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543. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Deux heures après, le domestique venait chercher Lavoix, pour porter le mort sur son lit. Sa tête était tombée sur des épreuves fraîches du dictionnaire de Robert Estienne, qu’il corrigeait, et la sueur de la mort avait imprimé quelques caractères des épreuves sur son front. […] Lavoix, mort hier d’une congestion cérébrale… Il faut que les vieux amis de la princesse se retiennent à la rampe. […] Demailly tombe mort ou mourant, pendant que sa femme continue à danser. […] Du reste m’étant couché ce matin à trois heures, je suis mort de fatigue, et n’ai qu’une vague conscience de ce qui se passe.

544. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Celui dont elles ont jugé la sensibilité et les connaissances proportionnées à leur tempérament et à leur caractère ; celui auquel elles ont révélé les secrets d’une constitution faible et délicate ; celui qu’elles ont en même temps chargé de la conservation de leurs enfants, et des mains duquel elles les ont reçus, est devenu pour ainsi dire nécessaire à leur existence ; le perdre est un malheur qu’elles ressentent vivement : que l’on juge d’après cette réflexion des regrets que la mort de M.  […] On peut se demander (et il le faut même pour avoir une idée précise de l’homme) quels étaient les sentiments philosophiques de Vicq d’Azyr sur la mort, sur la vie, sur Dieu, sur la Providence, toutes questions que les hommes de son temps étaient si prompts et si décisifs à trancher. […] Faut-il maintenant s’étonner qu’à la mort de Buffon, l’Académie française, ou plutôt la société parisienne tout entière qui allait entendre les éloges de Vieq d’Azyr comme elle allait applaudir au Lycée les leçons de La Harpe, aient désigné d’une commune voix l’éloquent médecin pour succéder au roi des naturalistes et pour le célébrer ? […] La reine elle-même venait, à la mort de Lassone, de choisir Vicq d’Azyr pour son médecin ; tout le favorisait, et, à peine arrivé à l’âge de quarante ans, il se voyait, dans toutes les directions, au sommet de la plus belle et de la plus enviable carrière. […] L’Éloge de Franklin qu’il prononça en ces années (14 mars 1791) eut de la célébrité ; on en a retenu le début : « Un homme est mort, et deux mondes sont en deuil… » Cet éloge, qui n’a jamais été imprimé, fut le chant du cygne de l’orateur.

545. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

On n’attend pas même les cinquante ans d’épreuves et de quarantaine ; on est type à bout portant et dès le lendemain de sa mort ; Alfred de Musset, type ; Henri Heine, type ; Balzac, type ; Eugénie de Guérin, type. […] Venez, charmantes messagères, c’est à présent que j’ai besoin de vous. — Vous le voyez, ma chère, je parle au papier, je veux tout supplier, plume, encrier, et ces petits doigts qui font les morts à présent : n’aurez-vous pas pitié de moi ?  […] Par pressentiment d’abord, par fidélité ensuite et piété funèbre, elle pense à la mort toujours. […] Pas moyen d’y tenir quand, après les vœux, la jeune professe s’allonge sous ce drap mortuaire aux chants des morts, des enterrements ; mais comme la religion est aimable ! […] Le monde, rien dans le monde ne vaut ce qui se passe sous ce drap des morts couvert de fleurs.

546. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Quelle voix d’orgueil et de perdition peut nous inciter à jouir et à savoir, quand vivre signifie expier, quand la mort seule peut nous ouvrir les portes de la connaissance ? […] Le bonheur suprême, c’est de quitter les bas-fonds de la vallée pour parvenir au sommet de la montagne ; la mort nous fait accomplir cette ascension. Voilà pourquoi je dis que la conception catholique est, par sa nature même, anti-vitale, puisqu’elle anéantit en nous tout ce qui constitue la vie, qu’elle nous oriente vers la mort, qui est, suivant elle, la porte de la vraie vie. […] Le souffle de la mort a passé par là. […] C’en est fini de la toile immuable de mort.

547. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France 9 septembre 1884 Quelle fatalité, Messieurs, que la mort soit venue prendre parmi nous le plus jeune, le plus désigné pour les grandes œuvres, le plus aimé ! […] L’incapacité du travail, c’était pour lui la mort. […] La perspective de vivre sans travailler lui parut un cauchemar plus affreux que la mort.

548. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

Le 9 mars 1661, et elles sont suspendues par la mort de Mazarin. […] Après la mort du cardinal en 1662, le duc de Bouillon épousa Marie-Anne Mancini. […] Depuis la mort de Mazarin, il voyait tout, il faisait tout au dedans et au dehors.

549. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Bossuet, [Jacques-Benigne] Evêque de Meaux, de l’Académie Françoise, né à Dijon en 1627, mort à Paris en 1704, le premier modele que nous ayons eu d’une éloquence égale & quelquefois supérieure à celle des plus célebres Orateurs Grecs & Latins. […] Présenter des tableaux qui touchent, qui épouvantent, qui éclairent ; annoncer la vérité, confondre l’orgueil, apprécier les grandeurs, ne point dissimuler les foiblesses ; instruire les vivans au milieu des trophées de la mort ; voilà quel doit être le but de ces sortes de Discours, & celui que l’Evêque de Meaux a rempli avec une supériorité qu’il conservera peut-être toujours. […] Bouchenu de Valbonnai, [Jean Pierre] Premier Président de la Chambre des Comptes du Dauphiné, né à Grenoble en 1651, mort en 1730, seroit inconnu dans la République des Lettres, si M. de Voltaire ne l’eût placé dans la liste des Ecrivains du siecle de Louis XIV.

550. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

FRERON, [Elie-Catherine] des Académies d’Angers, de Montauban, de Marseille, de Nancy, d’Arras & des Arcades de Rome, né à Quimper en 1719, mort à Paris en 1776. Est-il permis d’espérer que ce Journaliste puisse jamais trouver d’autres défenseurs, que M. son fils, après les anathêmes lancés contre lui, durant sa vie & depuis sa mort, par nos Littérateurs les plus célebres ? […] il auroit pu alors impunément attaquer les Grands Hommes, donner des Brevets d’honneur aux petits, en obtenir un pour lui-même, & espérer de figurer, après sa mort, dans le Calendrier des véritables Gens de Lettres.

551. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

Agamemnon, il est vrai, exige d’Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaïre que d’oublier son amour ; mais pour une femme passionnée, vivre, et renoncer à l’objet de ses vœux, c’est peut-être une condition plus douloureuse que la mort. […] Le Père Brumoy a remarqué qu’Euripide, en donnant à Iphigénie la frayeur de la mort et le désir de se sauver, a mieux parlé, selon la nature, que Racine, dont l’Iphigénie semble trop résignée. […] Ce ne sont pas toujours les choses purement naturelles qui touchent : il est naturel de craindre la mort, et cependant une victime qui se lamente sèche les pleurs qu’on versait pour elle.

552. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Quinault, intitulée le faux Tiberinus , où le poëte suppose que Tiberinus roi d’Albe étant mort dans une expedition, un de ses generaux, afin d’empêcher le découragement des troupes, dérobe à leur connoissance la mort du roi. […] Son pere suppose encore, pour mieux cimenter l’imposture, que le roi mort a fait tuer secretement Agrippa.

553. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

L’homme touffu (Dyerma) Un père de famille, à sa mort, laissa deux orphelins, un fils appelé Daouda et une fille du nom d’Aïssata. […] S’il te rencontrait ici, tu serais un homme mort ». […] Daouda cessa aussitôt son travail de culture, rentra dans la case prendre ses armes et revenant, l’arc tendu et le carquois à l’épaule, il dit à sa sour : « Je vais les tuer tous, à l’exception d’un seul qui ira annoncer la mort de ses compagnons à celui qui les a envoyés ici ».

554. (1896) Études et portraits littéraires

Et qu’est-ce qui ressemble plus à un cadavre qu’un bateau mort ! […] Si jamais Loti est ramené à la foi, ce sera par l’effroi de la mort. […] Le roi qu’il a servi est mort en exil. […] Car le glacier rend ses morts, comme la mer. […] Et il lui semblait qu’il était mort de fait.

555. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Détesté et haï de tout temps, il était exécré et abominé au moment de sa mort. […] Par une conjecture toute contraire, et qui éloigne l’idée de disgrâce, cette mort, arrivée dans les circonstances les plus malencontreuses et au fort d’une guerre, fit dire de lui « qu’il aurait fallu ou qu’il ne fût point né, ou qu’il eût vécu plus longtemps », lui seul étant en état, par ses talents, de porter le poids d’une si grosse affaire qu’il avait préparée et suscitée. […] Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier. » Ainsi parlait Louvois à Messieurs les gens de qualité qui étaient en faute pour le service. — Louvois, mort, n’eut point les honneurs de l’oraison funèbre, comme tant d’autres (à commencer par son père, Michel Le Tellier), qui ne valaient certes pas mieux que lui par le caractère, et qui ne l’égalaient pas en génie. […] Mme de Sévigné écrivait à M. de Coulanges, le 26 juillet 1691 : « Le voilà donc mort, ce grand ministre, cet homme si considérable, qui tenait une si grande place ; dont le Moi, comme dit M.  […] Voilà le second ministre (l’autre était M. de Seignelai) que vous voyez mourir depuis que vous êtes à Rome ; rien n’est plus différent que leur mort, mais rien n’est plus égal que leur fortune et leurs attachements, et les cent mille millions déchaînés qui les attachaient tous deux à la terre. » Elle ne croyait donc pas, quand elle écrivait ceci et qu’elle le montrait si ancré et comme rivé au sommet de la fortune, que cette mort soudaine n’eût fait que le sauver d’une disgrâce.

556. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Enfin, lui mort, le choix royal se porta sur le plus beau, le plus éloquent, le plus avenant et le plus habile des prélats du royaume, Harlay de Champvallon, et en sa personne Louis XIV put croire d’abord avoir donné à la capitale le pasteur le plus digne et le plus fait pour concilier le respect et l’affection, en même temps que lui-même il avait mis certainement la main sur son ministre ecclésiastique le plus souple et le plus capable de le servir. […] Un jour, peu d’années avant sa mort, on lui annonce, à l’archevêché de Paris, qu’un vieux prêtre tout brisé par l’âge est à la porte du palais, qu’il demande à le voir, et se dit un de ses anciens amis, venu exprès à Paris pour lui faire un dernier adieu : c’était le curé de Courbépine, du diocèse de Lisieux. […] L’archevêché de Paris devint vacant par la mort de M. de Péréfixe. […] La mort du chancelier Séguier, qui survint sur ces entrefaites (1672), excita au plus haut degré son espérance. […] Nouvel Éloge de Messire François de Harlay, etc., publié le 6 d’août 1696, jour anniversaire de sa mort.

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