Aujourd’hui elle a quitté ses champs, et laissé là ses moeurs. […] La bourgeoisie fera bien de laisser l’administration comme la guerre aux seigneurs. […] Mais laissons là ces gens. […] Adieu je perds mon temps ; laissez-moi travailler. […] Va-t’en, suis ta route, et me laisse.
C’est une horrible dissection de génie, faite avec un cynisme qui ne laisse rien d’une société sans y toucher, et qui ferait frémir, si elle ne violait le rire. […] Ce jour-là, il fait mettre un tapis sur l’escalier, et emprunte au portier les fleurs que la Deslions lui a laissées, en quittant la maison. […] Le fœtus enfin, dessine l’être créé et le laisse apparaître : la tête n’écrase plus les membres, le corps se fonde et s’établit ; et voici, à quelques mois, l’enfant à peu près tel qu’il doit naître. […] — Elle vendait des fleurs… ils ne veulent pas et ils laissent les Italiens… la rousse ne leur dit rien. […] La princesse qui a les yeux un peu fatigués, n’est pas en train de travailler, et se laisse aller à retrouver, à revoir son passé.
Sa perte cruelle a été si imprévue et si soudaine, qu’elle a porté, avant tout, de l’étonnement jusque dans notre douleur, bien loin de nous laisser la liberté d’un jugement. […] Nous ne le suivrons point ici pas à pas dans la série d’articles qu’il laissa échapper durant les premières années, et qui n’étaient que le trop-plein de ses études constantes. […] Il réussit bien mieux qu’aucun article du Moniteur n’a jamais fait, il laissa son public tout enflammé et résolu à mourir. […] Le bon sens d’Érasme, la probité de L’Hospital, ce fut là le double programme de ces politiques d’abord raillés par tout le monde, de ce tiers-parti « auquel, dit d’Aubigné, les réformés croyoient aussi peu qu’au troisième lieu, qui est le purgatoire. » Mais laissez faire le temps, laissez les passions s’amortir, laissez l’esprit français, avec sa logique droite, se retrouver dans ce pêle-mêle, et ce parti grandira, et on saura les noms des magistrats intègres qui l’appuient : Tronson, Édouard Molé, de Thou, Pasquier, Le Maistre, Gay Coquille, Pithou, Loisel, Montholon, l’Estoile, de La Guesle, Harlay, Séguier, Du Vair, Nicolaï ; on devinera les auteurs de la Ménippée, Pierre Le Roy, Passerat, Gillot, Rapin, Florent Chrestien, Gilles Durant, honnêtes représentans de la bourgeoisie parisienne. […] Non, tout de lui ne périra point ; quelques-uns de ses écrits laisseront trace et marqueront son passage.
Et, s’il survit, il régnera comme auparavant sur cette terre. » — Trait profond et savamment aiguisé : sous la mère alarmée et qui allait attendrir, Eschyle laisse percer l’arrogance de la royauté asiatique ; il lui fait prononcer des mots odieux aux âmes et aux oreilles libres : la pitié s’éteint à peine excitée. […] Qui, parmi ceux portant le sceptre, ont laissé leur armée sans commandement ? […] « Infatué par un vain espoir, Xerxès a laissé là une armée choisie. […] C’est maintenant un juge sévère, qui recherche et qui interroge, — « Où as-tu laissé l’élite de tes amis, ceux qui se tenaient debout à ton côté ; Pharandacès, Susas, Pélagon, Datamas et Agdabatas, Psammis, Susicanès qui, pour te suivre, partit d’Echbatane ? […] Et Parthos, et le grand Oebarès, où les as-tu laissés ?
Mais, puisque vous avez si peu d’égard à mon contentement et que vous préférez vos fantaisies à mes prières, je ne vous en parlerai plus, vous laisserai vivre à votre mode, comme je ferai aussi moi à la mienne. […] Que si par vanité vous vous les rendiez incompatibles, vous me donneriez sujet de ne vous laisser que la dernière. […] Rosny, en plus d’une action et en plus d’une conversation, laissait voir ainsi le trait d’esprit gaulois, et, quand il se déridait, il avait de la vieille plaisanterie de nos pères. […] En continuant les Mémoires et en y revenant à diverses reprises, selon qu’ils se remplacent les uns les autres et qu’ils se succèdent, ils sont les premiers à reconnaître qu’ils ont excédé le dessein primitif et qu’ils se sont laissé aller à des digressions, à des prolixités involontaires. […] Sur ces grands et derniers secrets d’État, Sully laisse beaucoup à deviner, même à ses secrétaires, qui s’en tirent comme ils peuvent avec les papiers trouvés dans ses armoires.
Pensez-en ce que vous voudrez ; Mézeray vous en laisse pleine liberté. […] Si un historien de nos jours, me racontant ces scènes du xvie siècle, me le dit, je ne le crois qu’avec une certaine méfiance ; mais la date de Mézeray le laisse à cent lieues de nos réminiscences et de nos allusions ; et c’est pour cela qu’il y a une partie de l’histoire qu’il faut continuer de lire dans les originaux ou chez les rédacteurs et compilateurs naïfs qui en tiennent lieu. […] Une des choses qui me plaisent le plus dans Mézeray, à côté de l’agencement plein et facile de la narration, c’est le talent naturel et presque insensible avec lequel sont traités les caractères ; on les voit se développer successivement et sans parti pris selon les circonstances, avec tous leurs flux et reflux de passions ; Mézeray ne les fait jamais poser, il les laisse marcher et on les suit avec lui. […] Sur le chapitre des finances, il s’était laissé aller à son antipathie naturelle et avait trop oublié qu’il n’écrivait plus en temps de Fronde. […] Mézeray ne se laissait trop tirer par personne.
L’Université, dirigée par des chefs illustres, peuplée de maîtres habiles, ne laissait rien à désirer pour la solidité et l’éclat des études littéraires classiques ; les hautes sciences trouvaient aussi toute satisfaction en elle. […] Le monde a changé de tour et de manière de voir ; il est devenu positif, comme on dit : je le répète sans idée de blâme : car, si par positif on entend disposé à tenir compte avant tout des faits, y compris même les intérêts, — disposé à ne pas donner à la théorie le pas sur l’expérience, — disposé à l’étude patiente avant la généralisation empressée et brillante, — disposé au travail et même à la discipline plutôt que tourné à la fougue sonore et au rêve ; si par positif on entend toutes ces choses et d’autres qui peuvent devenir d’essentielles qualités, au milieu de tout ce que laisserait de regrettable l’espèce des qualités et des défauts contraires, il y aurait encore de quoi se raffermir et se consoler. […] Et pour la chimie, par exemple, telle que doivent l’apprendre les élèves de la section littéraire, en seconde et en rhétorique, laissons parler le programme : Après ces premiers pas (les premières définitions et notions données en troisième), les études se spécialisent ; mais qu’on se garde d’aller trop loin. […] En remerciant donc les lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici avec tant de bienveillance dans mes excursions toutes modernes, j’ai besoin de leur demander de me laisser pour quelque temps interrompre ces communications habituelles : le jour où je me sentirais en mesure de les reprendre, serait, on peut le croire, un jour heureux pour moi. […] Fortoul est mort subitement à Ems, le 7 juillet 1856, et l’on peut dire qu’en disparaissant si tôt, il a laissé son idée orpheline.
Nous connaissons ce sang illustre en qui toutes les grandeurs de la terre se trouvent assemblées, et qui tient par tant d’endroits à tant de maisons souveraines ; nous vous voyons revêtu du titre auguste qu’un de nos rois a dit être le plus glorieux qu’on pût donner à un fils de France (le titre de pair) ; nous respectons en vous le sacré caractère que le fils de Dieu a laissé dans son Église comme le plus grand de ses bienfaits ; et cependant, monsieur, ce n’est pas à toutes ces qualités éclatantes que vous devez les suffrages de notre compagnie ; c’est à un esprit plus noble encore que votre sang, plus élevé que votre rang. […] Nous sommes au plus fort de cette pluie d’épigrammes fines qui ne laisse pas de répit et qui ne cesse plus : La véritable éloquence, poursuivait sans pitié l’abbé de Caumartin, doit convenir à la personne de l’orateur : la vôtre ne laisse pas ignorer à ceux qui vous entendent ou qui vous lisent, d’où vous venez et ce que vous êtes. […] Tout ce qu’il y a de plus grand dans les saints qu’elle célèbre vous appartient… Vous êtes encore plus riche de votre fonds que des titres que vous ont laissés vos ancêtres. […] L’évêque de Noyon, ainsi que nous l’avons vu, avait fait son devoir de récipiendaire : nous laisserons à décider si l’abbé de Caumartin fit son devoir de directeur. […] » Je retire donc ma remarque, et si je laisse l’endroit, c’est pour montrer combien nos jugements rapides sont incertains et pour avertir que je ne livre mes conjectures que sous bénéfice d’inventaire.
Il écrivait beaucoup, et les papiers qu’on a de lui sont considérables ; entre autres ouvrages, il a laissé un livre de Considérations sur le gouvernement de la France, qui a circulé longtemps et a été lu en manuscrit avant d’être imprimé. […] Il semblerait donc que le marquis d’Argenson fût suffisamment connu et qu’il n’y eût aujourd’hui qu’à résumer les impressions et jugements que nous laissent ces diverses lectures. […] Notre façon d’être ne la détournait point de nous laisser suivre nos habitudes. […] Je laissai dire, je commençai. […] Ce n’est pas un écrivain, il est vrai, mais il a sa manière de parler et de dire qui, pourvu qu’on la lui laisse et qu’on n’y fasse pas de demi-toilette, a son caractère et son originalité.
Cet échec final, qui concourt avec la chute de l’Ancien Régime et la défaite de la monarchie, a laissé une ombre sur la figure de Besenval : on se le représente volontiers malencontreux et disgracié de la fortune, comme les généraux vaincus devant les révolutions. […] M’étant intimement lié avec le comte de Frise, je lui inspirai assez de confiance pour me laisser toujours voir ce qui se passait dans son âme ; j’en étais souvent révolté, je lui faisais quelquefois des représentations ; mais, entraîné par la faiblesse que j’avais pour lui et par la séduction, je ne pouvais m’en détacher. […] Mme Campan, dans ses mémoires, a donné sur ce point un éclaircissement qui, si on l’accepte, ne laisserait rien à désirer. […] Les notices que j’ai sous les yeux laissent à désirer pour la précision. […] [NdA] C’est là une opinion particulière à Besenval, et dont il faut lui laisser la responsabilité.
Un des amis de ce dernier et qui paraît avoir été un homme des plus distingués, bien qu’il n’ait guère laissé de souvenir, le marquis de Saint-Georges, un sage, un homme de goût, un philosophe pratique comme il y en avait alors à Paris, comme il y en a peut-être encore, qui lisait ces lettres de Vauvenargues et les prisait infiniment, y trouvait, disait-il, de l’esprit partout, mais des endroits faux, trop de métaphysique, et ajoutait : « Il parle par théorie, on le voit. » C’est possible ; mais les lettres sont vraies pour nous en ce qu’elles nous peignent celui même qui les écrit, et c’est ce caractère surtout qui nous est intéressant aujourd’hui à connaître. […] Je vous laissai dans ma dernière lettre plus de jour et de lumière ; je tirai un peu le rideau ; mais, puisque cette ouverture ne vous satisfait pas encore, que votre amitié va plus loin, qu’elle me poursuit toujours, et qu’il m’est permis de voir dans un soin aussi constant le fond de votre cœur pour moi, j’aurais tort de vous rien cacher. […] Vauvenargues va même jusqu’à vouloir, quand on rencontre dans le monde de ces demi-sots et de ces ignorants dont il est rempli, qu’on ne rompe pas en visière, et qu’on tâche d’écrémer ces esprits légers, « de leur prendre ce qu’ils ont de spécieux pour leur ôter leurs avantages ; qu’on se familiarise avec leurs vices ou leur folie, afin de savoir s’en servir, s’en prévaloir ou s’en défendre, au lieu de fuir, de gronder ou de se laisser éblouir ». […] La correspondance entre Vauvenargues et Mirabeau, dans sa nouveauté d’aujourd’hui, est donc une intéressante lecture, profitable et pleine de sens ; elle agite beaucoup d’idées, provoque bien des observations contraires, pose au naturel les deux personnages, ajoute à notre bonne opinion de l’un, et ne laisse pas du tout une mauvaise opinion de l’autre. […] [NdA] Je crois, indépendamment des autres raisons exposées dans le premier article, que cette période stoïcienne si prolongée, ne laisse point de place chez Vauvenargues à une période chrétienne qu’on aurait pu naturellement lui supposer avant la publication de ces correspondances.
Qu’on le laisse donc aller cet intérêt, il est trop flatteur pour nous en priver. […] Mais comme, d’un autre côté, la cause en est belle, j’écarte comme je puis ces idées, et je me laisse entraîner par ma destinée. […] Au nom de Dieu, ne laissez rien transpirer de tout ceci, ni dans vos lettres ni dans vos conversations avec la grand-maman : elle s’affligerait si elle pouvait soupçonner que je regrette encore quelque chose. […] Si l’abbé Barthélemy reçut beaucoup de ses nobles amis, il leur apporta donc aussi beaucoup du sien en retour ; il leur sacrifiait plus qu’il ne laissait voir ; il en avait conscience, en même temps qu’il en gardait pour lui le secret : tout cela l’honore. […] [NdA] Mme de Choiseul, à la mort de son mari, se retira dans le couvent des Récolettes, pour pouvoir payer les immenses dettes qu’il laissait et faire honneur à sa mémoire.
Père de vingt enfants (ce qui ne laisse pas d’être une distraction et une charge pour un savant et un pur homme de lettres), Casaubon, on le voit, ne considère chaque nouveau-né qui lui arrive que comme un présent du ciel. — Et c’est ainsi que tout en lisant Sénèque et les stoïciens, il s’emparait de leurs maximes pour leur donner le vrai sens, et il les détournait, il les accommodait, par une parodie d’un genre nouveau, disait-il, à la piété véritable. […] Mais cette chère enfant, ainsi échappée au danger, — cette enfant, l’unique soin de sa mère et la joie de la maison, — meurt quelques mois après, et elle laisse dans l’âme du père une douleur qui s’épanche en plus d’une page. […] Casaubon, à la veille de cette séance et quand il en sut l’objet, était dans les transes, et il nous a laissé un tableau fidèle de ses fluctuations douloureuses : Mon esprit est en proie à une incroyable inquiétude, ne sachant que faire, ne voulant point offenser Dieu, ni, sans de graves raisons, paraître refuser obéissance au roi. […] Ce n’est, point à de simples particuliers, en effet, à expliquer l’Écriture ; et en ce qui est des docteurs du jour, ils ne nous enseignent point de voie certaine, mais ils nous conduisent comme au rond-point des chemins dans une forêt : quand on les a entendus, ils nous laissent plus incertains qu’auparavant. […] Casaubon entra en campagne un peu trop vite, et y laissa quelque chose de sa réputation.
La Grèce était naturellement romancière et menteuse, et elle ne devait laisser échapper aucune occasion de le prouver. […] Qu’on me laisse un moment parler de ce roman ancien, le seul ou presque le seul que nous ait légué la littérature latine (car le livre de Pétrone n’est pas un roman proprement dit), qu’on m’en laisse parler comme je le ferais de tel ou tel de nos romans modernes. : il les vaut bien. […] Laissons-le parler : « Quoi ! […] Bétolaud, qui ne laisse pas de mordre à ces friandises comme il sied à un érudit du bon temps, nous indique encore le sujet d’un autre joli conte, les Pantoufles de Philésiétère, que le Bonhomme aurait pu prendre et qu’il a oublié de dérober. […] Mais, au lieu de rire et de secouer gaiement sa grossière enveloppe, il est pris dans un autre réseau plus subtil ; il se laisse conduire à des initiations redoutables, à la suite desquelles il est admis dans le collège des Pastophores, se faisant gloire désormais de montrer à tous sa tête rasée à large tonsure : circonstance curieuse à titre de témoignage : mais ce n’est plus là l’Apulée qu’il nous faut.