Qu’est-ce autre chose que cet esprit français déjà antique, dont nous avons vu les traits dans Jean de Meung, dans les Fabliaux, dans Villon, et, au commencement de ce siècle, dans Marot ; esprit vivace comme le sol, qui recevra la forte éducation de l’antiquité sans perdre de son naturel et de son air gaulois, et qui se perfectionnera avec les mœurs, son objet et sa matière ? […] Les tours et les mots n’en sont pas perdus, si ce n’est pour les ignorants, dont la langue date toujours de la veille. […] « Je suys, dit-il au prologue du livre IV, moyennant un peu de pentagruelisme, sain et desgourt (dégourdi), prest à boire, si voulez. » Et au prologue du premier livre : « A la composition de ce livre seigneurial, je ne perdis ni employai onc ni plus aultre temps que celui qui estoit establi à prendre ma réfection corporelle, sçavoir, en buvant et mangeant. » Il n’écrivait pas seulement après boire, mais pendant boire ; et, dans sa réfection corporelle, boire vient avant manger. […] Les partisans de sa bouffonnerie, de sa verve burlesque, c’est-à-dire de ce qui n’est propre qu’à lui, se sont perdus en voulant l’imiter.
Pour apprécier la valeur de la philologie, il ne faut pas se demander ce que vaut telle ou telle obscure monographie, telle note que l’érudit serre au bas des pages de son auteur favori : on aurait autant de droit de demander à quoi sert en histoire naturelle la monographie de telle variété perdue parmi les cinquante mille espèces d’insectes. […] Dites donc que ceux qui auront contribué à cette œuvre immense, qui auront poli une des faces de ce diamant, qui auront enlevé une parcelle des scories qui voilent son éclat natif ne sont que des pédants, des oisifs, des esprits lourds qui perdent leur temps et qui, n’étant pas bons pour faire leur chemin dans le monde des vivants, se réfugient dans celui des momies et des nécropoles ! […] Comte, toutes les belles âmes convoleraient au suicide ; il ne vaudrait pas la peine de perdre son temps à faire aller une aussi insignifiante manivelle. […] Et ne commet-il pas semblable faute quand il regarde comme inutiles toutes ces patientes explorations du passé, quand il déclare que c’est perdre son temps d’étudier les civilisations qui n’ont point de rapport direct avec la nôtre, qu’il faut seulement étudier l’Europe pour déterminer la loi de l’esprit humain, puis appliquer cette loi a priori aux autres développements ?
L’un et l’autre, ils peignaient l’humanité, la grande humanité, et non pas une époque enfantine regrettée par les romantiques comme une sorte de paradis perdu. […] Il possède aussi le secret de la composition, quoiqu’il oublie souvent d’en faire usage ; il sait, quand il le veut, lier les épisodes dans la trame serrée du récit ; il a un dessein qu’il déroule, un but qu’il poursuit, et alors même qu’il se perd trop longtemps au détail des choses communes, il a le triste mérite de ne point ignorer où il va. […] Et que dites-vous de phrases comme celle-ci : « Il semblait perdu dans un de ces bonheurs complets, n’appartenant sans doute qu’aux occupations médiocres, qui amusent l’intelligence par des difficultés faciles et l’assouvissent en une réalisation au-delà de laquelle il n’y a pas à rêver » ? […] Mâtho, qui se croit invulnérable, ne veut pas quitter la ville sans avoir revu Salammbô ; en vain Spendius le conjure de renoncer à ce téméraire caprice qui va tout perdre, l’esprit ne déchaîne pas impunément les forces rugissantes de la matière : l’Africain s’élance, gravit les escaliers du palais, se glisse à pas de loup chez la jeune fille, l’aperçoit endormie, la joue dans une main, l’autre bras déplié, et sa chevelure si abondamment répandue autour d’elle qu’ elle paraissait couchée sur des plumes noires .
Placez devant un esprit l’image d’une sensation toujours la même, ce sera pour lui tout le monde extérieur ; il s’y absorbera comme le mystique enlevé à soi se perd dans l’objet de son extase. […] Point de mouvement reçu par un nerf centripète qui ne soit réfléchi sur un nerf centrifuge, où il se continue sans jamais pouvoir se perdre ; de même, point de sensation reçue qui ne se réfléchisse en un effort quelconque pour écarter ou pour maintenir l’objet, selon qu’il est pénible ou agréable. […] En tout cas, si la mémoire a une véritable certitude quand elle est « fraîche », elle se perd parfois dans le lointain du temps et vient se fondre avec le rêve comme la mer à l’horizon se fond avec le ciel. […] Maury avait perdu un manuscrit et avait renoncé à publier son travail.
Je ne sais pas, après avoir vu ça, comment on a le courage de parler au public… Le livre, l’homme en prend au moins connaissance dans la solitude, mais la pièce, elle est appréciée par une masse d’humanité réunie, une bêtise agglomérée. » Puis lâchant le théâtre, après un silence où il reste un moment perdu dans ses réflexions, il s’écrie : « Ah ! […] ce sera chose perdue plus tard… Dans les premiers chapitres de ses Paysans, M. de Balzac a tracé une peinture des paysans comme les a faits la Révolution. […] Il y a de vieilles petites créatures séchées et ratatinées, empaquetées dans un étoffement de laine, les plis de leurs jupes comme de gros tuyaux d’orgue écrasés, l’os maigre de leur jambe, à l’énorme cheville, perdu dans le bas bleu tombant sur la galoche. […] ce misérable ferrailleur a acheté, l’année dernière, la bibliothèque d’un portier dont il a tiré 12 000 francs ; et c’est dans cette vente, faite obscurément, que Lefèvre a acquis le manuscrit des Conférences de l’Académie royale de peinture, où nous avons retrouvé la vie inédite de Watteau, du comte de Caylus, que tout le monde croyait perdue.
Je suis prêt à tout subir, à tout affronter, à n’accepter aucune compromission, à aller en prison, à perdre la considération bourgeoise et tout, mais, sacré nom de Dieu, je ne puis empêcher mon cœur d’avoir les battements de la peur d’une femme. […] Mercredi 4 juillet L’homme célèbre, qui dévoile une humanité bonasse aux gens, avec lesquels le hasard le met en rapport, perd de son prestige. […] Gambetta va redonner à la France, sous trois mois, la grandeur qu’elle a perdue, et moi, je suis en train d’apprendre aux femmes de ce temps, la grâce de la femme du dix-huitième siècle. […] Est-ce que la pauvre fille, la dernière des personnes qui me soit sérieusement attachée, est-ce que je vais la perdre, et rester tout seul, tout seul sur la terre, sans une affection, sans un dévouement.
Quant aux diverses parties de l’œuvre poétique, il vous sera facile de les reconnaître, à savoir : la proposition, le nœud, le dénouement, l’imprévu, la difficulté, le retard, la péripétie au moment où tout est perdu… où tout est sauvé. […] Disant ces mots, je cédais ma plume et ma place, et vous n’auriez pas perdu à changer de maestro, mais Henri, dans un bel accès d’indignation : — Qui ? […] Ce qui vous prouve que les chefs-d’œuvre ne portent jamais malheur à personne, et qu’une belle jeune fille n’est jamais perdue quand elle a, pour ses deux parrains, Molière et Marivaux. […] Elle était ainsi la femme déclassée, et l’on dirait que Pascal lui-même a voulu tracer le portrait de cette créature malheureuse : « Le peu de temps qui lui reste l’incommode si fort et l’embarrasse si étrangement, qu’elle n’essaye qu’à le perdre : ce lui est une peine insupportable de vivre avec soi et de penser à soi ; ainsi, tout son soin est de s’oublier soi-même et de laisser couler ce temps, si précieux et si court, sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser.
Là, l’esprit politique des anglais amis une organisation, une volonté d’être et de se conserver respectable à tous les hommes qui ont cette notion de l’ordre avec laquelle on recommencera le monde, quand les révolutions l’auront perdu. […] Pour les bien juger, dans leur source comme dans leurs conséquences, il ne faut pas perdre de vue que l’anglo-catholicisme est du catholicisme encore, faussé, il est vrai, adultérisé par une haine impie et stupide contre Rome, mais pourtant du catholicisme, et du catholicisme protestant à son tour contre le Protestantisme de Henri VIII, c’est-à-dire le circonscrivant. […] Il joua même bientôt sa position officielle contre celle-là plus haute et plus obligatoire, et il sut la perdre avec grandeur. […] Dans un siècle aussi vieux de civilisation que le nôtre, il n’y avait qu’un moyen de retrouver la foi perdue : c’était de la refaire par la science.
Les routes parcourues par Fromentin ont perdu de leur poésie ; Medéah, El-Aghouat, Alger, Blidah, sont devenus des pays pleins d’auberges, où les poètes ne rêvent plus. […] Créations plus puissantes que leur créateur même, puisqu’elles peuvent se faire entendre de tant de milliers de personnes ; plus durables que lui, plus persuasives, et qui ne sont, cependant, qu’une émotion de ce cœur d’homme traduite artistement, une journée qu’on a crue perdue et qui vivra à jamais peut-être, un souvenir à qui la jeunesse est revenue ! […] Et elle est perdue, ou bien elle va l’être : mais, ne redoutez pas, avec Fromentin, la fin vulgaire, et qui, d’ailleurs, n’est jamais une fin. […] Il a eu cette précaution, indice d’un très grand artiste, d’éviter les détails de modes qui perdent leur attrait, et leur sens, avec leur nouveauté, et qui sont ridicules après une saison.
. — Dès que le principe est à peu près réalisé, il devient un élément constitutif du groupe, et perd peu à peu sa puissance créatrice ; il est un fait acquis, il n’est plus une foi ; sa réalisation étant forcément incomplète, unilatérale, il en résulte un besoin de corriger, de compléter ; après l’action, la réaction ; et c’est alors qu’apparaît la foi nouvelle, une autre face de l’idéal absolu. […] Si les groupes primitifs ont perdu peu à peu leur autorité politique, législative, coercitive, si par exemple le pater familias n’est plus qu’un souvenir, cela est dans la nécessité des choses, et c’est par une conception nouvelle des devoirs que nous conserverons à la famille, à la commune, à la province leur efficacité dans le développement total. […] Dès qu’on touche à l’homme intellectuel et moral, on se perd dans un infini de possibilités. […] La rêverie imprécise se perd dans le néant comme un fleuve dans les sables ; et l’érudition n’est qu’une momie ; tandis que l’expression enfante d’autres expressions, comme l’homme engendre l’homme.
Boursier, nous pouvons assurer qu’il nous a paru inintelligible en bien des endroits, & que trop de subtilité y fait perdre le fil du raisonnement.
Quoiqu'il se soit exercé dans presque tous les genres & dans presque toutes les Langues, ses succès ont été médiocres, par cette raison décisive, que l'esprit ne peut que perdre, & le talent s'affoiblir, quand on voltige trop légérement d'objet en objet.
Shée, qui avait perdu son fils tué dans la guerre d’Espagne, en 1811, vieux et prêt à s’éteindre sous la Restauration, avait obtenu de substituer sa pairie à son petit-fils Edmond d’Alton-Shée, le nôtre, lequel né en 1810, se trouva pair par hérédité en 1819 à la mort de son aïeul. […] Élevé par une mère distinguée, d’un esprit philosophique et d’une grande tendresse, il la perd à l’âge de douze ans, et dès lors son éducation qui commençait sous de doux et heureux auspices est brisée.
« Divertissements, parties de plaisir, jeux, collations, voyages à la campagne, visites, et telles autres récréations nécessaires à quantité de gens d’études, à ce qu’ils disent, ne sont pas mon fait : je n’y perds point de temps. Je n’en perds point aux soins domestiques, ni à briguer quoi que ce soit, ni à des sollicitations, ni à telles autres affaires.