/ 2289
240. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La conscience morale de la société se retrouverait tout entière chez tous les individus et avec une vitalité suffisante pour empêcher tout acte qui l’offense, les fautes purement morales aussi bien que les crimes. […] Mais, pour que ces transformations soient possibles, il faut que les sentiments collectifs qui sont à la base de la morale ne soient pas réfractaires au changement, par conséquent, n’aient qu’une énergie modérée. […] Il faut que l’autorité dont jouit la conscience morale ne soit pas excessive ; autrement, nul n’oserait y porter la main et elle se figerait trop facilement sous une forme immuable. […] Que de fois, en effet, il n’est qu’une anticipation de la morale à venir, un acheminement vers ce qui sera ! […] Car il servait à préparer une morale et une foi nouvelles dont les Athéniens avaient alors besoin parce que les traditions dont ils avaient vécu jusqu’alors n’étaient plus en harmonie avec leurs conditions d’existence.

241. (1864) Le roman contemporain

Cette question est ici à sa place naturelle, car il s’agit de l’influence morale et sociale du roman. […] C’est plus qu’une influence morale, c’est une fatalité morale qu’elle attribue à la famille, à l’éducation, à toutes les circonstances du foyer et des premières années de la vie. […] Feydeau n’est pas moins sévère, non pas, bien entendu, envers lui-même, mais envers la critique et la morale. […] Il subtilise sur toute chose ; les devoirs tels que les impose la morale religieuse ne lui suffisent pas, il les exagère. […] Voilà la morale et la philosophie que vous y trouverez développées.

242. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Guérir était considéré comme une chose morale ; Jésus, qui sentait sa force morale, devait se croire spécialement doué pour guérir. […] Un simple sorcier, à la manière de Simon le Magicien, n’eût pas amené une révolution morale comme celle que Jésus a faite. […] Mais la direction toute morale et nullement politique du caractère de Jésus le sauvait de ces entraînements.

243. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

… Tout cela est incontesté aujourd’hui et demain sera incontestable, et nous le laisserons à qui fait la cour à la gloire en lui faisant écho, pour prendre seulement un détail de ces lettres, un détail entre mille, parce que ce détail donne à leur publication une spécialité de saveur morale et une nuance de beauté littéraire que nous n’avons jamais trouvées à un égal degré dans les autres Correspondances de Joseph de Maistre, et sur lequel, pour cette raison même, nous demandons la permission d’insister. […] Voilà la saveur morale de cette correspondance, mais la beauté morale qu’elle atteste a fait leur beauté littéraire. […] Quelle plus belle leçon de rhétorique donnée par la morale à la littérature, qui probablement n’en profitera pas !

244. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard Dictionnaire des Proverbes ; Étude sur les Proverbes, historique, littéraire et morale. […] Quitard est un antiquaire à sa façon, — un antiquaire non plastique, mais verbal, — qui fait des fouilles, non dans la vile argile, mais dans l’histoire et la langue, — et encore non dans l’histoire écrite, mais dans l’histoire orale, dans la tradition par toute voie, — pour nous déterrer ces apophtegmes, ces aphorismes, ces axiomes de morale universelle qui valent mieux, à coup sûr, que des médailles de bronze, des vases étrusques, des torses de Vénus cassés ; car la plastique ne vient qu’après l’histoire, si vous voulez bien le permettre, et la forme n’emporte le fond que pour… Brid’oison ! […] Son Dictionnaire 18 était précédé, en 1842, d’une préface dans laquelle on voyait très bien qu’il sentait l’importance de la science à laquelle il s’était dévoué, mais son Étude sur les proverbes, historique, littéraire et morale 19, prouve beaucoup mieux qu’il sait penser sur ce qu’il aime et ajouter à ses recherches des manières de voir toujours sensées et souvent fines… Or, c’est précisément pour cela, c’est à cause de ses perspicaces facultés historiques, qui dominent les autres chez Quitard, que je m’étonne de rencontrer dans son livre une opinion sur l’origine des proverbes plus générale qu’examinée, et plus badaude que vraiment digne de la sagacité d’un historien. […] En lisant son Étude historique, littéraire et morale, sur les proverbes, qui est un véritable traité ex professo sur la matière, et cet amusant Dictionnaire, que le duc de Richelieu n’aurait pas fait lire à son fils comme celui de l’Académie quand il le mettait en pénitence, on regrette vivement que le tempérament — sinon les connaissances — ait manqué.

245. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 13-14

Qu’il n’ait point fait les Lettres d’Asi à Zurac, celles du Colonel Talbert, le Traité de Morale que nous lui avons attribués [d’après l’Auteur de la France Littéraire], peu importe au Public, & encore moins à sa réputation. […] Il est vrai que la maniere de penser, de disserter, de moraliser, est un titre assuré pour plaire aux tristes Penseurs de notre temps ; mais encore faudroit-il savoir assaisonner ses pensées, ses dissertations, sa morale, les embellir des graces du style, & les présenter ainsi parées au Lecteur, qui n’estime que ce qu’il peut goûter.

246. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même, ils disent qu’il est dangereux de mettre, de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne ne sont que des chimères, puisqu’elles n’ont que de mauvaises fins. […] Cousin n’aime pas M. de La Rochefoucauld ; il se pique d’être lui-même d’une philosophie morale spiritualiste très supérieure ; il se réjouit, en cette occasion particulièrement, de surprendre le défenseur de la théorie de l’amour-propre en flagrant délit de vanité littéraire. […] philosophe spiritualiste, champion désintéressé de la morale du devoir, éloquent apôtre du Beau, du Bien et du Vrai, je te prends la main dans le sac ; quand ta passion favorite est enjeu, tu ne te gênes pas plus que cela !

247. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Vos professeurs de philosophie vous ont exposé la théorie selon laquelle la morale se confondrait avec l’intérêt bien entendu. Ils l’ont jugée imparfaite, mais ils ont dû ajouter que cette morale-là coïncide pourtant, sur bien des points, avec la morale du cœur.

248. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Les gens de lettres doivent bien se persuader que la littérature de tous les temps reçoit des directions inévitables des mœurs régnantes dans la nation, et que c’est une des lois du mouvement en politique et en morale, d’amener à la suite d’une longue période de dissolution, une période de réserve affectée et de pruderie. […] Quand une nation se repose après une révolution ou après de grandes dissensions, le parti victorieux s’applique encore quelque temps après la victoire à exercer une espèce de vengeance morale sur les opinions qui régnaient avant le combat ; il réprouve tout le système des anciennes idées, des anciens principes en morale, en littérature, en philosophie, même dans les arts.

249. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Il rejette avec mépris les fables olympiennes et toutes les formes des dieux du vulgaire ; il rejette avec plus de mépris encore l’athéisme, cécité morale. […] C’est la théorie de la justice et de la morale absolue appliquée au gouvernement des sociétés politiques. […] La législation, selon lui, n’était que la nature morale de l’homme bien interrogée, bien écoutée, bien rédigée selon les circonstances spéciales et les vrais intérêts du peuple romain. […] On s’accorde donc dans tous les siècles à regarder ce livre des Devoirs comme le traité de morale le plus éloquent qui fut jamais écrit. […] Fénelon a sa morale, mais il n’a pas sa vigueur.

250. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Mais c’est particulièrement dans la philosophie morale que Kant a combattu le sensualisme du xviiie  siècle, sans revenir au mysticisme du moyen-âge. […] L’idée du devoir est le centre de la morale de Kant, et sa morale est le centre de sa philosophie. Les doutes que peut laisser une métaphysique sévère, la morale les résout, et sa lumière éclaire à la fois et la religion et la politique. […] Enfin, l’idée du devoir implique encore l’idée du droit : mon devoir envers vous est votre droit sur moi, comme vos devoirs envers moi sont mes droits sur vous ; de là encore une morale sociale, un droit naturel, une philosophie politique, bien différente et de la politique effrénée de la passion et de la politique tortueuse de l’intérêt. […] Le plus qu’il me sera possible, je laisserai Kant s’expliquer lui-même ; j’analyserai successivement les divers monumens célèbres qui renferment son système entier : d’abord la Critique de la Raison pure, qui contient sa métaphysique, puis la Critique de la Raison pure pratique, qui contient sa morale ; enfin, deux ou trois autres écrits qui développent la Critique de la Raison pure pratique, et transportent les principes généraux de la morale kantienne dans la morale privée, dans la morale sociale et dans le droit public.

251. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 498-499

Une assez juste connoissance de la Morale & de la Politique, plus d’esprit que de talent, plus de finesse que de raison, plus de sentiment que d’imagination, de la facilité pour écrire en Vers & en Prose avec intérêt & avec élégance, sont les principaux traits qui caractérisent les Ouvrages de cet Ecrivain. […] Pesselier sont des Lettres sur l’éducation, semées, par intervalles, de réflexions sensées, de vûes utiles, de morale solide & bien discutée : on désireroit seulement qu’il y eût moins sacrifié la justesse des pensées à la finesse de l’expression & du sentiment : une Idée générale des Finances, & des Doutes proposés à l’Auteur de la Théorie de l’Impôt.

252. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 214-215

Sa plume s’est également exercée sur la Controverse, sur la Morale, sur les Ouvrages de piété. […] Si l’Ecrivain n’y est pas politique aussi profond, que l’esprit actuel des Gouvernemens semble l’exiger, les vûes y sont du moins saines, les principes sagement discutés, les réflexions justes & lumineuses, la morale utile & irréprochable.

253. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Voilà les grands de chair, des fats, des gens sans idée, sans morale, qui ont bien peu fait pour l’humanité. […] Il n’y a de majesté que celle de l’humanité vraie, celle de la poésie, celle de la religion, celle de la morale. […] Elles ne seraient que la morale elle-même, plus ou moins belle, plus ou moins harmonieuse, selon que les individus seraient plus ou moins heureusement doués. […] La grande supériorité morale du christianisme nous fait trop facilement oublier ce qu’il y avait dans le mythologisme grec de largeur, de tolérance, de respect pour tout ce qui est naturel. […] Ces religions ne sont, au fond, que l’État, la famille, l’art, la morale, élevés à une haute et poétique expression.

/ 2289