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989. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Ramée, jeune statuaire, plein de chaleur et d’enthousiasme, touchés l’un et l’autre du feu sacré, s’étaient mis en campagne ; ils avaient visité en pèlerins fervents et infatigables les monuments, les églises, les restes d’abbayes, et la théorie fondée sur l’observation était née ; elle avait apparu, un matin, lumineuse et manifeste. […] Le Théâtre de Hrotsvillia, religieuse allemande du Xe siècle, qu’il traduisit et commenta (1845), lui fournit un texte précieux pour grouper alentour ses observations et ses conjectures.

990. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

C’est l’homme considérant son semblable d’un regard désintéressé, au lieu de le gouverner d’une main tyrannique, ou de lui donner le change par d’amusantes folies ; cherchant à se démêler, et, comme dit Montaigne, « affamé de se cognoistre. » C’est l’homme à la fois observateur et sujet d’observation ; c’est enfin Montaigne lui-même, un des plus excellents esprits qui aient été, éprouvant à sa conscience, comme à une pierre de touche, tous les traits attribués à l’homme par toutes les philosophies et toutes les histoires. […] Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités.

991. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Je vous donne cette scène comme un modèle de conduite et d’observation mondaine. […] Une verve inextinguible, une observation pénétrante, des mœurs calquées à vif et toutes pareilles, dans leur vérité flagrante, à des empreintes de photographie morale colorées par l’art ; pas un hors-d’œuvre, pas une longueur, pas une scène qui languisse ou qui interrompe le mouvement d’intérêt, qui va s’accroissant et se renforçant jusqu’au dernier acte, dans un crescendo soutenu !

992. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Dans ce qu’il conte, en marchant, et en jetant des bouffées de sa petite pipe culottée, ça me paraît très bien arrangé, très bien architecturé… En cette improvisation parlée et jouée de son œuvre future, je suis frappé d’une chose qui me fait plaisir : son observation est en train de monter à la grande, à la sévère, à la brutale observation.

993. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Cette observation toute seule est déjà de quelque importance, j’oserai même dire d’un grand intérêt, si l’on veut bien faire attention que rien n’a plus nui au positivisme que le préjugé de son insuffisance ou de son impuissance métaphysique. […] Si nous nous sommes trompés, une observation plus attentive, une expérience plus étendue corrigeront tôt ou tard notre erreur.

994. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Je commence par une observation nécessaire, en avertissant d’abord qu’on ne doit pas confondre la monodie des anciens avec ce qu’aucuns appellent maintenant monologues : car, quoique la monodie soit une pièce de poésie chantée ou récitée par un homme seul, l’usage néanmoins la restreint pour signifier les vers lugubres qui se chantaient par l’un de ceux qui composaient le chœur en l’honneur d’un mort ; et l’on tient qu’Olimpe, musicien, fut le premier qui en usa de la sorte en faveur de Pithon, au rapport d’Aristoxène. […] La troisième observation touchant les monologues, est de les faire en telle sorte qu’ils aient pu vraisemblablement avoir lieu, sans que la considération de la personne, du lieu, du temps et des autres circonstances, ait dû l’empêcher.

995. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

De l’humeur dont je vous connais, une galanterie sur ces matières [galanterie veut dire badinage, un badinage sur ces matières] vous plaira plus que tant d’observations savantes et curieuses. Ceux qui chercheront de ces observations savantes dans les lettres que je vous écris se tromperont fort…, etc. » Voilà ce qui est bien du caractère domestique et familial.

996. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Cette histoire, où l’on ne sent pas seulement la fidèle observation des lieux, mais où perce aussi une vérité de fond et de récit, cette histoire commencée et finie au son du merveilleux carillon de Bruges, et où se déroule toute la vie d’enfance et de jeunesse de Catherine, de cette pauvre enfant « si cruellement meurtrie et de si bonne heure », intéressera.

997. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

» [Note de fin] Ce discours, bien simple et où je n’ai rien avancé que d’incontestable. m’a cependant attiré, je dois le dire, des observations et des réclamations de trois côtés à la fois : de l’Académie des Inscriptions, de l’Université et de l’Imprimerie impériale.

998. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

On est dédommagé par un bon nombre de justes et piquantes observations, présentées d’ordinaire sous forme d’ironie ; ainsi ce mot : « Lorsqu’on est heureux, il ne faut pas trop se demander pourquoi.

999. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Là il rencontre, comme Dante au vestibule de son Enfer, les cinq ou six poëtes souverains dont il est épris ; il les interroge, il les entend ; il convoque leur noble et incorruptible école (la bella scuola), dont toutes les réponses le raffermissent contre les disputes ambiguës des écoles éphémères ; il éclaircit, à leur flamme céleste, son observation des hommes et des choses ; il y épure la réalité sentie dans laquelle il puise, la séparant avec soin de sa portion pesante, inégale et grossière ; et, à force de s’envelopper de leurs saintes reliques, suivant l’expression de Chénier, à force d’être attentif et fidèle à la propre voix de son cœur, il arrive à créer comme eux selon sa mesure, et à mériter peut-être que d’autres conversent avec lui un jour.

1000. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Cette œuvre du loisir et du recueillement, où viendront sans doute contraster et se confondre en mille effets charmants ou sublimes la vérité et l’idéal, la raison et la fantaisie, l’observation des hommes et le rêve du poète, arrivée dans le monde réel, exposée aux regards de tous, enchantera les âmes et ravira les suffrages ; les esprits les plus graves, philosophes, érudits, historiens, se délasseront à la contempler, car l’impression d’une belle œuvre n’est jamais une fatigue ; les politiques surtout, en n’y cherchant que du plaisir, y puiseront plus d’une émotion intime, plus d’une révélation lumineuse, qui, transportée ailleurs et transformée à leur insu, ne restera stérile ni pour l’intelligence de l’histoire, ni pour les mouvements de l’éloquence ; la tribune et la scène, en un mot, rivales et non pas ennemies, pourront retentir ensemble et quelquefois se répondre.

1001. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

On aurait tort pourtant : il y a dans Champavert un fonds réel, beaucoup d’esprit, de l’observation mordante, du style ; je renvoie les sceptiques à Passereau qui est un plaisant conte, bien que les soubrettes y sachent le grec et l’art poétique, les cochers de cabriolet l’espagnol, les officiers de carabiniers le moyen âge, bien qu’on y dise la garde bourgeoise au lieu de la garde nationale ; oui, malgré tout cela, Passereau est un joli conte.

1002. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Gogol ; j’étais dans ce cas comme tout le monde ; j’avais un avantage pourtant que je réclame, c’était d’avoir rencontré autrefois, sur un bateau à vapeur, dans une traversée de Rome à Marseille, l’auteur en personne, et là j’avais pu, d’après sa conversation forte, précise, et riche d’observations de mœurs prises sur le fait, saisir un avant-goût de ce que devaient contenir d’original et de réel ses œuvres elles-mêmes.

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