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42. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

La Défense et Illustration de la langue française. — 2. […] Élargissement de la langue : procédés de Ronsard. — 4. […] La langue Pour la langue, les Romains se faisant d’après les Grecs un vocabulaire philosophique, scientifique et même poétique, indiquaient à la nouvelle école la méthode à suivre : et l’on voit tout de suite le danger. […] Et l’histoire de la langue ne nous fait-elle pas voir dans de nombreux cas cette pénétration de notre pur français par les dialectes de langue d’oïl qu’il a supplantés et relégués au fond des champs ? […] On le voit, le système de Ronsard n’a rien en soi de très déraisonnable, ni de très contraire au génie de la langue.

43. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Illustration de la langue française, par Joachim du Bellay. — § III. […] L’érudition qui avait inspiré Rabelais, qui avait armé Calvin de son invincible méthode, après avoir renouvelé la langue de la prose, allait renouveler la langue de la poésie. […] Qui donnera à la langue vulgaire des formes qui égalent ces grandes pensées ? […] Tous ces moyens d’enrichir la langue sont matériels. […] Le rapport intime qui, dans notre langue, lie entre elles la prose et la langue poétique, lui échappa ; et, venu après Rabelais et Calvin, il ne prit pas dans leurs beaux endroits l’exemple de tirer sa langue de sa raison et de sa sensibilité, plutôt que de sa mémoire.

44. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

. — Système des langues. — Premiers symptômes d’idéologie. […] de ces mérites des langues vieilles et rationnellement perfectionnées ! […] Les langues sont nées de la race, et de tout ce qui affectait les sens à l’entour, du sol, du ciel, du paysage ; toutes ces circonstances se sont réfléchies indirectement dans les mots, dans les sons qui les composent. « Est-il bien vrai, se demandait-il, que notre langue soit inférieure à la langue grecque ? […] C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. […] Mais les langues, toujours par l’effet d’un système, n’y tiennent pas assez de place.

45. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Les vieux monuments de la langue latine, sous ce rapport, nous raconteront, plus tard, comme la Bible. […] « Tant que l’on conserve, comme cela a lieu dans les langues primitives, la double intelligence du sens physique et de son analogie avec le sens intellectuel, les mots restent des peintures à double fonction ; les langues sont figurées et poétiques. […] « En Europe, où nos langues ne sont que des langues dérivées, la valeur des mots qui peignent à la fois le rapport physique, ou l’être physique, avec le rapport analogique intellectuel ; s’est presque totalement perdue. Cet événement avait eu lieu dans les langues primitives ; mais il est bien plus promptement survenu dans les langues dérivées. […] N’est-il pas évident que l’abstrait se dégage du concret, et que chacun est tenu de faire sa langue pour la conformer à sa pensée ?

46. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Sa Défense et Illustration de la Langue française a été réimprimée une première fois, en 1839, par M.  […] Ce petit livre représente un moment de la langue. […] Et moi je dirai en parodiant le poète : il n’y a pas de plus grand honneur que de combattre pour la langue de la patrie. […] Il est faible sur les origines du langage, on le conçoit aisément, et sur les origines de notre langue en particulier. […] La vieille langue nationale elle-même ne fut pas sacrée pour les mains de ces réformateurs : ils la remirent sur le métier et la fabriquèrent une seconde fois.

47. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il est faible et presque nul sur les origines gauloises de la langue. […] Vous qui lisez en leur langue Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, essayez un peu, passez de l’original à la traduction, et vous verrez ! […] Nisard, ne veut même pas qu’on imite d’une langue moderne à une autre langue moderne : c’est le moyen de prendre avant tout les défauts les uns des autres. […] de détourner de l’étude des langues anciennes ; mais il est pour l’abréviation de cette étude et pour la divulgation de la vérité en toute langue. […] Pétrarque et Boccace ont acquis leur vraie gloire bien moins en composant en latin qu’en écrivant dans leur langue.

48. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il ne donna pas de chef-d’œuvre littéraire à la langue, excepté dans le badinage, mais il lui donna la liberté de style, et avec la liberté, dix langues pour une. […] Ce seul service rendu à la langue française ferait aussi de lui un grand inventeur. […] Mais c’est que Buffon leur avait préparé leur langue dans un autre idiome. […] Chaque vérité proclamée ou décrétée devenait un morceau de notre langue. […] Quelle influence pouvait-elle avoir sur la langue et sur la littérature française ?

49. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Or le poëme dont nous n’entendons point la langue, ne sçauroit nous être connu par le rapport du sens destiné pour en juger. […] D’ailleurs, il est très-rare que les figures qu’on regarde comme rélatives en deux langues, y puissent avoir précisément la même valeur. […] Un mot qui aura précisément la même signification dans les deux langues, ne peut-il pas encore, quand il est consideré en tant que simple son, et pris indépendamment de l’idée, laquelle y est attachée, se trouver plus noble en une langue qu’en une autre langue, de maniere qu’on rencontrera un mot bas dans une phrase de la traduction où l’auteur avoit mis un beau mot dans l’original. […] Les mots traduits d’une langue en une autre langue peuvent encore y devenir moins nobles et y souffrir, pour ainsi dire, du déchet par rapport à l’idée attachée au mot. […] Les images et les traits d’éloquence perdent toujours quelque chose quand on les transplante de la langue en laquelle ils sont nez.

50. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Notre langue n’a rien à perdre pour se sentir plus arrêtée dans ses contours, plus dégagée dans ses allures, plus ferme dans sa marche, en allant droit devant elle, comme vers un but, à l’expression définitive de la pensée, sans s’attarder en mille détours comme la langue allemande, embarrassée d’incises, d’inversions et de toute sorte d’ambages. […] Encore me prendrais-je à contester que notre langue ne soit pas, sinon au même degré que l’espagnol et l’italien, au moins à un très haut peint, une langue musicale en dépit de certaines assonances trop lourdes, une langue réellement douée de sonorité rythmique et de mélodieuse douceur. […] Demandez-vous au contraire à notre langue française la cadence et la suavité de l’italien ? […] On s’est plaint très souvent des difficultés rebutantes de notre langue poétique, de l’indigence de nos ressources en fait de versification. […] Au moyen âge, notre Poésie sous deux formes s’imposa comme un modèle aux autres peuples : sous la forme lyrique dans le dialecte provençal, la langue d’oc ; sous la forme épique, dans le dialecte qui est devenu le français, la langue d’oïl.

51. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

La langue et les institutions marchent en même temps : l’une est l’expression des autres. […] La poésie est une langue, et non point une forme d’une langue ; la poésie est universelle, et non point locale : c’est la parole vivante du genre humain. […] La langue latine n’a plus rien à nous apprendre : tous les sentiments moraux qu’elle devait nous transmettre sont acclimatés dans notre langue ; elle n’a plus de pensée nouvelle à nous révéler. […] Les langues orientales contiennent des trésors que nous commençons à peine à soupçonner. […] Ce n’est plus un fait dont on puisse douter que la filiation des langues de l’Orient et des langues de l’Occident ; mais il ne nous suffit point de connaître le Nil par ses bienfaits ; il faut remonter, s’il est possible, jusqu’à sa source mystérieuse et connue.

52. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Dans cette traduction célèbre, la seule qui ait eu la gloire des ouvrages originaux, il mit l’esprit français en présence de l’esprit ancien, et notre langue en regard de la plus riche des deux langues de l’antiquité. […] Le grec avait été la langue de l’hérésie ; or, l’hérésie ayant eu le dessous, le grec était vaincu ! […] Quant au caractère de sa langue, les latinismes lui sont en effet maternels. […] La langue de Montaigne n’est pas une des moindres séductions de ce grand écrivain. […] Préface des Remarques sur la langue française.

53. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Chapitre IV La langue française et la Révolution. — Le jargon du système métrique. — La langue traditionnelle des poids et mesures. — La langue des métiers : la maréchalerie, le bâtiment, etc. — Beauté de la langue des métiers, dont l’étude pourrait remplacer celle du grec. […] Comme les Poids et Mesures, la plupart des métiers ont eu à subir l’assaut du gréco-français, mais la plupart ont assez bien résisté, opposant au pédantisme la richesse de leurs langues spéciales créées bien avant la vulgarisation du grec. […] La vénerie et le blason possèdent des langues entièrement pures et d’une beauté parfaite ; mais il m’a semblé plus curieux de choisir comme type de vocabulaire entièrement français celui d’une science plus humble, mais plus connue, celui de l’ensemble des corps de métier nécessaires à la construction d’une maison. […] 45 », et l’on verra que tous les outils, tous les travaux de tous ces ouvriers ont trouvé dans la langue française des syllabes capables de les désigner clairement. La lente organisation d’une telle langue fut un travail admirable auquel tous les siècles ont collaboré.

54. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Il faut que cela suffise, car on ne peut invoquer ni la phonétique, ni, sans doute, une langue antérieure où toutes les langues auraient puisé, ni les communications interlinguistiques. […] Beaucoup de ces mots ont également servi à former des dérivés dont le sens, tout métaphorique, est identique en beaucoup de langues. […] Dans presque toutes les langues son nom est une antiphrase. […] Les langues sémitiques ont des expressions pareilles : en arabe chems, soleil, et echchems, tournesol. […] Les langues sont nommées dans l’ordre de la fréquence de leurs métaphores identiques aux métaphores françaises.

55. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Desseins et théories de Malherbe : la réforme de la langue. […] Réforme de la langue et de la poésie. […] Esprit exact plutôt que vaste, minutieux, formaliste, il s’attache passionnément à perfectionner la langue. […] Il tend visiblement à constituer la langue comme une sorte d’algèbre, à donner à la phrase une rectitude géométrique. […] Si l’on compense les critiques que cet enragé contradicteur adressait à Desportes par sa plus ordinaire pratique, on se persuadera qu’il ne reconnaît point une langue poétique plus noble que la langue épurée du bon usage : il distingue très sensément la langue commune des langues techniques, et pour la clarté, il se réduit à celle-là ; mais, de celle-là, tout est bon, et les trivialités énergiques de ses plus beaux vers nous démontrent que le principe unique de la noblesse du style réside pour lui dans la qualité de la pensée.

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