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789. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Leur malheur fut, dans tous les temps, de ne pas demeurer à Rome : elle serait devenue la capitale de leurs États, et les papes auraient été soumis sous l’œil du maître. […] Il fait ailleurs une vive apostrophe à l’Empereur, qu’il appelle César tudesque, le conjurant de ne pas oublier son Italie, le jardin de l’Empire, pour les glaçons de l’Autriche, et l’invitant à venir enfourcher les arçons de cette belle monture qui attend son maître depuis si longtemps. […] Dante n’a pas donné le nom de comédie aux trois grandes parties de son poëme, parce qu’il finit d’une manière heureuse, ayant le Paradis pour dénouement, ainsi que l’ont cru les commentateurs : mais parce qu’ayant honoré l’Énéide du nom d’ alta tragedia , il a voulu prendre un titre plus humble, qui convînt mieux au style qu’il emploie, si différent en effet de celui de son maître.

790. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Et paraissent Gautier, plus pur et mesuré formiste encore — sans pensée du reste ; et Baudelaire, maître puissant et sobre, dont le mot correct par la place voulue qu’il occupe s’entoure dès maintenant d’atmosphère musicale et lumineuse — et dont la pensée est comme un ferment invincible de doute détruisant la splendeur sans souci d’antan ; mais qui égoïstement disant ses angoisses, ne dit aucun vocable salutaire qui les épargnera à ceux qui viennent. […] Paul Verlaine qui très heureusement parfois et avec sagesse et science en ses premiers volumes la fit triompher — mais surtout, à cause de l’emploi quand même et irréfléchi, par deux poètes l’un mort l’autre disparu, qui (à part de leurs productions quelques poèmes d’allure remarquable) furent les maîtres certainement, de ce genre fumiste à l’heure actuelle si florissant en ceux qui s’honorent de porter le titre de Décadents : Tristan Corbière et Arthur Rimbaud. […] Petits « chers Maîtres » et leurs disciples copieurs, contristés de ce que l’on ne me contestait pas, à moi, — quelques rares et puissants esprits — une « maîtrise d’idée » la seule rare, la seule valable et durable maîtrise…   Mais des cordialités sont aussi venues.

791. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

La religion, la philosophie, la poésie, contribuèrent à perfectionner les mœurs et les lois, mais toujours d’une manière spontanée, sans que l’on s’aperçût encore que l’homme peut par la science se rendre maître de la nature et de la société elle-même, et donner à ses progrès une direction choisie et voulue. […] Rien n’est donc plus intéressant, non-seulement pour les philosophes et pour les savants, mais pour tous les esprits éclairés, que de voir un des maîtres de la science nous exposer les principes de sa méthode, les éclairer par de nombreux exemples empruntés à son expérience personnelle, nous faire assister avec ingénuité à toutes les opérations de son esprit, nous apprendre comment les erreurs mêmes peuvent être profitables et instructives, à quel prix enfin se font les découvertes et les solides progrès. […] Commençons par une petite querelle : c’est à propos du chancelier Bacon, notre maître à tous, mais dont le nom a toujours été et est encore une pomme de discorde entre les savants et les philosophes21.

792. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Mais est-il dans l’exacte vraisemblance qu’un jeune homme vienne ainsi se donner lui-même en otage, sans l’aveu de son maître ? […] Nos grands maîtres n’y manquent jamais. […] Pourvu qu’on conserve le caractère du lieu, il est permis de l’embellir de toutes les richesses de l’art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène, qu’il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l’habite, qu’on y remarque les usages des temps, des pays, des nations.

793. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

J’avoue toutefois que s’il fut jamais permis à la peinture d’employer l’allégorie, c’est dans un triomphe de la justice, personnage allégorique, à moins qu’on ne poussât la sévérité jusqu’à proscrire ces sortes de sujets, sévérité qui achèverait de restreindre les bornes de l’art, qui ne sont déjà que trop étroites, de nous priver d’une infinité de belles compositions à faire, et d’écarter nos yeux d’une multitude d’autres qui sont sorties de la main des plus grands maîtres. […] Un bon tableau n’est jamais que l’ouvrage d’un maître qui a beaucoup réfléchi, médité, travaillé. […] Lorsque nous voyons les esquisses d’un grand maître, nous regrettons la main qui a défailli au milieu d’un si beau projet.

794. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Il a écrit pour des hommes et des femmes qui peuvent pénétrer et compléter son idée, deviner les sous-entendus, peser les mots, et faire à côté de l’œuvre du maître ce qu’on pourrait nommer l’œuvre du lecteur. […] Le secret est là, et peut-être n’existe-t-il qu’un ou deux maîtres qui l’aient toujours compris, sans jamais subir l’entraînement de ce peintre, brosseur de fresques, aquarelliste ou pastelliste, qui habite aujourd’hui dans l’âme de tout romancier. […] En vérité, je le déclarerais volontiers le plus puissant maître de la prose romanesque de ces trente dernières années.

795. (1887) La banqueroute du naturalisme

On n’ose plus être naturaliste ; on se défend de l’avoir été ; les plus ignorés eux-mêmes de ses disciples, les imitateurs qu’il ne se savait point, ont déjà commencé de trahir « le Maître. » Déjà, l’auteur de Charlot s’amuse et celui du Bilatéral, déjà MM.  […] qu’il a fait de mal à ceux qui ne l’ont pas compris, mais qui ne l’ont pas moins prétendu suivre, le maître qui a dit autrefois : « Si Shakespeare avait fait une psychologie, il aurait dit, avec Esquirol : L’homme est une machine nerveuse gouvernée par un tempérament, disposée aux hallucinations, emportée par des passions sans frein… » Et que doit-il penser, s’il le lit, de se voir ainsi travesti par M.  […] Zola l’ait cru mettre au moins dans ces plaisanteries où, s’exerçant pour la première fois, il est du premier coup passé maître, et qui sont sans doute, elles aussi, une étude des « fonctions du ventre », mais surtout, et de son aveu même, un a élément comique » ajouté à tant d’autres.

796. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

On sent qu’il est toujours maître de son sujet, qu’il se meut dans le champ des idées comme dans son domaine, qu’il en sait tous les chemins, qu’il est prêt, si l’un d’eux se trouve fermé, à en ouvrir d’autres, qu’il a le droit de prendre charge d’âmes, et de s’offrir pour guide aux ignorants et aux étrangers qui voudront visiter la contrée solitaire et périlleuse où il s’est établi. […] Cousin est un des maîtres en ce genre, et il faudrait remonter jusqu’à nos classiques pour lui trouver des égaux. […] Vous reconnaissez dans ce morceau tout l’art des maîtres.

797. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

On en est venu, tous les morceaux principaux de l’ancienne littérature ayant déjà trouvé maître, à s’attacher aux moindres miettes, aux moindres noms. […] Dans le volume de reliques dites alexandrines, que j’ai sous les yeux, Parthénius de Nicée y est pour sa part ; ce Parthénius qui, jeune, avait été fait prisonnier dans la guerre de Mithridate, devint à Naples le maître de Virgile.

798. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Lerminier, doué comme il l’est d’une intelligence vaste et progressive, tendant, comme il le fait, à une œuvre d’avenir où un si beau rang l’attend et où il convie en toute occasion avec tant d’ouverture de cœur ses contemporains amis et les générations plus jeunes dont il est un des maîtres, M.  […] C’est que d’Holbach avait une exécrable réputation d’athéisme, tandis que Condillac, abbé, n’ayant jamais écrit contre l’âme ni contre Dieu, était un maître ostensible plus avouable, en même temps que doué de mérites suffisants.

799. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

En outre, Luque, l’Iconologue des Hommes d’aujourd’hui, y a scellé l’Écriture du Maître de syracusaines figures14. […] « Les maîtres vont de plus en plus au simple et au vrai. » Cet aphorisme, que suggérait à Jules Tellier l’étude des poètes contemporains, se trouve vérifié par l’application qu’on en peut faire à Paul Verlaine.

800. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Le jeune démocrate juif, frère en ceci de Judas le Gaulonite, n’admettant de maître que Dieu, était très blessé des honneurs dont on entourait la personne des souverains et des titres souvent mensongers qu’on leur donnait. […] Mais il faut se rappeler que les disciples, dont l’esprit étroit ne se prêtait pas à cette haute indifférence pour la qualité de fils d’Abraham, ont bien pu faire fléchir dans le sens de leurs propres idées les instructions de leur maître.

801. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Mais ce projet ne tint pas contre la crainte du guet et du châtelet ; ils se contentèrent de former deux files entre lesquelles tous leurs maîtres seraient obligés de passer. […] Tâchez de me l’envoyer, je vous laisse le maître des conditions… " je cours chez Le Moine, je lui fais part de ma commission.

802. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Il les remplacera, si cela lui convient, car après tout, il est maître chez lui, et, s’il se fâche contre moi, je n’insisterai pas, le priant même d’excuser mon indiscrétion et ma mauvaise humeur. » Que M. de Gourmont se rassure : si je me fâche, ce sera seulement contre ses théories. […] Il les remplacera, si cela lui convient, car après tout, il est maître chez lui, et, s’il se fâche contre moi, je n’insisterai pas, le priant même d’excuser mon indiscrétion et ma mauvaise humeur. » Que M. de Gourmont se rassure : si je me fâche, ce sera seulement contre ses théories.

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