Était-ce un effet du lieu ? […] La nuit qui tombait n’augmenta ni la solitude, ni l’abandon, ni l’inexprimable désolation de ce lieu. » Je note en passant ce « ciel balayé, brouillé, soucieux », cette transposition et comme ce reflet de l’âme au ciel et aux objets environnants. […] Sénancour, le grand paysagiste triste, est plein de ces mots trouvés qui peignent avec profondeur la physionomie des lieux. […] La placer en un lieu reconnaissable, c’est la faire mentir à son esprit ; c’est traduire en histoire un livre anté-historique. […] Même dans ce pays de désolante ardeur où il n’y a plus lieu de dire avec Bernardin de Saint-Pierre « qu’un paysage est le fond du tableau de la vie humaine », même au sein de cette accablante nature, avec lui, l’homme ne fait jamais défaut ; la pensée et la vie du témoin, sa sympathie, ne sont jamais absentes.
Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ? Racine nous le dit, c’est que le lointain du temps, du lieu, de la situation inspire le respect, major a longinquo reverentia . […] J’ajoute que, dans notre théâtre classique, l’unité de lieu et l’unité de temps m’ont toujours paru être tout simplement l’absence de lieu et l’absence de temps. […] Le drame étant tout idéal, peu importe en quel lieu, en quel temps il se passe. […] Au contraire, il est tout dans le système anglais ; de là la réalité du lieu et du temps dans les drames de Shakespeare, et de là, comme conséquence, la diversité des lieux et des temps.
Pour moi, je me suis laissé conduire à ma matiere ; il m’a paru qu’elle me donnoit lieu à des reflexions judicieuses sur la critique. […] Il juge de l’ouvrage par l’auteur ; au lieu que la raison juge de l’ouvrage par l’ouvrage même. […] Et puisque l’on a osé fuir en sa présence, y a-t-il lieu d’espérer qu’on sera plus ferme quand on ne le verra plus ? […] Cloud, lieu enchanté par ses jardins et par cette fameuse cascade qui est du dessein d’un très-habile homme. […] Et ce secret est de dire où sa maîtresse est allée, après avoir averti exactement des lieux où elle n’est pas.
Aussi les peuples mettaient-ils leurs soins à les cacher, à les enfouir sous terre ; on voit dans toutes les églises que le lieu où on les conserve est le plus reculé, le plus secret. […] Aussi dans l’Allemagne, pays qui fut au moyen âge le plus barbare de toute l’Europe, il est resté, pour ainsi dire, plus de souverains ecclésiastiques que de séculiers. — De là le nombre prodigieux de cités et de forteresses qui portent des noms de saints. — Dans des lieux difficiles ou écartés, l’on ouvrait de petites chapelles où se célébrait la messe, et s’accomplissaient les autres devoirs de la religion. […] Dans la Campanie, le Samnium, l’Apulie115 et dans l’ancienne Calabre, du Vulture au golfe de Tarente, elle gouverna cent dix églises, soit immédiatement, soit par des abbés ou moines qui en étaient dépendants, et dans presque tous ces lieux les abbés de Saint-Laurent étaient en même temps les barons.
À l’ouest des côtes de l’Amérique s’étend un océan vaste et ouvert, sans une île qui puisse servir de lieu de refuge ou de repos à des émigrants : c’est encore une autre sorte de barrière. […] Wallace a exposée dernièrement dans un ingénieux mémoire où il conclut, que « chaque espèce à sa naissance coïncide pour le temps et pour le lieu avec une autre espèce préexistante et proche-alliée. » J’ai su depuis, par une lettre de M. […] J’admets volontiers l’existence antérieure de nombreuses îles, maintenant cachées sous la mer, et qui ont pu servir de lieu de relâche pour les plantes et pour beaucoup d’animaux pendant leurs migrations. […] On considère à tort de tels moyens comme accidentels, car les courants de la mer n’ont rien que de très fixe, et même la direction moyenne des vents est constante dans un même lieu. […] Si les phénomènes glaciaires sont constants à la surface du globe et reviennent périodiquement aux mêmes lieux, il n’y a pas eu, à proprement parler, d’époque ou de période glaciaire.
« Mais quelque chose empoisonne et rend incomplètes tant de délices : Ô mon Seigneur, c’est ton absence de ces beaux lieux ! […] Un de ses plus beaux sonnets, Solo et pensoso, exprime plus mélancoliquement qu’on ne le fit jamais cette consonance de la tristesse de son âme avec la tristesse des lieux. […] Ce lieu recueilli et sombre m’invite à l’étude et à la composition. […] Il faut l’entendre lui-même faire la description des lieux, et de ce qu’il y sentit, dans une lettre en vers latins à Barbate de Sulmone. […] Je reviens voir le lieu D’où loin de ce bas monde elle est montée à Dieu Sans voile, abandonnant son beau corps à la terre !
Le lieu était humide, et bientôt, la fraîcheur me portant au cerveau, je fus pris d’un violent éternuement dont le bruit fit partit un troglodyte de dessous mes pieds. […] Il n’y avait encore que peu d’insectes, et je jugeai que l’affection qu’ils portaient à ce lieu avait dû, bien plus qu’aucun autre motif, déterminer leur prompt retour. […] On était au commencement d’avril, et d’après la description du lieu, telle que je l’avais vue dans les livres, j’étais certain qu’il devait être fréquenté par des pewees. […] Parfois il monte perpendiculairement du lieu où il est perché pour attraper un insecte, puis revient se poser sur quelque branche sèche d’où il peut inspecter les environs. […] Je me tenais à une fenêtre, à proximité du lieu ; il en vint plus de mille, et je ne les vis pas toutes, tant s’en faut !
Mais aujourd’hui nous n’en sommes qu’aux Mystères, à ce qui tient lieu, jusqu’à un certain point, de la tragédie au moyen âge. […] Certaines fêtes populaires, certaines mascarades et débris de bacchanales, des déguisements en bêtes, avaient pourtant survécu en bien des lieux et résisté à toutes les défenses : c’étaient, si l’on veut, des représentations dramatiques sous leur forme la plus grossière. […] On les jouait dehors et devant, sur la place du parvis, aussi près que possible du saint lieu, mais non plus dedans ; — et voilà enfin le théâtre. […] La scène représente d’abord le Paradis, et le livret donne à cet égard des indications précises : « Que le Paradis soit établi sur un lieu élevé, nous dit l’auteur ou l’ordonnateur du jeu dans le cas prévu où nous voudrions monter la pièce ; qu’on tende tout autour des courtines et des étoffes de soie à une hauteur telle que les personnages qui seront dans le Paradis ne puissent être vus qu’à partir et au-dessus des épaules. Qu’on voie des fleurs odoriférantes et des feuillages ; qu’il y ait divers arbres et des fruits pendant aux branches, afin que ce lieu paraisse très agréable.
quelle sorte de réduction et d’appropriation toute française (en y laissant une couleur très-suffisamment espagnole) lui a-t-il fait subir, quel compromis a-t-il su trouver quant au lieu, au temps, quant au nombre et aux sentiments des personnages, à leur ton et à leur façon de parler ou d’agir ? […] Sur un premier point, pour n’avoir pas à y revenir trop souvent, il est à remarquer que Corneille, qui s’est attaché à observer les unités d’action, de temps et de lieu ; qui, pour la durée du temps et de l’action, s’est tenu exactement dans les vingt-quatre heures (tellement que la pièce commencée vers midi ou une heure, je suppose, dure jusqu’au lendemain, à peu près à la même heure), n’a pu observer aussi exactement l’unité de lieu. […] Ils gardent ainsi quelque chose de plus abstrait que dans la pièce espagnole, où ces changements de lieu sont fortement accusés, et que dans la réalité de la vie, où mille particularités du discours avertissent à tout instant de l’endroit précis où l’on est et où l’on parle. […] Cette scène se passe dans un lieu vague, sur quelque place voisine du palais. […] La scène suivante de provocation, quand Rodrigue appelle le comte, n’était pas moins saisissante en son lieu et à son moment.
Le terrain y a si bien changé de nature que les boeufs et les vaches de ce païs sont plus grands qu’ailleurs, au lieu qu’autrefois ils étoient très-petits. Enfin le quart de sa superficie est aujourd’hui couvert d’eau, au lieu que l’eau n’en couvroit peut-être pas autrefois la douziéme partie. Le peuple, par des évenemens qui ne sont pas de notre sujet, s’y étant encore multiplié plus qu’il ne l’a fait en aucun autre endroit de l’Europe, le besoin et la facilité d’avoir des légumes et du laitage dans une prairie continuelle, la facilité d’avoir du poisson au milieu de tant d’eaux douces et salées, ont accoutumé les habitans à se sustenter avec ces alimens flegmatiques, au lieu que leurs anciens prédecesseurs se nourrissoient de la chair de leurs troupeaux, et de celle des animaux domestiques devenus sauvages, dont on voit par Tacite et par d’autres écrivains de l’antiquité que leurs bois étoient remplis. […] De pareilles révolutions sur la surface de la terre, qui causent toujours beaucoup d’altération dans les qualitez de l’air, et qui ont encore été suivies d’un si grand changement dans les alimens ordinaires, que les nouveaux habitans se nourrissent en pêcheurs et en jardiniers, au lieu que les anciens habitans se nourrissoient en chasseurs, de pareilles révolutions, dis-je, ne sçauroient arriver sans que le caractere des habitans d’un païs cesse d’être le même.
L’expérience leur a fait connoître qu’on est trompé rarement par le rapport distinct de ses sens, et que l’habitude de raisonner et de juger sur ce rapport conduit à une pratique simple et sûre, au lieu qu’on se méprend tous les jours en operant en philosophe, c’est-à-dire, en posant des principes generaux et en tirant de ces principes une chaîne de conclusions. […] Qu’on demande à nos navigateurs si les vieux pilotes qui n’ont que leur expérience, et si l’on veut leur routine pour tout sçavoir, ne devinent pas mieux dans un voïage de long cours en quel lieu peut être le vaisseau que les mathematiciens nouveaux à la mer, mais qui durant dix ans ont étudié dans leur cabinet toutes les sciences dont s’aide la navigation. […] Il y a souvent lieu à quelque exception contre le principe qui paroit le plus universel. […] L’importance de ces principes dépend encore d’une infinité de circonstances des temps et des lieux où le poëte a composé.
Venues de loin, issues d’une race étrangère, datées d’un temps presque passé, elles ont fait surgir dans mille têtes de jeunes gens, de jeunes filles de France, tout un monde de singulières imaginations, de lieux noirs et étranges, de faces grimées, touchantes, grotesques, risibles, effrayantes, d’aventures compliquées à faire peur, de scènes comiques ou pathétiques. […] Si Dickens ne sut ni observer les hommes qu’il connut, ni étudier les mouvements mêmes de sa propre âme, ni employer les notions psychologiques qu’il aurait inconsciemment perçues, il ignore plus visiblement encore l’art de connaître et de montrer les lieux et les milieux où il place l’action de ses récits. […] Quand, dans Barnabe Rudge, il lui faut décrire l’atelier d’un serrurier qui est le brave homme du roman, Dickens s’étend sur ce qu’il peut advenir des clefs qu’on y fabrique sur leur aspect honnête, sur ce qu’elles seraient sans doute impropres à ouvrir ou fermer des lieux scélérats. […] La cour où est introduit David Copperfield au début de ses études de droit, la salle triste où siègent immobiles des juges raides et chuchotants, est un lieu d’un calme languissant, et tous les traits du tableau servent à développer cette impression de somnolent repos. […] Ce sont là des œuvres de maturité de Dickens, et quand les descriptions n’y sont pas ainsi écourtées et rendues en impressions morales nécessairement vagues, elles sont réduites encore à de sèches énumérations de lieux assez semblables aux indications d’un commissaire-priseur.
Nous arrivons au théatre préparez à voir ce que nous y voïons, et nous y avons encore perpetuellement cent choses sous les yeux, lesquelles d’instant en instant nous font souvenir du lieu où nous sommes, et de ce que nous sommes. […] La preuve est que le plaisir continuë, quand il n’y a plus de lieu à la surprise. […] Le plaisir que les tableaux et les poëmes dramatiques excellens nous peuvent faire, est même plus grand lorsque nous les voïons pour la seconde fois, et quand il n’y a plus lieu à l’illusion.
J’ai dit « la brièveté du temps », sans préciser ; il est évident que la règle des 24 heures fixe un chiffre purement arbitraire. — Mais le lieu ? […] Tout cela a contribué à une unité du lieu stricte, dont on a eu le tort de faire une règle absolue. […] Francillon (1887) a trois actes dans le même lieu (unité stricte). […] Unité de lieu relative ; temps total : soixante heures en quatre jours consécutifs. […] Pas d’unité de lieu.