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745. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Pour éviter la dissémination d’attention qu’un trop grand nombre d’époques jetterait dans la mémoire et dans l’esprit, nous ne diviserons la littérature du genre humain qu’en quatre grandes époques : L’époque primitive ou orientale, indienne, chinoise, égyptienne, arabe, hébraïque ; L’époque gréco-latine, commençant à Homère et finissant au christianisme ; L’époque intermédiaire, décadence, barbarie, renaissance, commençant à la chute de l’empire romain, finissant à la naissance de Dante à Florence, époque dans laquelle l’Italie joue le plus grand rôle, et qu’on pourrait appeler l’époque italienne ; Enfin l’époque moderne, commençant au quinzième siècle, se caractérisant en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, et se poursuivant avec des phases diverses d’ascendance ou de décadence jusqu’à nos jours. […] L’adversaire implacable contre lequel il joue et perd même ses vêtements, lui propose à la fin de jouer sa femme, la belle et infortunée Damayanti.

746. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

On a publié de ses chansons et de ses vers de jeunesse : Prologue pour la fête de Mme Martinot, joué le 24 juin 1755 ; Prologue pour la fête de Mme la présidente Audiguier, joué le 23 août 1755, etc., etc.

747. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il va continuer ainsi ses descriptions des lieux d’alentour, celle du torrent roulant au creux du vallon, celle du marais et du peuple aquatique qui s’y joue ; il arrive ensuite aux ruines gothiques, là où un moderne verrait le sujet de la ballade : Que j’aime à voir la décadence De ces vieux châteaux ruinés, Contre qui les ans mutinés Ont déployé leur insolence ! […] Saint-Amant fait de même : il insiste sur ce côté grotesque et même crapuleux, et s’y joue.

748. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Un jour qu’un homme d’État, un homme politique comme nous dirions, s’étonnait un peu malignement qu’un guerrier sût tant de vers de comédie : « J’en ai joué moins que vous, répliqua-t-il gaiement, mais j’en sais davantage. » Supposez que le mot est dit au cardinal Dubois ou à quelqu’un de tel, il devient très joli et des plus piquants. […] Villars joua cette partie diplomatique avec beaucoup d’adresse et de vigueur.

749. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Jeune homme la première fois qu’il visita Mme de Staël, à Ouchy près de Lausanne, elle lui dit brusquement, en voyant son émotion et frappée de son accent : « Je suis sûre que vous joueriez très bien la tragédie ; restez avec nous et prenez un rôle dans Andromaque.  » Un jour, au temps de sa pleine gloire de tribune, Mlle Rachel, qui assistait à une séance de la Chambre, dit, après l’avoir entendu : « J’aimerais à jouer la tragédie avec cet homme-là. » Il a, en effet, le port, le geste, le regard, ce que les Anciens appelaient l’action.

750. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Quand il en a assez de ses jeux de soldats, il joue aux poupées. […] Pendant que le grand-duc joue avec ses valets, les exerce, change d’uniforme vingt fois par jour, dresse à grands coups de fouet une meute dans son vestibule, envoie à ses maîtresses en manière de cadeau des bonnets de grenadier ou des bandoulières comme le Cyclope amoureux offrait des oursins à Galathée, elle lit ; elle lit dans sa chambre, elle emporte même un livre dans ses parties de cheval, et, dès qu’elle a un moment à elle, elle en profite.

751. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] « La Juive, a dit un critique, a été jouée entre Robert-le-Diable et les Huguenots : la postérité lui gardera cette place. » Mais pourquoi les contemporains ne la lui ont-ils pas mieux gardée ?

752. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Spendius, qui sera la cheville ouvrière du roman, joue Hannon sous jambe ; il se constitue son truchement et fait accroire à l’armée ce qu’il veut : elle commence à s’agiter. […] La joue en feu, les yeux irrités, la voix rauque, il se promenait d’un pas rapide à travers le camp ; ou bien, assis sur le rivage, il frottait avec du sable sa grande épée.

753. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La gouvernante est une Irlandaise fort instruite, qui joue de la harpe au clair de la lune, mais protestante, disgracieuse de toute sa personne, et fort laide. […] Tant que l’auteur des Scènes et Proverbes s’est joué dans ses premiers cadres, il y était soutenu et appuyé de toutes parts ; il n’avait qu’à faire avec esprit le contraire de ses devanciers et à prendre le contre-pied en toute habileté ; c’était au mieux : il avait sous les yeux, à tout moment, ses points de repère.

754. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Sa femme riait souvent de la mine qu’il devait avoir lorsque, dans un de ses déguisements en Écosse, il jouait le rôle d’une grosse servante. […] Le comte d’Albany, surpris et indigné, fut obligé de se retirer, la rage dans le cœur d’avoir été joué de cette manière… » Ce n’était là qu’un premier pas vers la délivrance, et ce premier pas, ce premier degré était une prison.

755. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

« Le rôle qu’il joua à cette armée prouva que, si beaucoup de généraux du second rang s’éclipsent au premier, un génie supérieur ne peut rien quand il est forcé de remettre aux autres le soin d’apprécier ses projets et de les exécuter. » Jomini. […] Je reconnaîtrai même que Frédéric n’était point dans une situation à jouer un si gros jeu, et qu’en bornant ses plans à gagner du temps et à empêcher tout concert entre ses formidables ennemis, il prit le parti le plus sage. » Ce qu’il avait retiré à Frédéric comme général, il le lui rendait amplement comme politique et comme caractère.

756. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Le Dante ayant joué, comme Machiavel, un rôle au milieu des troubles civils de son pays, a montré, dans quelques morceaux de son poëme, une énergie qui n’a rien d’analogue avec la littérature de son temps ; mais les défauts sans nombre qu’on peut lui reprocher sont, sans doute, le tort de son siècle. […] Les acteurs ne s’exercent point à bien jouer les pièces tragiques, parce qu’elles ne sont point écoutées ; et cela doit être ainsi, lorsque le talent d’émouvoir n’est pas porté assez loin pour l’emporter sur tout autre plaisir.

757. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

On se pique de jouer avec l’amour, de traiter une femme comme une poupée mécanique, de toucher en elle un ressort, puis l’autre, pour en faire sortir à volonté l’attendrissement ou la colère. […] Aussi l’exaltation qui commence ne sera guère qu’une ébullition de la cervelle, et l’idylle presque entière se jouera dans les salons  Voici donc la littérature, le théâtre, la peinture et tous les arts qui entrent dans la voie sentimentale pour fournir à l’imagination échauffée une pâture factice303.

758. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il n’écrit que pour occuper son loisir, tromper son impatience ; et quand il doit se dire qu’il n’y a pas de rôle pour lui en ce monde, il écrit le rôle qu’il ne jouera pas : c’est un rêve d’action que toute sa littérature développe. […] Palissot, médiocre auteur et assez plat personnage, fit plus de bruit, ayant agi par le théâtre : instrument d’une pieuse coterie, il fit jouer en mai 1760 ses Philosophes, où Diderot, Rousseau, Mme Geoffrin étaient personnellement ridiculisés, où Helvétius, Duclos étaient attaqués dans leurs œuvres.

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