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1390. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Louis XIV est peint par des traits justes et nets qui le montrent sans exagération et avec tous ses avantages dans la vie habituelle : on y sent bien le roi digne de cette grande époque où l’on pensait et où l’on parlait si bien. […] Il pensait juste, s’exprimait noblement ; et ses réponses les moins préparées renfermaient en peu de mots tout ce qu’il y avait de mieux à dire selon les temps, les choses et les personnes.

1391. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Ce M. de Malezieu, qui devint le personnage essentiel de la cour de la duchesse, son oracle en tout genre ; et de qui on parlait à Sceaux comme de Pythagore : « Le maître l’a dit », devait certes avoir plus d’une qualité ; mais il est difficile aujourd’hui de se faire une juste idée de son mérite. […] On ne peut mieux faire saillir ce qu’avaient de naturel, de parfait, et même de juste dans un certain sens, cet esprit et cette parole prompte, qui était tellement chez soi au sein d’un monde artificiel.

1392. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Il avait cru observer dans sa première jeunesse « que l’intérêt que nous avons à être justes et vertueux était fondé sur la peine que fait nécessairement éprouver à un être sensible l’idée du mal que souffre un autre être sensible ». […] Il est utile autant que juste que les citoyens ne perdent pas l’habitude de témoigner, en présence de l’Assemblée, l’impression de joie ou d’inquiétude qu’ils reçoivent de ses lois ; et le peuple pourra dire qu’il a perdu sa liberté quand il ne jouira plus de cet avantage.

1393. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Choisy se trouva même lésé par ce père et privé de certain beau présent qui aurait dû lui revenir : « Je ne sus tout cela bien au juste, dit-il, qu’après être arrivé en France ; mais, quand je me vis dans mon bon pays, je fus si aise que je ne me sentis aucune rancune contre personne. » Choisy revient plus d’une fois sur cette idée qu’il est sans rancune et qu’il n’a point d’ennemis : « Si je savais quelqu’un qui me voulût du mal, j’irais tout à l’heure lui faire tant d’honnêtetés, tant d’amitiés, qu’il deviendrait mon ami en dépit de lui. » On retrouve là encore cette nature officieuse, gentille et complaisante, et qui chercherait vainement en elle la force de haïr. […] Il en a fait un délicieux de Mme de La Vallière, qu’il est juste de mettre en regard de celui de Colbert, où l’on vient de voir les plis du front : Elle avait le teint beau, les cheveux blonds, le sourire agréable, les yeux bleus, et le regard si tendre et en même temps si modeste, qu’il gagnait le cœur et l’estime au même moment : au reste, assez peu d’esprit, qu’elle ne laissait pas d’orner tous les jours par une lecture continuelle.

1394. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Les portraits gravés, les portraits peints eux-mêmes, ne donneraient pas aujourd’hui une juste idée de ce genre de charme qui lui était propre. […] Ces luttes, ces difficultés dernières traînent encore et se prolongent quelque temps, jusqu’à ce que la résolution persévérante vienne à son terme, et qu’éclate un matin l’accent de délivrance : Enfin je quitte le monde, s’écrie-t-elle le 19 mars 1674 : c’est sans regret, mais ce n’est pas sans peine ; ma faiblesse m’y a retenue longtemps sans goût, ou, pour parler plus juste, avec mille chagrins ; vous en savez la plus grande partie, et vous connaissez ma sensibilité ; elle n’est point diminuée, je m’en aperçois tous les jours, et je vois bien que l’avenir ne me donnerait pas plus de satisfaction que le passé et le présent.

1395. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

À ce titre, elle nous revient de droit, et il est juste de lui assigner la place et la date qu’elle doit occuper dans la série des modes et des variétés littéraires. […] La reine d’Angleterre, de qui elle avait éconduit le fils comme épouseur, dit ironiquement « que c’était bien juste qu’elle sauvât Orléans comme la Pucelle, ayant commencé par chasser les Anglais ».

1396. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Je voudrais ne forcer en rien les tons et ne point pour cela les affaiblir, ne pas faire fléchir, la morale et ne la faire intervenir que très simple et très sincère, ne toucher en passant que les aperçus et pourtant atteindre aux points essentiels : en un mot, je voudrais être vrai, convenable et juste dans un sujet très fécond, très mélangé, à travers lequel il serait beaucoup plus commode assurément de donner tout d’un trait et de parti pris. […] Pour être juste, n’oublions jamais le point de départ et le but : le point de départ, c’est-à-dire le style abrupt, accidenté, escarpé, de ses ancêtres, d’où il lui fallait descendre à tout prix pour conquérir à lui les masses et déployer ses larges sympathies ; le but, c’est-à-dire l’orateur définitif qui sortit de là et qui domina puissamment son époque dans la plus grande tourmente sociale qui fut jamais.

1397. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

La gêne domestique l’obligea à tenir quelque hôtel ou table d’hôte, circonstance qui fut tant reprochée depuis à Rivarol : C’est dans Bagnols que j’ai vu la lumière, Au cabaret où feu mon pauvre père À juste prix faisait noce et festin, lui faisait dire Marie-Joseph Chénier dans une assez triste satire. […] » — Le Discours de Rivarol, qui obtint le prix, a de l’éclat, de l’élévation, nombre d’aperçus justes et fins exprimés en images heureuses.

1398. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

En même temps le voyageur d’Égypte et de Syrie y obtient de justes hommages pour ses descriptions précises et sévères. […] Il déplore les misères des gouvernements despotiques qu’il observe, il leur attribue tous les maux dont il est témoin ; au fond de cette juste sévérité toutefois, on sent trop peu de sympathie pour ceux mêmes qu’il plaint, et en général pour les hommes.

1399. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Quoi donc, un battement plus plein et plus juste du pouls de l’intelligence ? […] Elle mérite qu’on ne la chicane point trop sur son mode et son ordre, et qu’on n’exige pas d’elle plus qu’il n’est juste.

1400. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Les chroniqueurs et les historiens, jusqu’au commencement de ce siècle, jugeant les faits à première vue et les expliquant par une doctrine superficielle mais relativement juste, en étaient venus à concentrer tout l’intérêt et le mérite de chaque entreprise dans les individus, rois, ministres, généraux dont le nom lui était resté attaché. […] Le principe de l’art pour l’art fondé en raison à juste et utile, tant qu’on ne considère que les œuvres en soi, tant qu’on n’a souci que de la liberté et de l’orgueil nécessaires à l’artiste, — peut sembler absurde et dangereux quand on songe que les livres, les statues, les tableaux et les musiques n’existent pas seuls dans un monde vide.

1401. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Quand on se rappelle que cette qualité est si rare en Allemagne, qu’il ne la partage qu’avec Lessing, que Goethe lui-même gâte ses romans par d’interminables suites, que le second Meister fait regretter la vérité sereine et profonde du premier, que Jean Paul est illisible, et Immermann incohérent, Hoffmann diffus et lâche, on aperçoit combien est rare et d’emprunt le mérite que s’est acquis Heine par la juste mesure de ses écrits. […] Quand on a besoin d’un dieu qui vous secoure, et certainement c’est là le principal, il faut en admettre un qui soit personnel, immatériel, bon, sage, juste.

1402. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Certes, il est peu juste de voir un homme tout entier, et un tel homme, dans une de ses qualités. […] L’antithèse de Shakespeare, c’est l’antithèse universelle, toujours et partout ; c’est l’ubiquité de l’antinomie ; la vie et la mort, le froid et le chaud, le juste et l’injuste, l’ange et le démon, le ciel et la terre, la fleur et la foudre, la mélodie et l’harmonie, l’esprit et la chair, le grand et le petit, l’océan et l’envie, l’écume et la bave, l’ouragan et le sifflet, le moi et le non-moi, l’objectif et le subjectif, le prodige et le miracle, le type et le monstre, l’âme et l’ombre ; c’est cette sombre querelle flagrante, ce flux et reflux sans fin, ce perpétuel oui et non, cette opposition irréductible, cet immense antagonisme en permanence, dont Rembrandt fait son clair-obscur et dont Piranèse compose son vertige.

1403. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

La religion est moins peinte que lui ; il est moins peint que les figures inférieures ; et cette dégradation est si juste qu’on n’en est pas frappé. […] Si mes pensées sont justes, vous les fortifierez de raisons qui ne me viennent pas, et de conjecturales qu’elles sont vous les rendrez évidentes et démontrées.

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