Celui qui devait être évêque, apologiste et démonstrateur du christianisme, et qui, dans le cours de sa vie, devait lire vingt-quatre fois, d’un bout à l’autre, le texte hébreu des Écritures, traduisit d’abord du grec en latin la jolie et très libre pastorale de Daphnis et Chloé, sans trop se douter, dit-il, qu’il y eût là danger pour son innocence. […] Il passa donc toute sa jeunesse en savant dégagé et libre, se promenant avec une curiosité infatigable dans le champ du savoir et de l’esprit humain, véritable amateur, au sens antique, parcourant toutes les sciences sans s’attacher à aucune, n’excluant rien, ne méprisant rien, mais se gardant aussi de surfaire. […] L’étude était si naturellement son fait et sa vocation, sa passion à la fois et son jeu, que, loin de le fatiguer, elle le laissait toujours plus libre, plus allègre et plus dispos après qu’auparavant.
Ses deux premiers pamphlets, antérieurs à son journal, sont La France libre et le Discours de la lanterne aux Parisiens. La France libre est un pamphlet purement républicain et démocratique dès 1789. […] Il l’avait dit dans sa France libre : « La mort éteint tout droit.
J’ose dire : Je suis né libre, dans des lieux où tout me crie : Non, tu ne l’es pas ! […] C’est l’honneur, disons-le hautement, c’est le rachat moral de Mirabeau d’avoir ainsi souffert, d’avoir été homme en tout, non seulement par ses fautes, par ses entraînements, et, nommons les choses à regret, par ses vices, mais aussi par le cœur et par les entrailles ; d’avoir été pauvre et d’avoir su l’être ; d’avoir été père et d’avoir pleuré ; d’avoir été laborieux comme le dernier des hommes nouveaux ; d’avoir été captif et persécuté, et de n’avoir point engendré le désespoir, de ne s’être point aigri ; d’avoir prouvé sa nature ample et généreuse en sortant de dessous ces captivités écrasantes, à la fois dans toute sa force et dans toute sa bonté et même sa gaieté, ni énervé, ni ulcéré, sans ombre de haine, mais résolu à conquérir pour tous, à la clarté des cieux, les droits légitimes et les garanties inviolables de la société libre et moderne. […] Demander de la fidélité à Mirabeau libre et courant le monde, c’eût été en demander aux Thésée, aux Hercule, à ces héros volages et robustes de l’Antiquité.
Lorsqu’en germinal an V (avril 1797) Marmontel, retiré à son hameau d’Abloville, fut nommé membre du Conseil des Anciens par le département de l’Eure, il fut expressément chargé par ses commettants de défendre dans l’Assemblée nationale la cause de la religion catholique, alors proscrite et persécutée, et il composa à cet effet un discours qu’on peut lire, sur le libre exercice des cultes. […] Pas un vice qui les dégrade, pas un regret qui les flétrisse, pas une passion qui les attriste et les tourmente ; elles sont libres de cette liberté qui est la compagne de la joie, et sans laquelle il n’y eut jamais de pure et durable gaieté. […] Il suffit de lire sa correspondance avec Voltaire pour voir que son âme n’était pas libre des animosités philosophiques et des passions de secte.
Né au Havre le 19 janvier 1737, d’une famille originaire de Lorraine, qui aurait aimé à descendre de l’Eustache de Saint-Pierre de Calais, et qui, en tout, avait plus de prétentions que de preuves, Bernardin de Saint-Pierre reçut une éducation très libre et irrégulière, très coupée, mais où la nature, l’Océan et la campagne tinrent du premier jour beaucoup de place. […] quand pourrai-je, s’écrie-t-il, respirer le parfum des chèvrefeuilles, me reposer sur ces beaux tapis de lait, de safran et de pourpre que paissent nos heureux troupeaux, et entendre les chansons du laboureur qui salue l’aurore avec un cœur content et des mains libres ! […] D’ailleurs les circonstances ne m’ont pas mis à portée de voir M. le maréchal de Castries assez libre pour lui parler de ce qui vous intéresse.
Quant aux réformes elles-mêmes, le jugement qu’en porte Cassagnac est plus favorable que je ne l’aurais pensé à l’avance, venant d’une si haute intelligence historique et si libre des préoccupations contemporaines. […] Quoi qu’elles fussent, du reste, elles n’attestaient qu’une seule chose : l’action directe et libre de la royauté. […] Effroyable égalité des êtres libres !
Le style se débarrassa de ses entraves ; la pensée fut libre, la marche rapide, et le langage put se prêter avec souplesse à suivre tous les mouvements de l’âme, comme un danseur qui accompagne la mesure et suit l’instrument sans que rien le gêne, au gré de son oreille ralentit ou précipite ses pas. […] si Philippe était mort, demain vous feriez un autre Philippe. » C’est dans la chambre des communes, c’est devant cinq cents hommes assemblés qu’un orateur anglais, dans une séance qui avait duré un jour entier, et où l’on proposait de remettre une affaire importante au lendemain, s’écria : « Non ; je veux savoir aujourd’hui, et avant de me retirer, si je me coucherai ce soir citoyen libre d’Angleterre, ou esclave des tyrans qui veulent m’opprimer. » C’est dans la même chambre qu’un orateur voulant décider la nation à la guerre, après une journée entière de débats, le soir, à la lueur sombre des flambeaux qui éclairaient la salle, peignit le fantôme effrayant d’une domination étrangère, qui voulait, disait-il, remplir l’Europe, et après s’être étendu dans le continent, allait traverser les mers, allait aborder sur leur rivage, et apparaître tout à coup au milieu d’eux, traînant après lui la tyrannie, la servitude et les chaînes. […] L’éloquence s’éleva donc surtout dans la chaire, et c’est là qu’elle parvint à sa plus grande hauteur ; car pour être vraiment éloquent, on a besoin d’être l’égal de ceux à qui l’on parle, quelquefois même d’avoir ou de prendre sur eux une espèce d’empire ; et l’orateur sacré parlant au nom de Dieu, peut seul déployer dans les monarchies devant les grands, les peuples et les rois, cette sorte d’autorité et cette franchise altière et libre, que dans les républiques l’égalité des citoyens, et une patrie qui appartenait à tous, donnait aux anciens orateurs.
Ce sont eux qui vous feront une âme française et, n’en doutez pas, un esprit libre. […] Eût-on voulu se retenir une fois sur cette pente, on n’en était plus libre. […] Flaubert en est libre. […] Il ravit selon le juste sens du mot ; il nous ravit d’un monde de gêne dans un monde de libre action et d’allures sans contrainte. […] Libre, toujours plus libre, il court d’un pas joyeux, sous un ciel sans nuage, en des régions fleuries où le souci s’évapore à peine s’y est-il glissé.
Et, tout en conversant avec son interlocuteur, chacun d’eux laissait libre cours à son tic familier.
Libre à lui de revendiquer ce dernier trait comme un éloge ! […] Il n’est pas libre, parce qu’il est obligé pour vivre de se plier aux volontés du riche ; il n’est pas libre, parce que dans la lutte pour l’existence, il se trouve nécessairement moins armé que le riche. […] Je la connais de longue date, cette théorie qui dit à l’homme : Pense-toi libre pour être libre. […] Et ne suis-je pas libre à tout moment de vouloir ce qu’il me plaira ? […] Libre sans doute à M.
Par bonheur, je reste libre. […] Mais la vie à l’air libre était décidément trop dure : il se résigna à reprendre le chemin des villes. […] Les lignes y étaient très simples, très libres et très fortes. […] Dans la critique et dans l’histoire, ils ne voyaient qu’un prétexte au libre développement de leur fantaisie poétique. […] Maintenant je suis libre.
Une renaissance de la pensée libre éclatait sur l’Europe. […] Leur fille était née dans une atmosphère plus libre que celle de Genève, ville théologique où respire toujours le souffle contentieux de Calvin ; elle vivait depuis son enfance sur les genoux des philosophes, elle inclinait par sentiment comme par éducation vers la religion philosophique de son père. […] Gibbon y était venu d’Angleterre pour être plus libre dans ses jugements sur les religions et sur la société ; il y avait écrit, pendant une séance de dix ans, la grande histoire de la décomposition et de la transformation de l’empire Romain par le christianisme. […] Il aurait accepté volontiers les services de madame de Staël esclave ; mais le contraste de madame de Staël libre dans un pays asservi lui répugnait.
D’esprit plus libre, d’ailleurs, que les poètes de la Pléiade, Horace fut, à tort ou à raison, ce que nous appellerions aujourd’hui un enragé moderniste. […] Cinq ou six fois du moins, Vigny a su inventer, pour les idées les plus profondes et les plus tristes, les plus beaux symboles et les mythes les plus émouvants, et fondre de telle sorte la pensée et l’image que les objets sensibles sont, chez lui, tout imprégnés d’âme, que la forme précise et rare y est suggestive de rêves infinis, et que ses vers, signifiant toujours au-delà de ce qu’ils expriment, retentissent en nous longuement et délicieusement, y parachèvent leur sens et s’y égrènent en échos lents à mourir… Et c’est, comme vous savez, une poésie de cette espèce, plus libre seulement et plus fluide, mais pareillement évocatrice, que poursuivent les derniers venus de nos joueurs de flûte. […] Il oppose très heureusement, à l’« association forcée » qu’est le socialisme, les associations libres. Il pense que l’État doit les favoriser, tout en les laissant libres en effet.
Les peuples libres ont un esprit de propriété pour tous les genres de gloire qui illustrent leur patrie ; et ce sentiment doit inspirer une admiration qui exclut toute espèce de critique. […] Une nation devenue libre, dont les passions ont été fortement agitées par les horreurs des guerres civiles, est beaucoup plus susceptible de l’émotion excitée par Shakespeare, que de celle causée par Racine.