La pureté de son intention, certes, personne n’en est plus sûr que moi ; mais quand il s’agit d’une de ces audaces d’observation qui ressemble presque à de l’irrévérence, la pureté d’intention sauve-t-elle tout, et suffit-elle pour entrer dans ce secret, gardé par l’Évangile, de l’espèce d’amitié qu’avait le Sauveur pour la Madeleine ?
Assurément on peut abuser de cette supériorité-là comme de toutes les autres ; car c’est une observation qui n’a pas été assez faite, que plus les facultés sont rares et grandes, plus l’usage en peut tourner vite à l’abus, apparemment par la raison qu’il est plus aisé de tomber, à mesure qu’on s’élève.
Non, on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles.
Qu’on se demande ce que les hommes qui ont pensé le plus fortement sur le cœur auraient dit et ajouté à leurs observations, s’ils avaient eu à leur convenance l’institution qui permet au plus simple des prêtres d’essuyer perpétuellement, de sa main consacrée, la sanie honteuse des plaies secrètes ?
Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous.
Seulement, je m’aperçus bientôt que les plafonds sous lesquels je voulais vivre étaient trop bas, et je revins presque immédiatement à l’observation élargie et à la grande nature humaine, hors de laquelle — comme en religion l’Église romaine — il n’y a pas, en littérature, de salut !
Ils sont tout ce qu’on voudra : des feuilletons, des causeries, de vieux jeux de cartes battus et rebattus avec plus ou moins d’adresse ; des entrelacements de ficelles plus ou moins redoublées et dénouées ; des pilules contre l’ennui, arrangées pour s’avaler d’une station à l’autre dans le mouvement d’un chemin de fer, mais ce ne sont pas des livres, des compositions ordonnées et réfléchies, des choses d’observation et d’art.
pas besoin d’un pareil aveu pour être bien certain que la main qui a tracé ces pages, où l’observation finit en satire, n’était pas cette main blanche du temps, calme et savante, de La Bruyère, — cette main doctorale dans son art comme celle du Poussin dans le sien.
Il a fort bien remarqué, ce qui n’est pas une observation qui traîne partout, que « le bon Ducis » n’adoucit pas. […] C’est exactement le rythme admirable d’Andromaque, la comédie qui a pour fondement l’observation et la tragédie qui a pour fondement l’observation, finissant toujours par se ressembler, par se rejoindre et par se placer, pour ainsi dire, sur le même plan. […] En vérité, j’en ai quelquefois assez de ces observations sur Racine où je ne vois que « art suprême dans la conduite des passions » — « naturel » — « observation » — « cœur humain » — « sensibilité ». […] Cette idée n’est nullement à mépriser, car, tout au moins, elle amène le poète ou le moraliste à étudier les mœurs humaines à un nouveau point de vue et sous un autre angle, et renouvelle ainsi l’observation, sinon l’art dramatique. […] Son théâtre était fait d’observation morale très pénétrante, d’action très simple et de style très pur.
Il a aussi ses moments d’observation. […] Il s’applique à l’observation et l’expression de cette petitesse. […] D’autres y trouveront quelque vérité de détail et d’observation. […] C’est dans le roman historique que le réalisme, l’observation des milieux, font leurs écoles. […] S’il avait vécu dans un siècle où le roman d’observation et d’analyse eût existé, La Bruyère eût écrit un livre de ce genre.
L’esprit d’observation et l’esprit d’invention, dont l’harmonie donne naissance au roman, bénéficient l’un et l’autre de conditions privilégiées : observation d’un sujet qui paraît si malléable et transparent, invention dont le ressort est le même que celui de la chose inventée, de la chose observée. […] De cette attentive sympathie, quoi de plus différent, d’abord, que l’ironie sèche et l’observation féroce d’un Flaubert et d’un Maupassant ? […] Il est faible, dans les deux cas, par défaut de volonté, de discernement, de discipline, non par défaut de moyens naturels, d’invention et d’observation. […] Mais tout le monde n’a pas le pied marin, l’observation et l’imagination marines. […] Les analystes romands « ne montrent pas la sociabilité aimable qui a tourné les moralistes et les romanciers français vers l’observation d’autrui ».
La Fayette (dans ses Souvenirs en sortant de prison 80) remarque, il est vrai, qu’on a poussé un peu loin le fatalisme dans les jugements sur la Révolution française, et cette observation, chez lui précoce, antérieure aux systèmes historiques d’aujourd’hui, bien autrement fatalistes, rentre trop dans ce que je crois vrai pour que je ne cite pas ses paroles : « De même, dit-il, qu’autrefois l’histoire rapportait tout à quelques hommes, la mode aujourd’hui est de tout attribuer à la force des choses, à l’enchaînement des faits, à la marche des idées : on accorde le moins possible aux influences individuelles. […] Le ton de ces observations, bien moins polémiques qu’apologétiques, se recommande tout d’abord par une modération digne, à laquelle, en des temps de passion et d’injure, c’est la première loi de quiconque se respecte de ne jamais déroger. […] mais il est une observation que je dois faire, parce qu’elle est commandée par mon amour inaltérable pour la liberté, par le sentiment profond que j’ai des devoirs d’un citoyen, et surtout d’un représentant français. […] Je doute peu qu’elle ne parvienne à se délivrer du joug étranger ; mais le résultat de mes observations ne m’autorise pas à espérer que ces provinces soient capables d’établir et de conserver un gouvernement libre… » Et il continue l’exposé vrai du tableau.
Celle de Bacon a produit des observations, des expériences, des découvertes, des machines, des arts et des industries entières. « Elle a allongé la vie, elle a diminué la douleur, elle a éteint des maladies ; elle a accru la fertilité du sol ; elle a enlevé la foudre au ciel ; elle a éclairé la nuit de toute la splendeur du jour ; elle a étendu la portée de la vue humaine ; elle a accéléré le mouvement, anéanti les distances ; elle a rendu l’homme capable de pénétrer dans les profondeurs de l’océan, de s’élever dans l’air, de traverser la terre sur des chars qui roulent sans chevaux, et l’océan sur des navires qui filent dix nœuds à l’heure contre le vent. » L’une s’est consumée à déchiffrer des énigmes indéchiffrables, à fabriquer les portraits d’un sage imaginaire, à se guinder d’hypothèses en hypothèses, à rouler d’absurdités en absurdités ; elle a méprisé ce qui était praticable ; elle a promis ce qui était impraticable, et, parce qu’elle a méconnu les limites de l’esprit humain, elle en a ignoré la puissance. […] Pour cela, il faut faire appel à l’observation personnelle du lecteur, partir de son expérience, comparer les objets inconnus qu’on lui montre aux objets connus qu’il voit tous les jours, rapprocher les événements anciens des événements contemporains. […] Cependant il observait avec une attention scrupuleuse tous les chemins par où les Macdonalds pourraient essayer de s’enfuir quand on donnerait le signal du massacre, et il envoyait le résultat de ses observations à Hamilton1389… La nuit était rude. […] Meanwhile he observed with minute attention all the avenues by which, when the signal for the slaughter should be given, the Macdonalds might attempt to escape to the hills ; and he reported the result of his observations to Hamilton.
J’affirmais donc avec raison que les leçons répétées sur les sciences, sur les belles-lettres, et sur les arts, ne servaient pas moins à former les professeurs que les personnes à qui leurs observations sont communiquées. […] C’est en lui que, dirigé par l’observation de la nature, je trouverai l’origine de la comédie, comme j’y trouvai par mes recherches le principe de la tragédie ; c’est aussi de là que je ferai sortir toutes les diversités du genre qui sera l’objet spécial de mes nouvelles séances. […] Je répète, à l’occasion de celle-ci, que l’examen de toutes ces diversités est essentiel ; car on conçoit qu’il serait absurde de juger d’une comédie qui n’exige que l’observation de six règles, comme de celle qui se complique de vingt-trois. […] « Ce ne sont, dit-il, que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes, et ce même bon sens, qui a fait autrefois ces observations, les fait fort aisément tous les jours sans les secours d’Horace et d’Aristote. […] À ces réflexions, relatives à la moralité nécessaire dans la direction du ridicule, unissez d’autres observations qui se rapportent à l’art théâtral.