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641. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Elle avait été la première à lui écrire en 1761 ; elle lui avait adressé à Édimbourg une de ces lettres de déclaration et d’admiration comme les gens de lettres célèbres commençaient à en recevoir alors ; elle savait l’anglais, elle avait lu dans le texte l’Histoire de la Maison de Stuart ; elle admirait cela avec autant d’enthousiasme qu’une femme de nos jours, du temps de notre jeunesse, pouvait en avoir pour Lamartine ou pour Byron. […] Personne n’a été plus généralement connue que vous, et dans ces dernières années et dans votre première jeunesse : se peut-il qu’un si grand nombre de connaissances vous voient avec plaisir passer du rang de leur égale à celui de leur supérieure, et si fort supérieure ? […] La dignité même de votre caractère, aux yeux du monde, reprend son lustre, puisque les hommes voient le juste prix que vous mettez à votre liberté, et que, quelles que soient les passions de jeunesse qui vous aient séduite, vous ne voulez plus maintenant faire le sacrifice de votre temps, là où vous n’êtes pas jugée digne de tout honneur25.

642. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Elle a de beaux yeux et de belles dents, mais je pense qu’elle ne peut guère avoir eu jamais plus de beauté qu’il ne lui en reste, excepté la jeunesse. — Elle est polie et facile de manières, mais Allemande et ordinaire. […] Mme d’Albany était, je le répète, une personne de son siècle ; sa forme d’esprit, si agréablement revêtue dans la jeunesse, était surtout modérée, judicieuse, capable d’expérience en avançant, et même positive. […] Le dimanche soir régulièrement, elle réunissait toute la jeunesse de la ville, jeunes filles et jeunes garçons qui venaient jouer et danser.

643. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Ces lettres finissent donc comme un roman, par le mariage ; et, à les bien prendre, elles sont un roman en effet, celui de la première jeunesse, et de l’amitié de deux jeunes filles, de deux pensionnaires qui font leur entrée dans la vie. […] Du moins, même chez les meilleurs, ce qu’on appelle le progrès de la vie est bien inférieur à ce premier idéal que réalisa un moment la jeunesse. […] Elle nous donne particulièrement à apprécier un de ses amis très-affectueux et très-mûrs, M. de Sainte-Lette, qui vient de Pondichéry, qui va y retourner, qui sait le monde, qui a éprouvé les passions, qui regrette sa jeunesse, et qui sur le tout est athée.

644. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

La province fut bientôt informée du drapeau qui s’arborait à Paris, et, sur une infinité de points à la fois, l’élite de la jeunesse du lieu se hâta de répondre par plus d’un signal et par des accents qui n’étaient pas tous des échos. […] il passa presque toute sa vie, il usa sa jeunesse à ciseler en riche matière mille petites coupes d’une délicatesse infinie et d’une invention minutieuse, pour y verser ce que nos bons aïeux buvaient à même de la gourde ou dans le creux de la main. […] Ô ma jeunesse !

645. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Fiévée lui ont souvent reproché cette peccadille de jeunesse. […] Et quant au moral de l’homme, il a dit : « On l’avait surnommé l’incorruptible ; il l’était en effet comme ceux qui veulent tout prendre à la fois. » Il a rendu avec une entière vérité, comme témoin et comme acteur, le mouvement impétueux et confus, le sentiment d’explosion de cette jeunesse thermidorienne qui savait ce dont elle ne voulait plus, mais pas encore ce qu’elle voulait, qui avait appuyé la Convention contre Robespierre, et qui prétendait chasser la Convention devant une opinion qui n’était pas mûre encore : « Jamais peut-être, nous dit Fiévée, l’ancienne royauté ne fut plus complètement oubliée qu’à cette époque ; nous n’étions pas encore assez difficiles pour y penser. » Pour lui, paresseux, une fois sorti de ses habitudes, il est précis, prudent, prévoyant, très hardi les jours d’action. […] S’inquiétant des générations à venir, il est des premiers à conseiller de recueillir les débris de l’ancienne Université, et d’en tirer quelque parti à l’égard de la jeunesse qui est en proie aux charlatans et qui s’élève au hasard.

646. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il put appliquer, sans en rien perdre, toute sa jeunesse. […] Ce qui nous plaît et ce que nous cherchons dans ces lettres, c’est Montesquieu lui-même se partageant légèrement entre ses divers personnages, et jugeant sous un masque transparent les mœurs, les idées et toute la société de sa jeunesse. […] Il a beau peindre sa Thémire, il reste pour nous plus sensuel en amour que sentimental : « J’ai été dans ma jeunesse assez heureux, disait-il, pour m’attacher à des femmes que j’ai cru qui m’aimaient ; dès que j’ai cessé de le croire, je m’en suis détaché soudain. » Et il ajoute : « J’ai assez aimé à dire aux femmes des fadeurs, et à leur rendre des services qui coûtent si peu. » Le Temple de Gnide est une de ces fadeurs, mais qui a dû lui coûter du travail.

647. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Pour exprimer que Colbert, dès sa jeunesse, s’occupait des choses publiques et qu’il échappait aux passions personnelles, M. Necker dira : « Dans l’âge où le tumulte des sens distrait des grandes pensées, et où les plaisirs de la jeunesse, en rassemblant sur nous toute notre attention, semblent borner l’univers à notre individu, Colbert s’occupait d’être utile à la société. » Jamais on n’a trouvé, pour définir la jeunesse, des expressions moins souriantes et moins légères.

648. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Arnault, rendu à une entière indépendance par le départ et l’émigration de Monsieur, s’abandonna avec feu à sa verve tragique et littéraire, durant ces années orageuses dont sa jeunesse trompait de son mieux le péril et les atrocités ; il nous a tracé de cette époque, en ses Souvenirs, un tableau vrai, presque amusant, sans passion et sans colère ; il en a peint à merveille quelques-uns des acteurs principaux qu’il eut occasion de rencontrer. […] Il avait pour lui ces avantages de la jeunesse et de la nature qui ne sont pas inutiles pour assurer à l’esprit toute sa valeur aux yeux du monde. […] Pourtant le germe tant méprisé, Le germe, au fond du cœur Chêne dès sa naissance, demande grâce et indulgence pour sa jeunesse ; il demande du temps pour croître et grandir ; le temps lui vient en aide : Les Buissons, indignés qu’en une année ou deux         Un Chêne devînt grand comme eux,         Se récriaient contre l’audace De cet aventurieur qui, comme un champignon, Né d’hier, et de quoi ?

649. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Je reviendrai tout à l’heure, avec plus de détail, sur l’ensemble des conditions qui me semblent à réunir pour aborder avec avantage de tels problèmes biographiques ; mais, en ce qui est de Chateaubriand, l’auteur d’abord s’est peint lui-même, s’est analysé en tous sens dans des portraits de jeunesse ; il s’est réfléchi et projeté à tout moment dans ceux mêmes de ses écrits subséquents qui, par le sujet, auraient dû être le moins personnels ; il s’est, dans sa vieillesse, raconté de nouveau et avec toutes sortes de variations dans des Mémoires dits d’Outre-Tombe. […] Joubert, à propos de ce dernier dont il goûtait fort l’esprit et dont il avait si hautement préconisé les débuts et la jeunesse : « Je veux me brouiller avec tous les hommes, excepté avec deux ou trois.

650. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Il avait gardé des études de sa jeunesse l’expression lucrétienne : elle lui revenait quelquefois ; la vue des astres froids (gelidis a stellis axis) l’impressionnait toujours. […] Sainte-Beuve l’avait fait copier peu de mois avant sa mort, voulant le réimprimer dans un de ses livres, comme il a déjà fait pour d’autres articles de sa jeunesse au Globe et au National ; il en a introduit quelques-uns dans cette dernière édition des Portraits contemporains, dont il n’a pu qu’indiquer la marche à ses éditeurs posthumes, en la laissant inachevée. — L’article sur M. de Pongerville est du mois d’avril 1830 ; M. 

651. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

L’incertitude de nos mœurs publiques, notre mobilité oublieuse, les revirements fougueux de chaque jeunesse nouvelle qui survenait, ont dû en grande partie tenir à ce manque de guides naturels établis et imposants. […] Ce dévouement prolongé à la jeunesse le préservait de tout engourdissement morose, et variait heureusement son repos.

652. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Carrel circulait dans Paris, une foule considérable, une société brillante, et la majorité de la jeunesse, remplissaient le théâtre de la porte Saint-Martin où l’on allait représenter la Lucrèce Borgia de M.  […] L’attente était grande, bruyante, mais non orageuse ; des sentiments divers planaient en rameur sur cette multitude passionnée ; on demandait le Chant du Départ, on chantait la Marseillaise ; puis la toile, se levant avec lenteur, découvrit une vue merveilleuse de Venise que saluèrent mille applaudissements : « Admirable jeunesse, me disais-je, qui trouves place en toi pour toutes les émotions, qui aspires et t’enflammes à tous les prestiges ; va, tu seras grande dans le siècle, si tu sais ne pas trop t’égarer, si tu réalises bientôt le quart seulement de ce que tu sens, de ce que tu exhales à cette heure ! 

653. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Voici l’impression qu’Aurélien Scholl rapportait d’une de ces soirées : « Il faut voir l’exubérante jeunesse s’épanouir en ces agapes fraternelles. […] Qu’est-il résulté de tout ce grouillement, de toute cette effervescence de jeunesse ?

654. (1902) L’humanisme. Figaro

——— Ce n’est pas sans une certaine surprise que la jeunesse littéraire a lu l’autre jour, en tête du Figaro, un article de M.  […] Si votre religion n’est pas jeune, vous êtes jeunes vous-mêmes et « la jeunesse est présomptueuse ; elle n’a pas encore été humiliée par la vie ; elle tend ses voiles de toutes parts à l’espérance qui l’enfle et la conduit ! 

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