouverait quelques pages que nous ne reproduirons pas ici, non pas que nous ayons beaucoup à y rétracter ; nous n’y corrigerions guère qu’une honteuse inadvertance qui nous a fait placer (page 535) l’exil d’Andromaque en Thrace au lieu de l’Épire ; mais, si l’ensemble de notre jugement reste le même, il y aurait à ajouter que, dans son recueil de Poésies complètes (1815), M.

678. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

La Fontaine et Mme de Sévigné, sur une scène moins large, ont eu un sentiment si fin et si vrai des choses et de la vie de leur temps, chacun à sa manière, La Fontaine, plus rapproché de la nature, Mme de Sévigné plus mêlée à la société ; et ce sentiment exquis, ils l’ont tellement exprimé au vif dans leurs écrits, qu’ils se trouvent placés sans effort à côté et fort peu au-dessous de leur illustre contemporain. […] Elle s’est placée ainsi, sans le vouloir ni s’en douter, au premier rang des écrivains de notre langue.

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