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748. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Ce que j’ai d’esprit, je l’ai juste. […] Une juste vanité me fera ajouter que mon père ni mes aïeux n’étaient point faits comme cela. […] Mais il ne serait pas juste, à notre tour, de prendre au mot, et dans toute la vivacité d’un éclat secret, l’irritation de cet homme de bien.

749. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Nombre de remarques justes sur l’humeur de la nation, et sur son étrange facilité à se plier pour un temps à cet atroce régime de terreur, révèle le publiciste moraliste, l’homme qui a vécu avec Tacite et qui en a pénétré tout le sens : Parmi les habitants de Paris, faibles, légers, indolents pour la plus grande partie, les gens riches ou aisés désiraient intérieurement, l’année passée (1792), le retour de la monarchie, pour assurer leur fortune ; mais ils craignaient la transition, et, semblables à ces malades qui ne peuvent supporter l’idée d’une opération douloureuse qui doit les sauver, ils se familiarisaient avec leurs maux… Aujourd’hui, stupides de terreur, ils attendent comme de vils animaux qu’on les conduise à la mort. […] Quand il arrive, dans cette revue qu’il fait en idée de sa bibliothèque, aux auteurs dramatiques et aux tragédies, le président exprime des idées littéraires très libres, très dégagées, et qui, bien que justes au fond, ne sont pas vérifiées encoreao. […] [1re éd.] et qui, bien que justes au fond, ne se sont pas vérifiées encore

750. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Le divin poète, impénétrable aux autres hommes, revit en lui ; il est juste qu’on le respecte en lui… Voilà la folle illusion qui allume le zèle des homéristes ; mais le plaisant est que le public ait si longtemps servi cette même illusion… Combien peu de gens savent la langue grecque ! […] Ami de la propriété des termes, de l’ordre logique et direct dans le langage, il se disait que l’esprit n’a ses coudées franches et son juste instrument que dans la prose ; « qu’elle seule a droit sur tous genres d’ouvrages indistinctement ; qu'elle a seule l’usage libre de toutes les richesses de l’esprit ; que, n’étant asservie à aucun joug, elle ne trouve jamais d’obstacles à exprimer ce que le génie lui présente ; qu’elle n’est jamais forcée de rejeter les expressions propres et les tours uniques que demandent les idées successives et les sentiments variés que ses sujets embrassent. » Mais, avec les vers, il faut toujours faire quelque concession, quelque sacrifice, tantôt pour la clarté, tantôt pour l’élégance, ces deux qualités dont la prose est toujours comptable : « Quand une pensée se trouve, à quelque chose près, aussi bien exprimée en vers qu’elle pourrait l’être en prose, on applaudit au succès du poète, on lui voue son indulgence, on lui permet de grimacer de temps à autre ; les expressions impropres sont chez lui de légères fautes ; les constructions inusitées deviennent ses privilèges. » Et il en citait des exemples jusque dans Boileau. […] La Dissertation de l’abbé de Pons amena l’aimable jésuite du Cerceau à le réfuter dans le Mercure du mois suivant, et à venir plaider la cause de la poésie et de la versification dans un article fort poli, assez juste, et où il s’applique à disculper les vers de ce reproche d’air gêné et d’affectation : Pour moi, observait-il assez finement, si j’ose dire ce que je pense, je m’en aperçois bien davantage (de cet air contraint) dans des ouvrages de prose, pleins d’esprit d’ailleurs, mais dont le style me paraît bien plus gêné et plus affecté que celui de la poésie.

751. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Dès l’instant où il hérita du sceptre, de ce sceptre de saint Louis, et où il reçut les serments de la noblesse près du lit ensanglanté de Henri III, Henri IV avait dû, par une déclaration expresse (3 août 1589), donner à la religion catholique toutes les promesses rassurantes pour le maintien de sa prédominance à titre de religion, du royaume, en même temps qu’il garantissait aux calvinistes une pleine liberté de conscience, et l’exercice public de leur culte dans de justes limites : il ne pouvait faire moins. […] Ils disent que c’est la vertu, — que c’est la prudence, — et ils embrouillent toutes choses plutôt que de dire au juste ce que c’est que le bien. […] quels étaient au juste les longs desseins qu’il avait formés sur l’Europe, et de quelle manière cette grande guerre renaissante, et supposée heureuse, les aurait-elle fait tourner ?

752. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Juste dans le même temps (1844), il obtenait une place plus respectable et très motivée dans le livre sévère de M.  […] Un érudit allemand a essayé, dans ces derniers temps, de déterminer au juste quelle était la part du père et de la mère de Villon dans le caractère de leur fils, et leur double influence sur son œuvre. […] c’est toute sa réponse. — On a cherché quelle était au juste l’originalité de Villon dans cette charmante pièce qui, seule, suffirait à assurer son renom.

753. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Autrefois j’ai pu moi-même ne pas être très juste pour lui à ses débuts. […] Ce n’est pas ce que la plupart y cherchent qui me frappe surtout, quoique l’idée première cependant soit aussi juste que vive. […] On ne saurait présenter et symboliser un amour douloureux sous un plus juste et plus ingénieux emblème. — Veut-il exprimer la quantité de fantaisies qui viennent chaque soir, à l’heure où le rêve commence, se former et s’assembler dans son imagination oisive, et qui ne demandent qu’à prendre forme et couleur chaque matin, il dira : LES COLOMBES.

754. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Le fait est que Jean-Bon sortit de cette rude et longue épreuve non énervé, non détrempé, mais certainement sage, modéré, humain, juste. […] Le suffrage de ce représentant a d’autant plus de prix à mes yeux qu’il a de grandes connaissances de ce métier, et que son aperçu en marine est aussi juste que celui qu’il a constamment déployé dans toutes les affaires qu’il a traitées. » — Extrait du rapport du contre-amiral Villaret-Joyeuse à la Commission de Marine sur les journées des 10, 11, 12, 13 prairial (29, 30, 31 mai et 1er juin). […] Mettant à l’écart la représentation dont la nécessité ne lui était pas démontrée, et le respect de certaines convenances dont il n’avait même pas l’idée, Jean-Bon, du reste, ne laissait rien à désirer : travailleur infatigable, administrateur toujours prêt, sévèrement juste sans acception de parti, il comblait les vœux du département que d’abord il avait effrayé.

755. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Le baron de Monnier, attaché au duc de Bassano dans ses divers ministères et son chef de cabinet à la secrétairerie d’État, puis au département des relations extérieures, chargé de l’administration civile de la Lituanie à Wilna en 1812, était bien celui qui avait mérité l’entière confiance du général, et qui lui transmettait des indications si justes sur l’intérieur de l’état-major impérial et sur les dispositions même de l’Empereur à son égard. […] Mais, si l’ouvrage de Jomini me semble juste et suffisant sur la politique, il devient supérieur dès que l’histoire militaire commence. […] La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites.

756. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Dans l’exposé qu’ils firent des diverses écoles littéraires, ils s’attachèrent à établir les principaux groupes et à les distinguer par des caractères ou des nuances qui se trouvent encore justes aujourd’hui. […] La cherté s’est mise sur les Ronsard et les Baïf, qui étaient à vil prix dans notre jeunesse ; et, pour se faire une juste idée des destinées et des vicissitudes bibliographiques de Ronsard, par exemple, il suffit de la remarque suivante, qui est de M. de Sacy. […] Mais, quant à la méthode à apporter dans cette province de l’histoire littéraire, elle ne se dessine que depuis assez peu de temps : et, par méthode, j’entends une étude comparée, coordonnée, qui cherche les classements justes, le degré de mérite appréciable, et qui tient à mesurer positivement les progrès ou changements introduits soit dans la versification, soit dans le vocabulaire poétique et dans la langue.

757. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

S’il fallait pourtant proposer absolument ma conjecture, je dirais qu’un de ses grands arts est de prendre en tout le contre-pied juste de ce qui semble et de ce qu’on attend (le plus beau Jour de la Vie). Ainsi, dans son discours à l’Académie, n’a-t-il pas eu l’air de prétendre que le théâtre est juste le contre-pied de la société ? […] Il y aurait toutes sortes de critiques à y adresser, et qui seraient justes, et on les a faites la plupart sans nous.

758. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Mais, si l’on voulait être juste pour tous et en toucher un mot seulement, on passerait sa vie à déguster des primevères et des roses. […] Comme poëte, Charles Loyson est juste un intermédiaire entre Millevoye et Lamartine, mais beaucoup plus rapproché de ce dernier par l’élévation et le spiritualisme habituel des sentiments. […] Se peut-il même jamais qu’un long ouvrage de cette sorte, conçu et réalisé loin de la France, y arrive à point, et y paraisse juste dans le rayon ?

759. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Son esprit si juste allait par moments jusqu’à l’exagération sur ce point, et quand il se la représentait, elle, sa chère idole, comme au milieu d’un arsenal et d’une fournaise théologique, et qu’il lui recommandait de ne pas s’y fausser les yeux, elle n’avait qu’un mot à dire pour lui montrer qu’il se grossissait un peu le fantôme, et qu’il oubliait les du Deffand, les Caylus et les Parabère (sans compter lui-même), qui apportaient parfois à cette monotonie de bulles et de conciles un assez agréable rafraîchissement. […] Aux raisonnements aimables de M. de Murçay, Mme de Pontivy, charmée par instants et souriant en toute complaisance, répondait que c’était juste, mais au fond ne de meurait pas convaincue. […] lui disait-elle encore d’autres fois, l’âge arrive, le cœur se flétrit, même dans le bonheur ; je n’aurai plus tant d’efforts à faire bientôt pour éteindre en moi ce dont votre juste affection se plaint, cette flamme imprudente où elle se brûle. » Et il la rassurait, la conjurait de rester ainsi, et qu’il l’aimait pour telle, et qu’il s’estimerait éternellement malheureux comme objet d’une passion moindre.

760. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Chaque caractère est analysé, pesé, dosé, de façon à concourir dans la juste mesure à l’action totale, et dans chaque effort fait paraître tout juste la quantité d’énergie qu’il faut, ou se dispose précisément dans la plus favorable attitude. […] Venceslas est une forte étude d’une âme violente, qui arrive à la générosité par la volonté : ce vieux roi Ladislas qui condamne son fils par justice, et ce fils qui accepte sa juste condamnation, font une situation vraiment cornélienne.

761. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

On dirait des juges qui, après avoir rendu un juste arrêt, prendraient plaisir à accabler le coupable de considérants accessoires, et à le condamner une seconde fois par les commentaires de l’arrêt. […] Je comprends Buffon les mettant au même rang que les Saisons de Saint-Lambert et les Mois de Roucher, dans cette boutade à madame Necker : « Saint-Lambert, au Parnasse, n’est qu’une froide grenouille, Delille un hanneton, et Roucher un oiseau de nuit. » Le jugement, pour être rendu de mauvaise humeur, n’en est pas moins juste ; encore aujourd’hui, ce n’est pas sans mauvaise humeur qu’on lit ces poésies, surtout les Saisons. […] Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques, pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle, sans en avoir l’étiquette.

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