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2371. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

En exerçant son intelligence sur un plus petit nombre d’objets, il est arrivé à les connaître plus profondément. […] Celui qui détourne les yeux du livre de sa conscience, qui redoute le passé comme une ombre menaçante, qui n’ose pas regarder face à face les joies qu’il a saluées comme éternelles, les douleurs qu’il a proclamées inconsolables, et qui ne sont plus pour lui qu’un objet de pitié, se condamne à ne voir jamais finir l’enfance de son cœur. […] L’objet de cet amour mystique auquel Raphaël est préparé par la solitude et la rêverie n’est pas dessiné avec moins de puissance et d’habileté. […] L’expression d’une pensée vraie, d’une émotion sincère, ne peut devenir l’objet d’une profession fructueuse : il faut donc laisser aux dupes ce puéril passe-temps.

2372. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On est surpris de tant de jets d’eau qu’on voit de toutes parts à perte de vue ; et l’on est charmé, tant de la beauté des objets que de la senteur des fleurs et du ramage des oiseaux, qui sont dans les volières et parmi les arbres.

2373. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Ici on sent que rien n’a été fait sur l’antiquité, en dehors de l’archéologie, et qu’il manque un résurrectionniste de cette antiquité, à la façon d’un Michelet, pour l’histoire de France… La belle besogne pour un malade de Paris, pour un jeune blessé de la société moderne, de venir s’enterrer ici, de faire une suite de monographies qui s’appelleraient le Panthéon, le Colisée… ou mieux, s’il en avait la puissance, de reconstituer, dans un grand et gros livre, toute la société antique, et s’aidant des musées, de tout le petit monde de choses et d’objets qui a approché l’homme ancien, le montrerait comme on ne l’a pas encore montré, — et, avec la strigille accrochée dans une vitrine, vous ferait toucher la peau de bronze de la vieille Rome.

2374. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Nulle part on ne sent l’étude de la nature, nulle part le désir d’appliquer exactement le mot sur la chose ; les descriptions sont vagues, sans intérêt, et n’évoquent pas les objets qu’elles devraient représenter ; le style passe de l’afféterie la plus maniérée à la boursouflure la plus asiatique, et rien n’est plus désagréable que ce mélange du mignard avec le gigantesque : les comparaisons ne se rapportent pas aux choses qu’elles expriment, et détruisent l’effet des vers qui les précèdent. » Je m’arrête, mon ami, je n’ai pas assez d’haleine pour vous dire quatre pages de critique, et surtout lorsque cette critique frappe un de mes meilleurs amis.

2375. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Tout autour les troupes étaient éblouies en voyant l’éclat et la merveille aimable de cette beauté sans défaut, et personne n’osa l’attaquer de traits méchants ni en arrière ni en face, mais ils la regardaient comme une divinité, avec délices ; car elle leur apparut à tous comme l’objet désiré. » — Comme pour compléter le récit de Quintus, un admirable bas-relief3 nous montre Hélène rentrant à Sparte sur son char, avec Ménélas, non en captive, mais en triomphatrice, l’air assuré, l’attitude haute, et tenant d’un geste royal les rênes du quadrige. […] Voilà l’objet de leurs souhaits ! […] Le cérémonial supprimait la volonté et le libre arbitre : il agissait comme une mécanique qui fait passer par tous ses rouages l’être ou l’objet mis à sa portée, sans plus s’inquiéter des convulsions de l’homme que de l’inertie de la chose.

2376. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

On voit que l’Ecole, objet de tant de débats, possède quelque vitalité et qu’elle tend à s’organiser pour le mieux. […] Ghil parlait un peu en détail du but poétique qu’il vise, mais quel artiste ne succombe pas à la tentation de revenir sans cesse à l’objet de ses travaux ?

2377. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Les nerfs de la femme s’exaltent ; elle accepte les emblèmes, enlève ses gens de son élan et culbute l’ennemi ; et dès lors elle entre dans la joie d’orgueil et de puissance ; elle s’assimile, par la domination de son esprit plus complet, le chapelain du château ; ses prêches, c’est elle qui, de sa place, par son regard, les lui dicte ; elle domine les gens de guerre par l’or qu’elle leur abandonne et les objets et les détails qu’elle leur fait aimer ; pour sa joie profonde elle entreprendra la science de l’avenir. […] Le rôle exact ici du Palais hanté ce serait à la fois de concrétiser et d’affiner l’idée principale de Poe : la concrétiser en la présentant sous un symbole plus simple, plus facile à reconnaître, car l’introduction de ces vers est un appel, un avertissement à l’âme du lecteur prévenu par la tradition que le lyrisme est la traduction des vérités essentielles ; l’affiner en ce que la vérité qui fait l’objet du récit, de l’allégorie, du symbole complexe et revêtant les apparences et le milieu d’un fait de vie, se présente en ce court poème dépouillée des laborieux apprêts sous lesquels le premier état de cette vérité se présente. […] Des notations d’abord d’objets et, relatifs à ces objets, des mots étranges, des noms propres bizarres qui ont frappé la jeune imagination, le grossissement de la nature, le rapport que l’enfant fait de tout, arc-en-ciel, fleur ou mer, à ce qui le touche le plus immédiatement, et puis les livres et les images, leurs fastes, et leur sentimentalité, et l’instinct éveillé chez l’enfant, un petit monde visionnaire qui se lève en lui et que détruit la parole bienveillante et ennuyeuse de la sollicitude des parents.

2378. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Là dedans, entre un lit, une chaise et une table, trois uniques objets : 1º une malle, où sont collectionnés tous les articles, où on le traite de drôle, et qu’il relit pour s’exalter ; — 2º une forme pour ses souliers que déforment ses monstrueux oignons, et qu’un cordonnier charitable lui a donnée ; — 3º une petite boîte en fer-blanc, dans laquelle il va chercher son manger chez un rôtisseur du quartier, selon le jour — et il possède parfaitement cette notion — selon le jour, où le rôtisseur d’à côté sert une plus grosse portion, que le rôtisseur de la rue voisine.

2379. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il n’y a que le comédien médiocre qui soit excellent tous les jours, à toute heure, au moment venu, quand tout est bien mesuré, combiné, appris, ordonné dans sa tête ; il n’y a que celui-là qui retrouve, à l’heure dite, la voix, la pose et le geste qui lui ont réussi une première fois ; une glace ne montrerait pas les objets avec une plus édifiante précision. […] quel est donc cet objet fortuné ? […] Il nous semble même que le Moncade de Baron, ou le chevalier de d’Ancourt, seraient plus comiques si on nous les montrait enfin, amoureux pour leur propre compte, partagés entre leur amour et leur avarice, et traités par l’objet de leur passion, comme de vrais va-nu-pieds !

2380. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

En voici un exemple : LE PÈRE MILON (p. 83 à 92) Mais je retrouve dans le fouillis des bibelots usés ces vieux petits objets insignifiants, qui ont traîné pendant quarante ans à côté de nous, sans qu’on les ait jamais remarqués, et qui, quand on les revoit tout à coup, prennent une importance, une signification de témoins anciens. […] Et je vais de l’un à l’autre avec de légères secousses au cœur ; je me dis  : « Tiens j’ai brisé cela, le soir où Paul est parti pour Lyon » ; ou bien  : « Voilà la petite lanterne de maman, dont elle se servait pour aller au Salut, les soirs d’hiver. » UNE VIE (p. 294, 295) Elle apercevait mille bibelots connus jadis et disparus tout à coup, sans qu’elle y eût songé, ces vieux petits objets insignifiants qui avaient traîné quinze ans à côté d’elle, qu’elle avait vus chaque jour sans les remarquer et qui, tout à coup, retrouvés là dans ce grenier, à côté d’autres plus anciens dont elle se rappelait parfaitement les places aux premiers temps de son arrivée, prenaient une importance soudaine de témoins oubliés, d’amis retrouvés. […] L’auteur des Diaboliques n’a jamais cessé d’être l’objet de son culte et de ses regrets.

2381. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

J’ai vu des citoyens paisibles tout à coup assaillis par une horde de brigands ; le sexe le plus intéressant et le plus faible devenu l’objet d’une persécution féroce, nos femmes et nos filles traînées dans les boues de nos rues, publiquement fouettées et horriblement outragées.

2382. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Tout entière à la douleur qu’elle tente d’exprimer, l’intelligence ne s’aperçoit pas que les objets grandissent sous son regard ; elle les représente tels qu’elle les voit, et ne sait pas qu’elle s’élève au-dessus de la réalité. […] Dès que la déclamation s’est résolue à grossir les objets qu’elle représente, il n’y a plus pour elle ni trêve ni repos ; elle s’enivre de sa parole, et chaque fois qu’elle ouvre la bouche, c’est pour s’éloigner de plus en plus de la réalité qu’elle veut peindre.

2383. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

De près ou de loin, l’œil distrait ne se rendait pas bien compte des objets, mais l’âme en recevait une douce impression.

2384. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Si avant M. de Polignac quelqu’un eût pu penser que cet article donnait au roi le droit de supprimer la Charte, c’eût été l’objet d’une perpétuelle protestation ; or personne ne protesta ; car personne ne pensa jamais que cet insignifiant article contînt le droit implicite des coups d’État.

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