Albérich est un voleur qui espère, grâce à l’or et aux autres métaux que renferme la terre, se conquérir le monde ; il n’est aucunement question de ce que « celui seul qui maudit l’amour saura se servir de l’or ». […] Et ce Bayreuth, dans lequel l’influence personnelle de Wagner, que rien au monde ne saurait remplacer, vit encore dans la personne de sa veuve, — ce Bayreuth où se trouve réuni pour la haute direction des œuvres à représenter un ensemble d’hommes qui ont été formés par Wagner lui-même, qui connaissent ses intentions dans chaque détail, — ce Bayreuth ne vit que par le dévouement de ces quelques personnes, et dépend pour son existence des hasards de chaque année. […] Dans ses écrits, comme dans ses drames, Wagner est l’auteur du monde qu’on peut le moins apprendre à connaître par des fragments ; tout se tient à tel point cher lui, tout est si organique, et si peu artificiel dans la disposition, que des fragments ne peuvent jamais enseigner sa pensée et peuvent souvent le faire dire le contraire. […] Toute cantatrice en appétit de millions, remorquée à travers l’ancien monde et le nouveau par des banquiers juifs ou des colonels américains, fait alterner sur ses affiches le rôle d’Elsa et celui de Lakmé. […] qui à la première représentation de Parsifal en 1882, s’écriait : « Il n’y a pas au monde de pires imbéciles que ces enthousiastes wagnériens !
Nous avons ainsi à la fois le sentiment d’une infériorité physique qui nous affaisse et le sentiment d’une supériorité morale qui nous relève ; nous mourons pour ainsi dire dans le monde sensible et renaissons aussitôt dans le monde intelligible, c’est comme le sentiment d’une résurrection sous forme d’éternité : sub specie æterni. […] L’étude qui précède nous paraît aboutir à des conséquences non moins importantes pour la théorie des mœurs que pour la théorie de l’homme et celle du monde ; résumons-les en formules succinctes. […] D’où il suit que, chez l’être vivant, la douleur n’est pas, comme l’ont cru certains pessimistes, le principe même de l’action intérieure et du vouloir, mais seulement celui de la réaction sur le monde extérieur. Ces résultats de la science psychologique pourraient s’étendre à la théorie générale du monde : nous en induirions que le moteur unique de l’évolution universelle n’est pas la peine. […] La douleur n’est donc point, comme le soutiennent Schopenhauer et de Hartmann, l’éternelle et irrémédiable condition des êtres, sorte de damnation, enfer d’où le monde ne pourrait sortir que par l’anéantissement de soi.
Baudelaire, cet esprit mal venu dans ce siècle de mercantilisme, ce mal appris qui abominait le commerce, se lamentait de ce que lorsque : Le poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes, Crispe ses poings vers Dieu qui la prend en pitié. […] « Je suis prêt, dit-il, dans sa profession de foi aux électeurs, à dévouer ma vie pour établir la République qui multipliera les chemins de fer… décuplera la valeur du sol… dissoudra l’émeute… fera de l’ordre, la loi des citoyens… grandira la France, conquerra le monde, sera en un mot le majestueux embrassement du genre humain sous le regard de Dieu satisfait. » Cette république est la bonne, la vraie, la république des affaires, qui présente « les côtés généreux » de sa devise de 1837. […] Il ne remarque pas qu’il grandit cet individu, au lieu de le rapetisser, en lui attribuant une force d’initiative propre, telle qu’elle serait sans exemple dans l’histoire du monde. » Mais en magnifiant, sans s’en douter, Napoléon le Petit en Napoléon le Grand, en empilant sur sa tête les crimes de la classe bourgeoise, Hugo disculpe les républicains bourgeois qui préparèrent l’empire et innocente les institutions sociales qui créent l´antagonisme des classes, fomentent la guerre civile, nécessitent les coups de force contre les socialistes et permettent les coups d’État contre la bourgeoisie parlementaire. […] En 1831, un débat scientifique passionna l’Europe intellectuelle : Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire discutaient sur l’origine et la formation des êtres et des mondes. […] Son cœur lui disait que Victor Hugo, il poeta sovrano, aurait désapprouvé cette mesure ; lui qui, pour rien au monde, n’aurait retardé de vingt-quatre heures l’encaissement de ses rentes et de ses créances.
C’est beaucoup Wells qui a causé cette renaissance passagère et nos romanciers ne semblent avoir retenu de l’auteur de la Guerre des Mondes que ses procédés d’invention, que son amour de fantastique. […] Mais il faut lui savoir gré, connaissant la sagesse humaine, d’avoir compris que l’ironie est maîtresse du monde. […] À force de s’exclamer que l’opinion est favorablement disposée envers les femmes du monde, on se croit obligé de diminuer leurs œuvres en les plaisantant. […] Le bateau devient une île où se meut un monde primitif. […] Toulet et nous pourrons soutenir ce vieux renom d’esprit particulier et de finesse qui nous a valu la complaisante admiration des deux mondes.
Nous allons donc demander à la conscience de s’isoler du monde extérieur, et, par un vigoureux effort d’abstraction, de redevenir elle-même. […] En ce sens, il est douteux que l’animal perçoive le monde extérieur absolument comme nous, et surtout qu’il s’en représente tout à fait comme nous l’extériorité. […] Il y a une durée réelle, dont les moments hétérogènes se pénètrent, mais dont chaque moment peut être rapproché d’un état du monde extérieur qui en est contemporain, et se séparer des autres moments par l’effet de ce rapprochement même. […] L’imagination du rêveur, isolée du monde externe, reproduit sur de simples images et parodie à sa manière le travail qui se poursuit sans cesse, sur des idées, dans les régions plus profondes de la vie intellectuelle. […] L’animal ne se représente probablement pas, comme nous, en outre de ses sensations, un monde extérieur bien distinct de lui, qui soit la propriété commune de tous les êtres conscients.
Il avait remarqué dans l’histoire du monde un peuple célèbre, dont les institutions avaient quelque chose de singulier ; il a pensé que l’étude de l’histoire et des institutions de ce peuple pouvait faire naître quelques réflexions utiles ; mais, en rendant justice au savoir, au talent de plusieurs des historiens nationaux, il n’a point trouvé chez eux cette indépendance qui est la première qualité de l’historien. […] Les uns semaient le désordre par cupidité, d’autres par un enthousiasme irréfléchi ; la plupart auraient bouleversé le monde par légèreté. […] Un poème de l’ordre didactique le plus élevé, L’Astronomie, occupa ses derniers loisirs104 : il l’entreprit sur le conseil même de l’illustre Laplace, et s’appliqua à confier au rythme ami de la mémoire les principales vérités de la mécanique céleste, et même l’histoire de la science et des divers systèmes en vogue avant que l’explication newtonienne eût fixé le centre du monde. […] Dans l’épilogue qui termine le chant VIe et que je veux citer pour exemple du ton, l’auteur se représente comme ayant passé la nuit à méditer sur ces astres sans nombre et sur tout ce qu’ils soulèvent de mystères, jusqu’au moment où l’aube naissante les fait déjà pâlir et quand, à côté de lui, l’insecte s’éveille au premier rayon du soleil : Ainsi m’abandonnant à ces graves pensées, J’oubliais les clartés dans les Cieux effacées : Vénus avait pâli devant l’astre du jour Dont la terre en silence attendait le retour ; Avide explorateur durant la nuit obscure, J’assistais au réveil de toute la nature : L’horizon s’enflammait, le calice des fleurs Exhalait ses parfums, revêtait ses couleurs ; Deux insectes posés sur la coupe charmante S’enivraient de plaisir, et leur aile brillante Par ses doux battements renvoyait tous les feux De ce soleil nouveau qui se levait pour eux ; Et je disais : « Devant le Créateur des mondes « Rien n’est grand, n’est petit sous ces voûtes profondes, « Et dans cet univers, dans cette immensité « Où s’abîme l’esprit et l’œil épouvanté, « Des astres éternels à l’insecte éphémère « Tout n’est qu’attraction, feu, merveille, mystère. » Ce sont là des vers français qui me font l’effet de ce qu’étaient les bons vers latins du chancelier de L’Hôpital et de ces doctes hommes politiques du xvie siècle s’occupant, se délassant avec gravité encore, dans leur maison des champs, comme faisait M.
Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Une âme telle que la vôtre, dont les amitiés doivent être aussi durables que sublimes, se persuadera malaisément que tout se réduit à quelques jours d’attachement dans un monde dont les figures passent si vite et où tout consiste à acheter si chèrement un tombeau. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même : et comment croire qu’un Dieu intelligent nous conduit ? […] Or si l’âme souffre par elle-même indépendamment du corps, il est à croire qu’elle pourra souffrir également dans une autre vie ; conséquemment l’autre monde ne vaut pas mieux que celui-ci.
Louis XIV, s’adressant à son Parlement, n’était pas tendre, et le réduisait strictement à l’obéissance : Henri IV est un roi plus parlant et moins majestueux, mais il mène également son monde et le fait obéir. […] Je mets cette parole à côté de celles que Henri IV écrirait au landgrave de Hesse, au moment des intrigues recommençantes du duc de Bouillon (octobre 1605) : Mon cousin, j’ai voulu décharger mon cœur avec vous de toutes ces choses, afin que vous sachiez que, si ces entreprises et offenses m’ont fait monter à cheval et ont à bon droit ému mon courroux, elles n’ont pourtant changé ni altéré mon naturel ni mon inclination, l’expérience que j’ai des choses du monde m’ayant appris d’être plus prudent que vindicatif en la direction des affaires publiques. […] Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. […] Dès longtemps on est trop homme du monde dans l’Université pour parler ainsi.
Ce sont là des signes assez évidents que la question de Ronsard, comme on pourrait dire, a marché et a fait son chemin depuis vingt-cinq ans dans le monde des lettres. […] Pas le moins du monde. […] Il est jeune quand il conçoit son dessein : pourtant il a déjà vécu, voyagé ; il a fait légèrement ses premières études et les a manquées ; il est devenu page, et encore enfant il a couru le monde ; il est allé en Angleterre, en Écosse, en Hollande, en Allemagne, en Piémont. À le voir, on le croirait tout destiné au monde et aux armes, voué au service des princes.
; on observerait les proportions et le ton, les convenances ; on ne commencerait point par donner tête baissée dans l’inédit, avant d’avoir lu ce qui est imprimé depuis deux siècles, ce qui hier encore était en lumière et faisait l’agrément de toutes les mémoires ornées ; on ne débuterait pas avec le xviie siècle par des découvertes : mais si l’on en faisait, on les exprimerait d’une façon plus simple, mieux assortie aux objets, plus digne de ce xviie siècle lui-même ; on ne jurerait pas avec lui en venant parler de lui ; on ne parlerait pas un langage à faire dresser les cheveux sur la tête à ce monde poli qu’on met en avant à tout propos ; on ne s’attaquerait pas enfin, de but en blanc, à ces gens de Versailles comme si l’on arrivait de Poissy ou de Pontoise. […] C’est à M. le cardinal Porlo-Carrero, qui assurément est un des plus solides amis que j’aie au monde, à qui je me suis adressée, étant sûre de son secret autant que de sa bonne volonté à mon égard. […] Dans un complet et très judicieux essai sur la princesse des Ursins (inséré dans la Revue des deux mondes du 15 septembre 1859), M. de Carné ne va pas tout à fait si loin ; il s’applique à réduire le rôle diplomatique que la princesse aurait joué dans le monde romain en ces années ; il n’y voit qu’une action purement officieuse et réclame contre l’induction de M.
Les vieux souvenirs de cette race sont pour moi plus qu’un curieux sujet d’étude ; c’est la région où mon imagination s’est toujours plu à errer, et où j’aime à me réfugier comme dans une idéale patrie… Ô pères de la tribu obscure au foyer de laquelle je puisai la foi à l’invisible, humble clan de laboureurs et de marins à qui je dois d’avoir conservé la vigueur de mon âme en un pays éteint, en un siècle sans espérance, vous errâtes sans doute sur ces mers enchantées où notre père Brandan chercha la terre de promission ; vous contemplâtes les vertes îles dont les herbes se baignaient dans les flots ; vous parcourûtes avec saint Patrice les cercles de ce monde que nos yeux ne savent plus voir. […] Inutiles tous deux en ce monde, qui ne comprend que ce qui le dompte ou le sert, fuyons ensemble vers l’Éden splendide des joies de l’âme, celui-là même que nos saints virent dans leurs songes. […] Dans son beau livre sur Averroès, sur ce philosophe arabe dont le nom signifiait et représentait, bien qu’à tort, le matérialisme au Moyen-Age, il a parlé excellemment de Pétrarque, de ce prince des poëtes et des lettrés de son temps, qu’il proclame le premier des hommes modernes en ce qu’il a ressaisi et inauguré le premier le sentiment de l’antique culture, et « retrouvé le secret de cette façon noble, généreuse, libérale, de comprendre la vie, qui avait disparu du monde depuis le triomphe des barbares. » Il nous explique l’aversion que Pétrarque se sentait pour l’incrédulité matérielle des Averroïstes, comme qui dirait des d’Holbach et des Lamettrie de son temps : « Pour moi, écrivait Pétrarque cité par M. […] Je ne puis concevoir Rome que telle qu’elle est, musée de toutes les grandeurs déchues, rendez-vous de tous les meurtris de ce monde, souverains détrônés, politiques déçus, penseurs sceptiques, malades et dégoûtés de toute espèce ; et si jamais le fatal niveau de la banalité moderne menaçait de percer cette masse compacte de ruines sacrées, je voudrais que l’on payât des prêtres et des moines pour la conserver, pour maintenir au-dedans la tristesse et la misère, à l’entour la fièvre et le désert. » Un des plus avancés d’entre les esprits modernes, et des plus voués à l’idée du progrès quand même, M.
D’après ceux qui goûtent le plus, ce mystère inédit d’Arnoul Gresban sur la Passion, il y aurait de jolies ou même de belles scènes dans la première journée qui remontait à la Création du monde ou du moins au lendemain de la Chute. […] , sa mission sur la terre et déclare que, pour lui, le temps d’agir, de sauver et de régénérer le monde, est venu. […] À la suite de ce songe, et quand l’enfant vient au monde, les époux, n’osant l’étouffer, l’exposent sur mer dans une nacelle et l’abandonnent. […] Quelque temps après, cependant, elle met au monde un fils, auprès de qui Judas grandit, toujours élevé dans la maison ; mais bientôt la jalousie engendre la haine.
Quelques questions qui me sont adressées de divers côtés sur ce correspondant et ce malade de Ducis, Deleyre, m’engagent à y revenir un peu et à entrer dans quelques détails plus précis sur une figure des plus intéressantes et l’une de celles qui aident le mieux à comprendre ce monde de Rousseau et des philosophes, sur un personnage qui est lui-même un type parmi les secondaires. […] En fréquentant le monde, j’aurais la douleur de sentir empirer mes idées sur le genre humain, et n’ayant pas la force de devenir méchant ni le courage d’être meilleur, je serais comme les damnés que l’impuissance du mal et le désespoir du bien tourmentent également. » On ne saurait mieux décrire sa misère, ni mieux analyser son propre martyre. […] Il était parvenu à réaliser le vœu qu’il exprimait avec tant de modestie : « Je tâcherai d’établir ma réputation dans votre amitié. » Avec quel transport il lui envoyait, tant qu’il le put et qu’il sut où l’atteindre, des paroles d’admiration sympathique et de tendresse : « Vous, que mon cœur poursuit dans tous les pays du monde, vous qui me tenez lieu des anges gardiens et du démon de Socrate ! […] Mais, en y songeant, le monde entier n’est-il pas comme ce village ?
C’était dans le monde protestant, dans le monde israélite instruit, que la question ainsi posée et traitée rencontrait des curieux, des sectateurs ou controversistes en sens divers. […] Son clergé plus instruit, plus discipliné, plus belliqueux ; ses fidèles plus soumis et marchant en armée comme un seul homme ; des auxiliaires sur les ailes, jusque dans la jeunesse dorée ou dans le monde bohème, par ton et par genre ; le tout présentait un ensemble imposant et une ligne rangée qui défiait l’adversaire et qui semblait provoquer le combat. […] Havet, un écrivain qui sort tous les trois ou quatre ans de sa retraite et de son silence pour nous produire chaque, fois un chef-d’œuvre de critique en son genre, — que ce soit sur la Rhétorique d’Aristote, sur Pascal ou sur Isocrate, — a publié cette fois encore, dans la Revue des Deux Mondes, un essai de premier ordre pour le fond des idées comme pour l’élégance et la fermeté de l’expression ; il y a traité excellemment de cette Vie de Jésus.