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340. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

L’abbé Monnin n’a jamais entendu, ni personne que ceux auxquels le Curé d’Ars s’adressait dans ce tête-à-tête sublime de la confession entre le prêtre et son pénitent, les paroles irrésistibles qui ont dû lui tomber des lèvres, à cet Inspiré de la conscience, mais il l’a entendu souvent dans ses instructions et ses catéchismes, et ce qu’il s’en rappelle et en cite est d’une beauté de langage qui défie les plus beaux langages de la terre.

341. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Cristal de dimension étroite, le Sonnet humouristique, composé d’un petit nombre de facettes d’une géométrie régulière, doit donc allier à ce qu’il y a de plus rigoureux dans le langage ce qu’il y a de plus ondoyant dans la pensée ! […] Le poète qui a écrit L’Influenza, La Note éternelle, Un soir d’été, La Colombe, L’Ancolie, A Éva, Sur la Montagne, Dans les Bois, Dans la Grotte, Dans les Ruines, Stella, La Canne du Vieux, Abîme sur Abîme, Hermès, ou, pour mieux parler, car il faudrait tout citer, les Cent soixante-douze Sonnets du recueil, qui sont, à bien peu d’exceptions près, presque tous, à leur façon, des chefs-d’œuvre, est certainement plus qu’un artiste de langue et de rythme, introduisant, à force d’art et de concentration, je ne sais quelle téméraire plastique dans le langage.

342. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Molière fait parler chaque caractère selon sa condition ; le style est une partie de la vérité du rôle, et blâmer dans ses pièces le jargon provincial, campagnard ou populaire, c’est reprendre le choix des personnages et des sujets qui exigent ces formes du langage : ce qui change totalement la question. Mais, au fond, ce que n’admettent pas La Bruyère, Fénelon et Vauvenargues, c’est que Molière n’emploie pas le langage des honnêtes gens, le langage épuré des précieuses et de l’Académie, qu’on parle dans les salons et qu’on écrit dans les livres. […] Ses règles, à lui, sont la justesse et l’énergie, et la convenance dramatique : il observe celle-ci jusqu’à parler, quand il faut, le pur langage des ruelles et de la cour. […] Le peuple honnête, rude en ses manières, cru en son langage, solidement loyal et bon, est représenté par les servantes.

343. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il faut donc, jusqu’à ce qu’il se rencontre un écrit qui montre une première image de l’esprit français, et marque une première époque de la langue littéraire, se borner à caractériser ce fonds commun de langage qui a été d’usage général, avant les premiers monuments auxquels la France se soit reconnue. […] Cette origine, c’est le latin ; cette division en dialectes est un effet de la féodalité, qui avait constitué, sur le sol français, des nations distinctes, parlant un langage différent. […] Ainsi, aux inversions imitées du latin se mêlent déjà beaucoup de phrases directes ; et les inversions elles-mêmes semblent être choisies parmi celles qui se rapprochent le plus du langage uni. […] Changez l’orthographe c’est une vérité de tous les temps exprimée dans un langage définitif. […] De là cette franchise de langage, ce cours naturel de son style, selon l’expression si juste de M. 

344. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Ce n’est pas au langage que cet Orateur s’attache ; il s’abandonne à son enthousiasme, & dédaignant la froide élégance, il exprime tout avec une énergie qui lui est propre. […] Ceux qui pourront conférer le texte de Démosthènes avec le langage que lui fait parler le traducteur, verront bien qu’il n’a pas cherché comme M. de Tourreil, qui avoit traduit les Philippiques avant lui, à lui donner de l’esprit, mais à représenter fortement & naïvement son vrai caractère. […] L’on en est bien dédommagé par la beauté & la vivacité des images, par les pensées délicates, par les peintures ingénieuses, mais fidéles de nos mœurs, par un style sentencieux, enfin par un langage clair, noble & coulant, presque tout emprunté de l’Ecriture sainte. […] La justesse, l’élégance, la pureté de langage, caractérisent les Sermons de l’Abbé Anselme ; mais on y souhaiteroit plus de cette chaleur & de cette force qui est nécessaire pour porter la vérité & la terreur jusqu’au fond de l’ame. […] Il n’y a pas tant d’élégance, ni une si grande pureté de langage, au jugement de M. l’Abbé Colin, dans Bossuet, que dans Fléchier ; mais on y trouve une éloquence plus forte, plus mâle, plus nerveuse.

345. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

» La littérature ressemble aujourd’hui à ce preux imbécile, et l’on peut lui tenir le même langage. […] Elle parle encore une langue étrange, barbare ; elle est hérissée de termes singuliers comme une forteresse est hérissée de canons : il faut lui enseigner notre langage sonore, imagé, facile et à la portée de tous ; il faut la désarmer et lui mettre les diaphanes vêtements de la paix. […] Ce langage impossible que les savants parlent entre eux, c’est à nous de l’étudier, de connaître ses secrets, afin de pouvoir expliquer à ceux qui les ignorent les étranges spectacles qui nous entourent. […] Pour les savants, le Cosmos est insuffisant ; il s’arrête à des descriptions inutiles, il substitue parfois la poésie à la science ; il oublie souvent la formule pour parler un langage humain ; il cherche à intéresser et sort volontiers du tabernacle où seuls les élus peuvent pénétrer ; au lieu de cacher son Dieu, il le montre. […] Eh bien, donnez ce livre à un poëte, à un homme familiarisé avec les ressources du langage, avec la valeur des mots, avec la science des effets, et il vous fera trois volumes plus amusants que tous les romans, plus intéressants que toutes les chroniques, plus instructifs que toutes les encyclopédies.

346. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Sans cette sincérité matérielle, sans les attitudes et le langage qu’une longue pratique de l’hypocrisie a convertis chez lui en gestes naturels, Tartuffe serait simplement odieux, parce que nous ne penserions plus qu’à ce qu’il y a de voulu dans sa conduite. […] Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. […] Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. […] Et pour nous induire à tenter le même effort sur nous-mêmes, ils s’ingénieront à nous faire voir quelque chose de ce qu’ils auront vu : par des arrangements rythmés de mots, qui arrivent ainsi à s’organiser ensemble et à s’animer d’une vie originale, ils nous disent, ou plutôt ils nous suggèrent, des choses que le langage n’était pas fait pour exprimer. — D’autres creuseront plus profondément encore. […] Mais le moyen le plus usité de pousser une profession au comique est de la cantonner, pour ainsi dire, à l’intérieur du langage qui lui est propre.

347. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Quarante ans est un âge impardonnable, ce qui, dans le langage du peuple, Halévy, veut dire qu’il ne pardonne rien. […] Et le monde ouvrier aussi, (à part), qui se tient, qui existe, le système ouvrier, le langage ouvrier ; et aussi le monde paysan, (à part), qui se tient, qui existe, le système paysan, le langage paysan. Le monde pauvre, le système pauvre, le langage pauvre. […] Un mot, un propos, commencé, lancé dans un certain sens, dans et sur un certain plan, dans un certain langage, a été continué, reçu dans un autre sens, tout autre, dans et sur un (tout) autre plan, dans et sur un (tout) autre langage. […] Il faut pourtant bien que je déclare que nous les gars de la Loire, c’est nous qui parlons le fin langage français.

348. (1887) Essais sur l’école romantique

La postérité sacrifierait un homme de génie, s’il s’en rencontrait un qui s’avisât de fonder un système de poésie sur des violations volontaires, soit du génie, soit du langage national. […] Il demande à la nuit qui lui a donné ce muet langage, compris seulement des poètes, des amants, des malheureux, d’où vient que l’homme a peur par une nuit noire, quoique tout dorme autour de lui, même le mal. […] C’est de la poésie pour les lecteurs des romans de madame Cottin ; cela plaît aux femmes de chambre, qui aiment qu’on leur parle un langage qui ne soit pas peuple ; cela semble du sentiment aux grisettes. […] Le bon sens classique m’est revenu au moment où j’avais assez corrompu mon langage par la recherche et la subtilité, pour être encouragé et même goûté par quelques écrivains allemands. […] La gloire de nos grands poètes, c’est surtout d’avoir exprimé dans un langage parfait, des vérités de la vie pratique ; c’est d’avoir créé en quelque sorte la poésie de la raison.

349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Des Rieux, Lionel (1870-1915) »

Son présent volume, Les Colombes d’Aphrodite, est un parfait exercice de rhétoricien, avec des recherches attardées de langage et une affectation d’anti-modernisme qui est moderne tout de même.

350. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 403-404

La profondeur des pensées, la force du raisonnement, la noblesse & la pureté du langage, y vont toujours de pair avec la chaleur de l’imagination, la vivacité du sentiment, & l’énergie de l’expression.

351. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 427-428

L’éloquence de Démosthene & celle de Cicéron pâlissent presque toujours sous son pinceau grammatical, & pour trop craindre de s’écarter du véritable sens des originaux & de la pureté du langage, il ôte en quelque sorte la vie à ses Modeles.

352. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 222-223

Il faut cependant convenir qu’il a surpassé son Maître, c’est-à-dire, que, né avec plus d’esprit, ayant moins écrit, ses Ouvrages sont plus purs, plus exacts du côté du langage.

353. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

et que le langage y a moins évolué, comme nous dirions aujourd’hui ? […] Le langage de M.  […] Le langage seul l’étonnerait. […] Tout ce langage, dont je viens de vous distribuer quelques lambeaux, et non pas peut-être ceux de la couleur la plus criante, tout ce langage doit se justifier ou s’expliquer par le point de vue d’où l’auteur a conçu son ouvrage. […] L’auteur a trop fait passer de son sujet dans son langage le gigantesque et l’énorme.

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