Il y avait autre chose que le feu de l’improvisation napolitaine dans ce Napolitain charmant, que j’aurais voulu prêtre pour mettre en valeur tout ce qu’il y avait de profond sous cette flamme, trop légère pour être dévorante, venant de cet éblouissant de conversation qui batifolait dans les idées avec une grâce si brillante, mais qui pourtant ne fut toute sa vie qu’un abbé qui n’était pas prêtre, — l’Abbé Arlequin ! […] Pour donner une idée de l’exiguïté de sa taille et du peu de hauteur de sa stature, on raconte qu’un jour une duchesse de ce temps matérialiste, qui n’estimait que la matière et à laquelle il s’était permis de faire une déclaration d’amour, le prit d’à genoux où il s’était mis, et, l’enlevant de terre comme un enfant coupable, l’assit d’autorité sur le marbre d’une cheminée qui était haute et sonna pour dire au domestique : « Descendez monsieur ! » L’anecdote est bien jolie pour être vraie, mais si elle l’est, il y avait un Galiani et un autre monsieur qu’on ne faisait pas descendre des hauteurs où lui-même s’était mis, et c’était l’homme d’esprit tout-puissant, qui n’en disait pas moins en parlant de lui-même à Madame d’Épinay : « votre petite chose », et qui était la démonstration vivante et glorieuse du spiritualisme, alors si profondément méconnu. […] Galiani, cet extrait d’homme, cet homonculus à mettre dans le flacon des alchimistes du Moyen Âge, une fois assis dans un des fauteuils du salon de Madame Geoffrin, qu’il appelait ses trépieds de Sybille et qui avaient plus d’esprit que lui, disait-il, avait autant de conversation que le robuste et tonitruant Diderot, et dans ses lettres il montrait autant d’esprit épistolaire que Voltaire et Madame Du Deffand dans les leurs.
Pénélope sans Ulysse, qui, dans l’oisiveté du cœur et de l’action, fait et défait éternellement sa tapisserie, la Philosophie n’a rien mis dans le monde qui n’y fût sans elle ; et si elle n’en a rien ôté des vérités qu’elle n’a pas faites, elle en a du moins beaucoup faussé, et son mérite, quand elle en eut, fut de redresser ses voies fausses et d’admettre enfin ce qu’elle avait d’abord repoussé. […] Qu’il prenne, s’il veut, Fénelon, l’auteur du Télémaque et le précepteur du duc de Bourgogne, mais qu’il ne mette la main ni sur Suarez, ni sur Bellarmin, ni sur Bossuet lui-même, car Bossuet, comme saint Augustin, n’a pas cessé d’être un évêque, et sa politique n’est point tirée de l’ordre philosophique, mais de l’Écriture Sainte. […] Elle est restée aussi, comme une sage petite fille, les yeux baissés et les mains jointes sur sa ceinture, dans cette idée prude ou hypocrite d’une vraie liberté, et elle a mis Dieu par-dessus, mais quel Dieu ? […] L’économique des rêveurs la met, elle, dans l’action illimitée de l’homme et dans la disposition des trois règnes de la nature.
La sienne, à lui, est, obscure et secrète comme un chiffre qui n’a point de clef ; trente personnes peut-être dans Paris ont le sens de cette gaîté logogriphique, mais, à partir de la banlieue, tous les hommes d’esprit de la terre peuvent se mettre à plusieurs pour comprendre, ils ne seront pas plus heureux que les bourgeois de Hambourg qui se cotisaient pour entendre les mots de Rivarol ! […] Vacquerie, « tout échevelé dans les étoiles, mais il pourra prendre, sans se mettre à feu et à sang, un engagement de chapeau chinois dans la musique bouffe du Tintamarre… et s’y distinguer. […] C’est cette école qui, pour faire plus spectacle, a mis la poésie lyrique sur le théâtre et le théâtre dans la poésie lyrique, et a développé depuis vingt-cinq ans en nous tous, gens de vieille société ennuyée, cet amour que les peuples de civilisation excessive, à la veille de leurs décadences, ont toujours eu pour leurs histrions. […] Hugo avait déjà bien tracassé le moule de son vers pour n’y rien mettre, mais l’auteur des Odes funambulesques arrive, dans le coulage ou le moulage du sien (comment faut-il dire ?)
Duranty, qui a mis son extrait d’âge en guise de préface, à la tête de son volume, n’a encore que vingt-sept ans. […] Gustave Flaubert, qui a bien mis le bout de sa botte dans le réalisme, mais dont la tête artiste et savante aspire à des sphères d’observation plus hautes que celles dans lesquelles il a jusqu’ici limité et contenu son genre de génie23 ! […] Quels senties personnages qu’il met en scène ? […] à l’aplatissement il a mis le ragoût du détail et du système, et c’est au moment où elle va s’enfuir de la maison paternelle, cette créature jusque-là de chêne et d’acier, qu’il l’a fait se dissoudre misérablement, comme une argile, sous quelques gouttes d’eau.
La beauté du climat, en développant leur imagination, leur donnait un caractère enthousiaste et sensible ; la liberté élevait leurs âmes ; l’égalité des citoyens leur faisait mettre un grand prix à l’opinion de tous les citoyens ; la loi, en permettant à chacun d’aspirer aux charges, et de décider des affaires de l’État, leur défendait de se mépriser eux-mêmes ; les arts vils, abandonnés à des mains esclaves, les empêchaient de se flétrir sous les travaux ; les exercices et les jeux les donnaient continuellement en spectacle les uns aux autres ; la multitude des petits États établissait des rivalités d’honneur entre les peuples ; enfin, les grands intérêts et les victoires leur donnaient ce sentiment d’élévation qui aspire à la renommée. […] Le troisième jour, on mettait les restes de ces braves citoyens sur des chars ornés de branches de cyprès. […] Je vais tâcher d’en donner une idée ; mais il faut se souvenir que ce n’est ici qu’un extrait, c’est-à-dire, une copie faible et par lambeaux, dans une langue qui n’a ni la richesse et l’harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accents, ni l’heureuse composition des mots, ni cette foule de liaisons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inversions qui met tant de variété dans la marche, et qui permet à la langue de suivre avec souplesse, et de dessiner, pour ainsi dire, tous les mouvements de l’âme et des passions. […] Alors il raconte qu’il était la veille chez Aspasie, et la conversation étant tombée sur le même sujet, cette femme, qui avait donné des leçons d’éloquence à Périclès, et qui alors en donnait à Socrate, se mit tout à coup à prononcer un éloge funèbre des guerriers, moitié fait sur-le-champ, moitié préparé.
Cela ne le rend pourtant pas injuste pour nous Français, ni aveugle sur les défauts de nos voisins, et il met des correctifs énergiques à ce grand sens qu’il leur reconnaît : Ce sont des sauvages philosophes et avares ; leur profondeur en philosophie est même une passion ; mais la douceur et la politesse qui leur manquent, et que les Français ont naturellement, les rendent inférieurs à nous pour faire passer les bons principes jusques à l’action. […] Il nous faudrait des chefs qui nous éduquassent mieux, qui eussent donner l’essor à nos mouvements, qui laissassent aller nos saillies pour mettre les esprits dans l’habitude d’un mouvement noble et d’un feu qui les élèverait, et rétablirait le génie et le goût comme dans le beau siècle de Louis XIV, et peut-être mieux ; des chefs qui récompenseraient à propos et ne puniraient les Français que par la privation des grâces, seule façon de diriger les gens à talents. […] L’opinion du monde de Paris lui était fort contraire ; on n’en était pas encore avec lui à ce degré d’admiration où l’on ne raisonne plus, quand l’amour-propre de tous se met de la partie et se sent intéressé à louer l’objet de l’idolâtrie universelle. […] Il y avait dans Montesquieu une partie d’art à laquelle d’Argenson était peu sensible : il était fort choqué au contraire des conjectures hasardées et trop générales, des raisonnements incomplets et qui n’allaient pas jusqu’au bout ; il ne tenait pas assez compte de l’élément historique que Montesquieu respectait en toute rencontre et mettait en relief avec tant d’éclat ; ce qui l’a conduit à dire, après une seconde lecture du livre des Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains : Septembre 1754. — Lu pour la seconde fois. […] mais de dessous une aristocratie odieuse, — non une aristocratie de noblesse qui penserait plus généreusement, — mais une satrapie de roture qui a tout mis en formes, en mauvaises règles, en méchants principes et en ruine. » Il avait donc pensé que, « pour mieux gouverner, il ne s’agissait que de gouverner moins », et d’organiser la monarchie elle-même à l’aide d’une démocratie bien entendue, très divisée, non périlleuse, c’est-à-dire d’un système municipal et cantonal ; il en forme le plan détaillé, essayant en quelque sorte de provoquer un second établissement des communes par le bienfait direct de la royauté.
Cependant la haute noblesse, et dans le camp de Mayenne et dans le camp de Henri IV, élevait des prétentions exorbitantes et mettait tout accommodement à un prix impossible. […] Quant aux particularités de son naturel, il l’a extrêmement vif et si actif, que, à quoi qu’il s’adonne, il s’y met tout entier, ne faisant jamais guère qu’une seule chose à la fois. […] S’il faut, outre cela, dire quelque chose de ses mœurs, le lieu d’où il est né, sa physionomie, ses paroles, ses gestes plus militaires qu’autrement, le font soupçonner d’être léger ; et néanmoins, soit par artifice qui a corrigé la nature, soit par vraie et naturelle inclination, il n’y a rien au monde si constant que lui, si attaché à une chose de laquelle il ne déprend jamais, quand il s’y est mis, qu’elle ne soit achevée, voire jusques au blâme véritable d’opiniâtreté. […] On croirait lire une idylle ; il en faut rabattre sans doute ce qui est de l’exagération propre à chacun quand on se met à revoir flotter à l’horizon du passé cet âge d’or des jeunes saisons : il en restera toujours un sentiment bien vrai et d’une couleur non feinte. C’est une jolie estampe à sujet bucolique à mettre entre deux pages de Sully : L’idée qui me reste encore de ces choses-là, nous dit le naïf abbé au commencement de ses Mémoires, me donne de la joie : je revois en esprit, avec un plaisir non pareil, la beauté des campagnes d’alors ; il me semble qu’elles étaient plus fertiles qu’elles n’ont été depuis ; que les prairies étaient plus verdoyantes qu’elles ne sont à présent, et que nos arbres avaient plus de fruits.
Je répète exprès la double devise, pour mettre les deux principes et les deux mobiles en présence : « De l’audace ! […] Pastoret, firent de lui un professeur de philosophie à la Faculté, en 1811 : une circonstance fortuite, un volume de l’Écossais Reid qu’il trouva sur les quais en bouquinant, le mit sur la voie de la philosophie qu’il adopta dans sa chaire et dont on a fait tant de bruit. […] Sur la question de l’amovibilité temporaire des juges, mise en avant par M. […] Pasquier se montrait là ce qu’on l’a vu plus tard soit au Luxembourg, soit dans sa vie dernière de retraite et de société, un lien entre les hommes ; mais c’était un lien actif, pénétrant, et il avait déjà doucement préparé les esprits quand il les mettait en présence. […] Royer-Collard fit venir Jouffroy, qui promit d’y mettre plus de prudence à l’avenir, et qui pourtant récidiva.
Mais l’Empire, en se transportant à Byzance, rend au génie grec, subtil, raisonneur, inventeur, son ascendant et sa supériorité : dès lors, la Grèce byzantine va prendre la tête des arts, et mettre sa marque et comme sa signature à un style nouveau. […] L’art romain impérial, en émigrant à Byzance, retomba sous l’influence grecque directe qui se mit aussitôt à le travailler, à le modifier, à l’évider, pour ainsi dire, avec la subtilité propre à son génie. […] Il y est donné une description détaillée de la toilette des dames de la Cour de Melior, — je ne sais quelle Cour fabuleuse orientale, — pas si fabuleuse pourtant : chaque dame est enfermée avec sa femme de chambre et se met dans ses plus beaux atours pour la noce de la belle Melior, l’impératrice de Constantinople. Voici ce petit tableau et ce colloque, plein de mouvement, de coquetterie et de grâce : « Les dames mirent beaucoup de temps à faire leur toilette. […] Viollet-Le-Duc, surtout dans la XIe, de libres et rapides réflexions sur l’état de l’art en France, mises dans la bouche d’un Berlinois.
En attendant, pour consoler ses regards, elle s’est fait apporter ce qu’elle appelle this dear picture, un médaillon contenant le portrait de Buzot en miniature que, par une sorte de superstition, dit-elle, elle n’avait point voulu mettre d’abord dans sa prison : « Mais pourquoi se refuser cette douce image, faible et précieux dédommagement de la privation de l’objet ? […] Elle lui conseille, à lui et à leurs amis, de ne pas faire d’entreprise à la légère, comme aussi de ne pas désespérer trop tôt ; elle ne préjuge pas absolument, en ce qui la concerne, de ce que l’avenir pourra l’amener à décider ; elle semble revenir sur ce premier refus de fuir, et elle n’y mettrait pas d’obstination, dit-elle, si les circonstances empiraient. […] Elle est admirablement morte ; mais, comme tous les politiques en temps de révolution, elle a eu à faire de vilaines choses, et si elle n’y a pas mis les bras jusqu’aux coudes, elle y avait trempé les doigts. […] Et ici, je demanderai à MM. les éditeurs et biographes de vouloir bien se mettre d’accord. […] Champagneux, le beau-père d’Eudora, est le premier qui ait mis en circulation, sept ans après la mort de Mme Roland, cet étrange ouï-dire, et il ne pensait, en le consignant dans son récit un peu solennel, qu’à faire honneur à la philosophie, ou, comme il dit, à la stoïcité de la victime.
Au printemps de 1811, il partit avec sa mère et ses frères pour l’Espagne, où il rejoignit son père, général dès 1809, puis premier majordome du palais et gouverneur de deux provinces ; il logea quelque temps au palais Macerano, à Madrid, et de là fut mis au séminaire des nobles, où il resta un an ; on le destinait à entrer dans les pages du roi Joseph, qui l’aimait beaucoup. […] Hugo n’y comprenait rien : il fallut lui expliquer que, dans le temps, sa lettre avait été décachetée à la poste, et mise le soir même sous les yeux du roi Louis XVIII, comme c’était l’usage pour toutes les révélations de quelque importance . […] dites plutôt une bougie . » M. de Latouche, dans son piquant article de la Camaraderie, a mis sur le compte d’une société qui n’était plus celle-là beaucoup des travers qu’il avait remarqués lui-même, et peut-être excités pour sa part, durant le premier enivrement de la Muse. […] La chute de M. de Chateaubriand mit la désunion dans les rangs royalistes, et une bouffée perdue de cet orage emporta en mille pièces le pavillon couleur de rose, guitares, cassolettes, soupirs et mandores : il ne resta debout que deux ou trois poëtes. […] Là où d’autres eussent mis leur âge d’or, tâchant de l’éterniser, lui, ardent et inquiet, s’était vite retrouvé avec de plus vastes désirs.
Chacun s’exagérant son importance se met à évaluer son propre génie en sommes rondes ; le jet de chaque orgueil retombe en pluie d’or. […] Marot, tendant la main au Roy pour avoir cent escus dans quelque joli dizain, y mettait moins de façon et plus de grâce132. […] On a tant abusé du public, tant mis de papier blanc sous des volumes enflés et surfaits, tant réimprimé du vieux pour du neuf, tant vanté sur tous les tons l’insipide et le plat, que le public est devenu à la lettre comme un cadavre. […] L’écrivain ayant mis son cerveau en coupe réglée, il y a eu des mécomptes ; bon an, mal an, comme on dit : les livres vendus et payés d’avance n’ont pu toujours être faits. […] Mais je laisse là ces questions, qui appartiennent au plus subtil du Code de commerce ; je ne sais jusqu’à quel point la légalité s’en accommodera ; les tribunaux, mis en demeure de prononcer dans quelques cas, paraissent jusqu’ici peu y condescendre, et les vieux juges, ouvrant de grands yeux, n’y entendent rien du tout.
Cette « rhétorique » dont se réjouit la raide et pédante Anne, marche contre la nature, et met son progrès à s’en éloigner. […] La grande révolution pédagogique de l’humanisme, qui se résume dans la substitution de la composition écrite à la dispute orale, mettait les logiciens au désespoir. […] Il clarifia, affina, allégea le vieil esprit de Renart et de Rutebeuf ; il l’enrichit de finesse, de mesure, de grâce, pour le mettre d’accord avec la forme nouvelle des âmes, et même avec l’aspect des choses. […] Ce que la poésie de circonstance a de plus léger, voilà son genre : des étrennes, des vers de mascarade et de ballet, des inscriptions à mettre sur des luths, sur des boites, pour des cadeaux. […] En 1526, il est mis au Châtelet, puis transféré à Chartres (épitre à Lyon Jamet) ; eu 1527, octobre, on l’arrête de nouveau : Epitre au Roy, qui le fait, relâcher.
Ils ont tous fini par se corriger, et ils y ont mis tant de zèle que maintenant ils pourchassent avec acharnement tous ceux qui jettent des pierres. […] Il s’est défié des sceaux de l’État, et il a pensé qu’il ne fallait mettre en mouvement l’autorité préfectorale que pour des vertus qui ne supposent pas un petit cercle d’initiés. […] Elle a élevé et soigné neuf enfants ; la famille à laquelle elle est attachée ayant perdu toute sa fortune, elle refuse de la quitter ; elle sert gratuitement avec un courage que de pénibles circonstances mettent à de rudes épreuves (médaille de mille francs). […] Le moulin Nadaud, mis en détresse par la concurrence des voisins plus sobres, chôme la plupart du temps. […] Le héros, quand il se met à réfléchir, trouve qu’il a agi comme un être absurde, et c’est justement pour cela qu’il a été un héros.