Nous notons ceci comme un fait : nous n’adressons aucun reproche ; nous serions tenté plutôt de féliciter, si nous l’osions ; deux ou trois carnavals comme le dernier feront plus, à coup sûr, pour l’émancipation réelle de la femme, que quatre ou cinq religions ex professo. […] Devance l’univers en sa métamorphose ; Beaucoup sont suscités pour la prophétiser ; Tu peux en être aussi, mon Âme ; ose donc, — ose Sais-tu tout ce qu’un Dieu t’inspirera d’oser ?
Le grec, assez peu senti pour qu’on ose y toucher sans scrupule, offre aux fabricants de mots nouveaux une facilité vraiment excessive. […] Ce médecin osait encore parler français. […] Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. […] Cette coquerelle, des botanistes ont osé la dénommer alkékange, mot dont j’ignore l’origine37, mais dont la laideur est trop évidente.
En France, c’était alors plus difficile, cela, que de passer le Rubicon… Quant à son fils, Henri de Guise, tout ambitieux qu’il fût, tout enivré qu’il fût de la faveur populaire, et tout méprisant qu’il fût aussi de cette race hermaphrodite des Valois, rivale de la sienne, il n’osa pas. Il avait dit, avec une fatuité de César, en parlant de Henri III : « Il n’oserait ! » et ce fut lui qui n’osa pas. Et s’il eût osé, d’ailleurs, qui peut dire qu’il aurait réussi à fonder cette quatrième dynastie qui aurait supprimé ces Bourbons, tous funestes à la France, même Louis XIV, et s’il n’eût pas trouvé son écueil dans ce Royalisme, qui n’avait pas même besoin du Catholicisme pour exister ?
Jamais elle ne désespère, et tant qu’on peut oser encore, elle se déclare pour le parti de l’audace. […] Dévouée, jusqu’à la superstition, à la volonté de Louis XIV, elle n’osait se commettre en rien, de peur de lui déplaire ; un mot de sa bouche eût sauvé Racine, et elle se garda de le risquer ; malgré sa prédilection pour le maréchal de Villeroi, elle en était venue à refuser sa protection à l’abbé de Villeroi pour l’archevêché de Lyon : « Je ne le connais pas assez, écrit-elle, pour me mêler de son établissement ; les places dans l’Église intéressent un peu la conscience de ceux qui les donnent, et l’on a bien assez de ses péchés sans avoir à répondre de ceux des autres. […] « Le seul art dont j’oserais soupçonner madame de Sévigné, dit madame Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et, par conséquent, un peu vagues, qu’elle fait rassembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes, dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice dans cette manière de madame de Sévigné, non plus que dans celle de mesdames des Ursins et de Maintenon : c’est la manière de l’époque et l’un des mérites inséparables de son style.
Tel sera notre siècle, nous osons l’espérer. […] La destinée du pays dépend en ce moment du rôle qu’oseront prendre ces hommes sages, mais un peu timides, et c’est toujours avec une sorte d’anxiété affectueuse que la France les écoute parler. […] Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs.
Que penser de l’audace Philosophique, qui a osé lui attribuer l’assemblage de tous ses délires, en essayant de le faire passer pour l’Auteur du Systême de la Nature ? […] Quand on est assez aveugle pour ne rien voir de tout ce qui existe, ou pour n’en juger que comme des frénétiques dont les organes sont entiérement dépravés, n’est-ce pas le comble de l’ineptie, que d’oser s’ériger en Précepteurs du Genre humain ? […] Voilà les guides effrayans que les Philosophes osent substituer au flambeau de la Religion qu’ils outragent, & dont toutes leurs folles déclamations ne détruiront jamais l’autorité.
« Comment osez-vous dire que la Déification d'Aristarchus Masso est une infame Brochure ? […] Il faut être bien dominé par le penchant à adopter les anecdotes extravagantes, pour avoir osé dire qu'il étoit fils du grand Bossuet.
On n’ose plus être naturaliste ; on se défend de l’avoir été ; les plus ignorés eux-mêmes de ses disciples, les imitateurs qu’il ne se savait point, ont déjà commencé de trahir « le Maître. » Déjà, l’auteur de Charlot s’amuse et celui du Bilatéral, déjà MM. […] Oui ; si l’on savait peut-être que le commencement et la fin de son naturalisme, que sa principale ou son unique originalité n’avait guère consisté qu’à imprimer tout crus dans ses romans des mots dont je gagerais qu’à peine ose-t-il se servir dans la liberté de la conversation, jamais pourtant il n’en avait encore imprimé de tels, ni rendu le nom même de naturalisme synonyme à ce point de ceux d’impudence et de grossièreté. […] Pour être paysan, on n’en est pas moins homme, et pour être homme, ce que j’ose assurer, c’est qu’il faut commencer par différer beaucoup des héros de M. […] C’est un thème que j’ose livrer aux méditations de M. […] Zola, comme il en a bien l’air, croyait peut-être qu’il n’y a rien de plus dans La Terre, que ni les mots n’y sont plus gros, ni les choses plus énormes que dans ses précédens romans, j’ose bien l’assurer qu’il se trompe, mais il ne se trompe, assurément aussi, que d’une nuance ou d’un degré.
Il osa taxer Quinaut d’ingratitude. […] Quelques-uns d’entr’eux osaient beaucoup plus qu’on n’avait osé jusqu’alors, & reprochaient à Bailé de n’avoir été que sceptique. […] Il osa lutter contre Corneille, il le vainquit dans un âge où c’eût été beaucoup d’oser le prendre pour guide. […] Nos Modernes ont osé davantage. […] On leur sut même gré de n’avoir pas osé davantage.
Arthur est écrit comme on n’écrit plus depuis l’abbé Prévost, et, osons le dire, depuis Laclos. […] Il faudrait transcrire (car sans cela je n’ose assez le louer) le récit d’Arthur, lettre xie , ce départ en automne par un temps triste, sur une route boueuse, ces misères du cantonnier qui casse son caillou du matin au soir, ces jurements et ces coups de fouet du roulier, ce réveil hideux d’une diligence qu’on rencontre, toute cette saleté, ce dégoût, cette nausée du mal dont est saisi l’oisif et le voluptueux, lui-même dévoré dans son cœur. […] Du temps d’Horace on eût osé écrire ce chapitre ; on n’ose plus maintenant. […] dis, en ces moments de suave pensée, Lorsqu’au pâle rayon dont elle est caressée L’âme s’épanouit, Comme ces tendres fleurs que le soleil dévore, Que le soir attiédit, et qui n’osent éclore Qu’aux rayons de la nuit ; Quand loin de moi, sans crainte et plus reconnaissante, Tu nourris de soupirs cette amitié naissante Et ce confus amour ; Quand sur un banc de mousse, attendrie et pâlie, Tu tiens encor le livre et que ton œil oublie Qu’il n’est déjà plus jour ; Quand tu vois le passé, tous ces plaisirs factices, Tous ces printemps perdus comparés aux délices Qui germent dans ton cœur ; Combien pour nous aimer nous avons de puissance, Mais que, même aux vrais biens, le mensonge ou l’absence Retranchent le meilleur ; Oh ! […] — Mais au moins, pour demain, belle Élise, N’est-il pas, n’est-il pas, vers cette heure indécise Où tout permet d’oser, N’est-il pas un sentier dans le myrte et la rose, Un bosquet de Clarens où le ramier se pose, Où descend le baiser ?
Le solitaire désire, mais pas assez fortement pour oser satisfaire son instinct de jouissance. […] Oser écrire ceci, à la fin du dix-neuvième siècle, me paraît une monstrueuse folie, ou plutôt une plaisanterie de mauvais goût… Aussi me semble-t-il vain d’insister sur cette étrange pensée jésuitique, d’autant plus que nous aurons à revenir plus longuement tout à l’heure sur les idées de M. […] Il n’est ni hauteur, ni obstacle, Ni distance, ni chemin, Ni témérité, ni folie, Que mon pied bondissant n’ose franchir d’un saut. […] Il faudrait pour oser cette confusion, partager l’opinion puérile de Lombroso sur l’homme de génie. […] J’ose à peine l’avouer au nouvel apôtre, mais il me semble que l’idéal qu’il nous propose, n’est pas fort éloigné de celui du moyen-âge catholique, avec ses couvents d’hommes et de femmes, où chaque sexe, en s’éloignant de l’autre, poursuivait, pour son compte personnel, les délices du ciel.
J’oserais dire à Raphael : oportuit hæc facere et alia non omittere. J’oserais dire qu’il n’y eut peut-être pas un plus grand poète que Raphael : pour un plus grand peintre, je le demande ; mais qu’on commence d’abord par bien définir la peinture. […] Si vous tentez l’apothéose du grand Henri, exaltez votre tête ; osez, jetez, tracez, entassez tant de figures allégoriques que votre génie fécond et chaud vous en fournira ; j’y consens.
Très jeune encore, comme les trente oppresseurs qui régnaient dans sa patrie faisaient traîner au supplice un citoyen vertueux, il osa seul paraître pour le défendre, et donna l’exemple du courage quand tout donnait l’exemple de l’avilissement. Après la mort de Socrate, dont il avait été le disciple, il osa paraître en deuil dans Athènes, aux yeux de ce même peuple assassin de son maître ; et des hommes qui parlaient de vertus et des lois en les outrageant, ne manquèrent pas de le nommer séditieux, lorsqu’il n’était que sensible. […] Il servit assez bien le roi de Perse pour mériter d’en être craint ; et ayant essuyé l’ingratitude et l’orgueil ordinaire aux grandes puissances contre les petites, il osa combattre le roi qu’il avait servi ; et avec ses seules forces, soutint pendant dix ans les forces de l’Asie.
Je lui ai fait des vers, ils sont là depuis deux ans ; je n’ai pas osé les lui envoyer. […] Douce femme que je voudrais oser nommer sœur 87 ! […] Comprenez-vous, monsieur, ce désespoir qui monte jusque sous les toits, qui heurte partout, qui demande au nom de Dieu et qui fait rougir d’oser manger, d’oser avoir chaud, d’oser avoir deux vêtements quand ils n’en ont plus ? […] On a beau masquer et recouvrir cela ensuite, c’est à désespérer les vivants. — Je n’aurai plus maintenant qu’à mettre à la suite les plaintes sans trêve, mais toujours humbles et soumises, de celle que j’ose appeler la Mater dolorosa de la poésie : « (A sa nièce, 1er avril 1853)… Ma bonne Camille, je te remercie de la tendre compassion de ton amitié. […] — Je n’ose pas plus que toi-même appuyer sur la terrible épreuve qui est maintenant accomplie sur la terre.