Elle est la réponse naturelle de l’homme, réponse contradictoire et unifiée à la fois, aux contradictions du monde, de la vie et de l’esprit, elle le laisse à la fois s’adapter à la réalité la plus large et tâcher d’adapter la réalité à lui, dans la mesure où cela est possible. […] Il ne faut pas qu’il les jette brusquement, mais qu’il apprenne, sinon à s’en passer, du moins à en accepter d’autres, plus légères, qu’il en change à mesure qu’il grandit. […] Un agité peut troubler la vie de bien des sages, c’est peut-être une raison, non point de recommander l’agitation aux sages, mais de les engager à prendre des mesures contre les agités.
Nous n’avons, pour l’œil, que des mesures angulaires, et, d’autre part, nous ne pouvons connaître qu’un homme, par exemple, est plus ou moins grand que nature qu’en estimant sa hauteur angulaire et en la jugeant d’après la distance à laquelle il nous semble placé. […] Si elles étaient de mêmes dimensions, la perspective serait normale, et nous ne serions pas égarés sur la hauteur et l’éloignement de l’horizon ; or, elles augmentent de hauteur et de largeur à mesure qu’elles s’éloignent de la scène, et, par conséquent, la convergence des lignes qui les sous-tendent a lieu plus tôt ; l’horizon s’approche, c’est-à-dire que tout semble s’approcher de lui, et cependant les dimensions des personnages ainsi reculés ne diminuent pas, ce qui provoque en nous l’illusion d’un monde plus grand que nature. […] En second lieu, il existe une mesure de distance directe, indépendante de l’horizon de la perspective, c’est la droite qui va de l’objet regardé à nous, selon le terrain qui est sous nos yeux.
Mais pour avoir déprisé les Hommes de tous les Siecles, en faveur de ceux du Siecle nouveau ; pour avoir voulu, comme un autre Encelade, chasser les Dieux de l’Olympe, afin d’y régner seul avec des petites Divinités de sa création ; enfin, pour avoir loué sans mesure les d'Alembert, les Marmontel, les Thomas, les St. […] Après avoir d'abord gardé quelques mesures, il a méconnu toutes les bienséances, & a insulté sa Nation, ou plutôt toutes les Nations, dès qu'il en a été mécontent : on peut en juger par son Discours aux Welches, ses Stances sur les Italiens, ses Satires contre les Allemands, ses Plaisanteries sur les Espagnols & les Portugais. […] Ses pensées, ses expressions, ses jugemens, si on les compare les uns les autres à mesure qu'ils se présentent, sont moins de lui, que du Génie qui l'inspiroit alors : peu d'Auteurs, au style près, paroissent moins appartenir en propre à eux-mêmes : à force d'avoir tous les caracteres, il n'en a aucun.
Bientôt, à mesure que le cerveau s’organise, la voie devient encore plus facile et plus prompte. […] Ribot, par s’organiser si bien et d’une façon si monotone, qu’on ne trouverait plus en lui qu’un automate à peine conscient. » Les esprits bornés ou routiniers, ajoute le même auteur avec finesse, réalisent cette hypothèse en une certaine mesure, et c’est ce que Pascal avait déjà montré : « Pour la plus grande partie de leur vie, la conscience est un superflu. » On ne saurait mieux mettre en lumière la part du mécanisme dans la mémoire et sa tendance à se faire suppléer par un instinct animal. […] A mesure qu’on s’élève dans l’échelle animale, les êtres deviennent plus sensibles.
77 » Avoir une conviction n’est pas, en effet, sans importance, même au pur point de vue esthétique ; car une conviction imprime une certaine unité à la pensée, une convergence vers un but, conséquemment un ordre, une mesure. […] » Et c’est ainsi que Dieu, qui seul est sa mesure, » D’un œil pour tous égal voit toute la nature ». […] La profondeur de l’amour, pour Musset, se mesure à la douleur même que l’amour produit et laisse en nous : aimer, c’est souffrir ; mais souffrir, c’est savoir.
Ne jamais oublier que ces catégories sont factices, c’est déjà en corriger sensiblement le défaut ; et si la pensée s’efforce de combiner toujours ce que le langage analytique est forcé de scinder, si l’on procède (dans une sage mesure) par anticipations et par rappels, on arrive peu à peu à la vision synthétique, à l’intuition de la vie. […] Entre ces deux ordres de faits il y a un rapport mathématique : la parcelle est plus libre à mesure que grandit le groupe dont elle dépend. […] À mesure qu’on verra mieux le rapport intime de la littérature avec la vie totale, on connaîtra mieux aussi l’ascension de la vie et la mission du poète.
Les premières mesures vont bien, mais je ne sais par quelle magie ces airs si lents finissent toujours par devenir des prestissimo. […] Tout dans leurs succès dépend de l’à-propos et de la mesure. […] Sainte-Beuve a fait (dans une mesure qu’il s’agira de juger) ce que fait, le voulant ou ne le voulant pas, tout homme de talent et tout génie individuel. […] On a fort approuvé les historiens qui donnent une idée pour centre à leurs récits, et font de cette idée le juge et la mesure des faits. […] La question ici est toute d’à-propos et de mesure.
Si elle se prolonge outre mesure, surtout dans des conditions défavorables, chacun sait par expérience qu’il se produit une obnubilation de l’esprit toujours croissante, finalement une sorte de vide intellectuel, souvent accompagné de vertige. […] Elle draine à son profit, du moins dans la mesure possible, toute l’activité cérébrale. […] Le dipsomane, en face d’un verre plein, l’avale ; et si une fée malfaisante le remplissait à mesure qu’il est vide, il ne s’arrêterait pas. […] À mesure que son intensité augmente, elle se rapproche de son point de départ et tend il devenir une hallucination. […] D’abord un mot qui est l’élément fixe : avec lui, une image de moins en moins complexe, de moins en moins claire, à mesure qu’on monte dans la généralisation.
L’esprit humain crée vraiment la nature, à mesure qu’il la contemple, qu’il la pèse et qu’il la mesure. […] Dans quelle mesure Sainte-Beuve a-t-il créé la valeur de Chateaubriand ? […] Elle ne le détruit pas, elle le modifie et le réduit à sa mesure. […] Les biologistes n’en savent rien ; mais personne n’est en mesure de le leur apprendre. […] Cependant l’art exige un retour de la pensée sur elle-même : il faut qu’elle se replie à la mesure de la nature et qu’elle redevienne le fait particulier.
On pourrait dire aussi que Soumet récite à l’un de ses amis quelques vers de sa Clytemnestre, de sa voix la plus flûtée, et ajoute : « En voilà, mon cher, et du meilleur, on vous en fera ainsi tant que vous en voudrez. » Le succès de Lucrèce, si légitime qu’il soit, me suggère ces deux pensées, ces deux petits axiomes critiques : 1° En France, pour réussir en matière littéraire, il ne faut rien de trop, mais toujours et avant tout une certaine mesure.
. — L'Ultramontanisme de Quinet a été fort sévèrement et fort judicieusement jugé par Lerminier dans la Revue des Deux Mondes ; Lerminier qui a, lui aussi, en son temps, connu les ivresses de la popularité et qui en a eu ensuite les déboires, était en mesure de faire la leçon à Quinet là-dessus : tout le détail de cet article et les remarques sur cette érudition confuse et fougueuse ont beaucoup d’à-propos et un grand caractère de raison.
Madame de La Fayette écrivait à madame de Sévigné : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent : enfin, la joie est l’état véritablement de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Ninon écrivait encore à Saint-Évremond : « La joie de l’esprit en marque la force. » L’auteur de ces Souvenirs, à mesure qu’ils se déroulaient devant nous, et que nous nous plaisions à composer son image, nous paraissait ainsi une personne chez qui la joie, une joie qui n’exclut nullement la sensibilité, est compagne de la force de l’âme.
L’horizon recule devant soi à mesure que l’on avance ; on essaye de penser pour vaincre les sensations, et les pensées les multiplient ; enfin, l’on se persuade bientôt que ses facultés sont baissées, la dégradation de soi flétrit l’âme, sans rien ôter à l’énergie de la douleur ; il n’est point de situation dans laquelle on puisse se reposer, on veut fuir ce qu’on éprouve, et cet effort agite encore plus ; celui qui peut être mélancolique, qui peut se résigner à la peine, qui peut s’intéresser encore à lui-même, n’est pas malheureux.
Pour l’écrivain, le dessin et le plan de l’œuvre ne valent que si l’on passe à l’exécution, et ne se complètent à vrai dire que dans l’exécution : tant qu’il ne l’a pas toute écrite, elle reste flottante et vague, à l’état de pure possibilité : il ne peut donner à chaque chose sa place propre et sa juste grandeur que par le style : la seule mesure de l’idée, c’est le mot.