Mlle de Guérin (2e partie) I Il y a une littérature extérieure et publique, il y a une littérature intérieure et privée. […] Je suis triste d’une tristesse intérieure qui fait pleurer l’âme. […] Toutes les fois que je me retrouve en face de ce tableau, je pense à Mlle de Guérin qui a transfiguré aussi la parole intime, le Verbe intérieur de l’homme, et je me dis : — Oh !
Sans soins matériels, sans parole qu’intérieure, sans sentiments que d’intelligence, sans vie que celle de l’âme : il y a dans ce dégagement une liberté pleine de jouissances, un bonheur inconnu, que je crois bien que pour faire durer on puisse aller cacher à cent lieues du désert. […] Saint Augustin, ce bel esprit du christianisme, excepté dans les passages qui peignent sa conversion, ce drame intérieur de sa vie, vise plus à briller qu’à convaincre ; il veut éblouir plus qu’émouvoir ; d’ailleurs son livre est écrit pour le public. […] XX Mais vous qui vivez à la campagne, soit dans le château démantelé de vos pères, non loin de l’église du village et des pauvres du hameau, soit dans la maison modeste, château nivelé de l’honnête bourgeoisie du dix-neuvième siècle, élevant là des fils, des filles, des sœurs étagées par rang d’âge dans la vie, qui vous demandent des livres à la fois intéressants et sains, où respirent dans un style enchanteur toutes les vertus que vous cherchez à nourrir dans votre jeune tribu ; vous qui, après une existence laborieuse, vous êtes retirés à moitié de la vie active dans le verger de vos pères pour y soigner les plantes naissantes destinées à vous remplacer sur la terre, et qui voulez les saturer de bonne heure de ce bon air vital plein des délicieuses senteurs de l’air ; enfin vous qui, déjà vieillis et désintéressés de votre propre existence prête à finir, voulez cependant jeter un dernier regard consolant sur les péripéties intérieures de ceux qui traversent les sentiers que vous avez traversés, afin d’y retrouver vos propres traces et de vous dire : « Voilà ce que j’ai éprouvé, pensé, senti, prié dans mes moments de tristesse ou de consolation ici-bas ; voilà la moisson en gerbes odorantes que j’emporte à l’autre vie » ; mettez à part, ou plutôt gardez jour et nuit sur votre cheminée, comme un calendrier du cœur, non pas ce livre confus où l’on a entassé pêle-mêle les œuvres du frère et de la sœur pour que le génie de l’une fit passer sur la médiocrité de l’autre, mais le volume de Mlle de Guérin, cette sainte Thérèse de la famille, qui n’a écrit que pour elle seule, et dont une amitié longtemps distraite n’a recueilli que bien tard les chefs-d’œuvre involontaires qu’elle oublia de brûler au dernier moment.
S’il a rarement l’espèce de beautés supérieures qui naissent d’un plan fortement conçu et d’un sujet traité en rigueur, ni cette perfection intérieure et secrète de l’ensemble qui se fait sentir par la réflexion, il a une diversité infinie de pensées justes, délicates profondes, qui sont comme des lumières répandues sur tout le domaine de la pensée. […] Au milieu de tant de Mémoires que produit le xvie siècle, les plus intéressants, peut-être les seuls durables, sont ces Mémoires de la vie intérieure, de la pensée d’un homme. […] De là, dans les écrivains des deux époques, tant de choses données à l’imagination tournée vers l’étude de l’homme intérieur, et je ne sais quels romans psychologiques sur notre nature morale.
La « méthode intérieure » était supposée suffisante ; même quand la physiologie eut commencé à fournir des indications sur la dépendance des faits mentaux à l’égard des états nerveux, les psychologistes insistèrent sur ce fait que la conscience ne nous dit rien de cette dépendance, et ils en concluaient qu’ils n’avaient rien à faire de la physiologie et de ses lois. Bien interprété, ce fait que la conscience ne nous dit rien de ses conditions physiologiques aurait dû au contraire être fatal aux prétentions de la méthode intérieure. […] Tout ce que le physiologiste peut faire, c’est d’indiquer les rapports de cette forme de la conscience, avec les forces intérieures et les parties du système nerveux qui lui servent d’organes.
C’est sans doute cette sérénité intérieure, cette certitude indifférente ou déjà blasée qui permet à M. […] Maeterlinck a écrit sur la « Parole intérieure », il n’a fait qu’enrichir de quelques étoiles la nuit profonde où se meuvent nos âmes ; quand M. […] Evangélique ou naturelle, il lui offre l’abri de la conscience ; il la veut intérieure et non extérieure à l’homme. […] La révélation intérieure dénoue le drame et, finalement, l’homme est libre en Dieu. […] Vallette surpasse ce qu’on lui a connu d’activité intérieure.
Vous êtes intérieur à votre pensée, vous ne sortirez pas d’elle. […] Ici les lois sont intérieures aux faits et relatives aux lignes qu’on a suivies pour découper le réel en faits distincts. […] Cherchons, au plus profond de nous-mêmes, le point où nous nous sentons le plus intérieurs à notre propre vie. […] Si je la déclare une, des voix intérieures surgissent et protestent, celles des sensations, sentiments, représentations entre lesquels mon individualité se partage. […] Telle est ma vie intérieure, et telle est aussi la vie en général.
La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail. […] Nous avons vu ces centaines d’ébauches, notes de son poème intérieur, par lesquelles il mesurait ses progrès ou préparait les groupes, même les plus indifférents en apparence, de ses grands tableaux ; ces notes sont aussi achevées que ses poèmes. […] Ce tableau de Gérard, en face du beau visage flétri de madame Récamier, au-dessus de la tête triomphale et dédaigneuse de M. de Chateaubriand, complétait bien la scène d’intérieur à laquelle j’étais rarement admis. […] Le hasard nous a fait connaître personnellement quelques-uns des principaux personnages et quelques-unes des circonstances de ce drame intérieur, si intimement mêlé à la vie, aux œuvres, au génie, à la mort du jeune Robert, ce Werther des peintres.
On n’y entendait guère que le pas lourd et régulier du vieux majordome de la maison, qui parcourait les corridors pour porter des cruches d’eau aux portes des chambres des hôtes, et le jaillissement monotone des jets d’eau retombant en notes argentines dans les bassins de la cour intérieure. […] La belle veuve et sa fille s’occupaient dans leur intérieur de quelques détails de ménage avec l’intendant, le majordome et les fermiers de la terre ; le chanoine disait sa messe ou lisait son office à l’ombre des longues allées de charmille du parterre ; le professeur annotait pour la centième fois son Arioste dans la bibliothèque, pavée de manuscrits. […] « Des herbes fines et molles y tapissaient à l’intérieur un lit qui invitait à s’y étendre ; la belle fugitive se glisse au milieu, s’y couche et s’y endort. […] Sa charmante mère était moins émue, mais pas moins charmée ; elle recueillait son plaisir intérieur sous ses longs cils fermés sur ses yeux ; mais, pendant que le haut du visage gardait ainsi la gravité de l’attention, ses lèvres souriaient par moments comme en rêve.
Les prosateurs, qui, tel Jean-Jacques, suivent la dictée d’une voix intérieure et retournent vingt fois dans leur tête les phrases qu’ils construisent ; ceux qui, tel Flaubert, les font passer par leur « gueuloir » pour en éprouver l’euphonie, attachent une légitime importance aux délicates combinaisons de syllabes qui forment ce qu’on appelle « le nombre ». […] On commence à comprendre aussi qu’un musée digne de ce nom, au lieu de ranger côte à côte dans des galeries quelconques des œuvres séparées souvent par une large distance dans l’espace et le temps, œuvres disparates qui hurlent de ce rapprochement forcé, devrait replacer chaque groupe de tableaux et de statues dans un intérieur aménagé, meublé, orné à la mode de l’époque et du pays où ils naquirent. […] Toujours un changement de la décoration intérieure et du mobilier accompagne et trahit un changement dans les goûts littéraires. […] Il est inutile de prolonger cette revue des changements que les œuvres littéraires et la décoration des intérieurs subissent de compagnie.
L’intérieur, est resté provincial, normand, chardinesque, et les grandeurs n’ont rien changé au train de la maison. […] Il dit que la lucidité des cloisonnés chinois tient à ce que tout l’intérieur des cellules, avant que l’émail y soit versé, est argenté : les arêtes extérieures étant dorées après la finition de la pièce. […] Et dans le fouillis des choses, la presse des objets, la confusion des formes et des couleurs, l’on entrevoit encore des photographies de l’Empereur Napoléon III, dans toutes les phases de sa bonne ou de sa mauvaise fortune ; on entrevoit les éclairs de rubis et d’émeraude de toute une collection d’oiseaux-mouches dans l’ombre d’une armoire ; on entrevoit des aquarelles drolatiques de Giraud représentant des scènes de l’intérieur de la princesse ; on entrevoit d’élégiaques têtes d’études d’Amaury Duval ; on entrevoit de vieilles gravures représentant Napoléon Ier en costume troubadouresque ; on entrevoit des mécaniques en bronze doré pour tenir horizontalement une branche, on entrevoit par l’entrebâillement des panneaux, des tiroirs, des albums, des blocs de papiers à aquarelle, des cornets de cristal hérissés de pinceaux, des tubes, des vessies, une armée de bouteilles d’encres de couleur avec leurs floquets de ruban rouge : tous les ustensiles et tous les outils de la peinture à l’huile, de l’aquarelle, du pastel, du crayonnage, — à l’état de provisions. […] C’est gentil un jeune ménage, dans un appartement qui n’est pas complètement meublé, dans un intérieur où le tapissier n’a pas posé le dernier clou, et où le premier enfant apparaît à l’état de ronde bosse.
Tolstoï est au nombre des plus grands créateurs d’hommes littéraires, et par les dons mêmes d’observation véridique qui le font représenter la vie intérieure et extérieure de ses personnages avec une exactitude plus originale, plus minutieuse que ses devanciers, et par l’intuition peut-être inconsciente, mais profonde et marquée de deux des principaux caractères de toute vie organique et de toute existence : l’abondance des manifestations, le maintien d’un équilibre défini entre sa variabilité et sa permanence. […] Ceux qui l’ont suivi, que cette création d’art a saisis par son aspect aussi original que le vrai, par sa cohérence intérieure, par l’abondance, la variabilité et la constance des êtres, par sa complexité, et ce caractère de présentation immédiate et illogique qui la rend égale et aussi incontestable que ce qui existe, séduits ainsi au point de transposer en ces livres quelques instants de leur vie, hésitent déconcertés devant ce dédain et ce souci d’autres choses. […] La plupart échappent à cette question qui touche du plus près, par stupidité ou par peur, par un effroi instinctif de l’envisager qui trahit sûrement leur ruine intérieure. […] Comme Lévine, il a rencontré sur sa route un pauvre d’esprit dont les paroles ont retenti dans son cœur, comme une voix intérieure, et ce Slave dont l’âme violentée et repoussée par les durs dogmes de la science occidentale, demandait au monde plus de bonté qu’il n’en contient, cet aristocrate, cet homme de fortune, ce grand écrivain s’est retiré à la campagne, écrit des contes pour les moujiks, s’adonne à des travaux manuels, fait des souliers et raccommode des poêles, donne son bien en aumône, prêche la vie populaire, le refus du serment, le pardon des injures, l’union avec une seule femme, interdit le divorce, le service militaire, la violence, la résistance aux méchants, les injures et menace de fonder une nouvelle secte de gens scrupuleux et troublés dont il sera le patriarche, devenu aujourd’hui un grand vieillard de soixante ans, les cheveux longs rejetés en arrière du front creusé de profondes rides, au-dessus des yeux plus caves, mais fermes, inébranlablement fermes, les joues creuses autour du large nez et ployant sur de massives pommettes, la bouche droite, saillante et close, au milieu d’une longue barbe blanche tombant sur de larges épaules, l’air vénérable et sûr, de la certitude de ceux qui ont cru à jamais ; l’air noble et d’une joie austère, de la joie de ceux qui sont affermis dans leur foi.
Louis XVIII octroyait au poète, en septembre 1822, une pension de 1 000 francs sur sa cassette particulière et, en février 1823, une seconde pension de 2 000 francs sur les fonds littéraires du ministère de l’Intérieur. […] Cette phrase qui paraîtra un plagiat du mot historique de Béranger, est une profession de foi : elle voulait dire, qu’il allait accepter les grâces et faveurs de la monarchie, tout en restant républicain dans son for intérieur. […] Enfin arrive le grand jour : Hugo reconquérant la liberté de sa pensée, ne sera plus obligé de flatter les rois en public et de chérir la république dans son for intérieur. […] Dans la préface des Voix intérieures de 1837, il avait pris pour devise : « Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (c’est-à-dire qui rapportent) ; n’être d’aucun par leurs mauvais côtés (c’est-à-dire qui occasionnent des pertes). » Hugo a été un ami de l’ordre : il n’a jamais conspiré contre aucun gouvernement, celui de Napoléon III excepté, il les a tous acceptés et soutenus de sa plume et de sa parole et ne les a abandonnés que le lendemain de leur chute.
VII Mais, pendant que ce sombre proscrit, à la taille haute et courbée, au visage long et pâle, à l’œil voilé par la réflexion intérieure, comme ses contemporains le décrivent, pendant que cet hôte des ennemis de sa patrie errait ainsi de ville en ville et de mers en forêts, regrettant sa maison rasée par son peuple, il couvait deux choses immortelles dans son front cave : sa gloire et sa vengeance. […] Cette scène a dû m’impressionner cependant avec une certaine force, puisqu’elle se retrouve si complète et si vive après trente ans dans mon imagination ; mais je ne la percevais que par mes sens et par le seul instinct, car mon esprit était absorbé par la contemplation intérieure d’une tout autre nature. […] Il voulut dire ce qui se passait en lui ; il voulut, selon sa propre expression, noter les chants intérieurs de l’amour, et Dante fut poète. » « Mais comme il faut toujours », poursuit Ozanam, « que la nature humaine se trahisse par quelque côté, les belles qualités de ce poète se déshonorèrent quelquefois par leurs excès. […] Si l’homme, d’après les philosophes, est un abrégé de l’univers, il ne se montre jamais si puissant que lorsqu’il maîtrise cet univers intérieur, ce tumulte orageux de sentiments et de pensées qu’il porte en lui.
Et tandis que la réalité, en tant qu’étendue, nous paraît déborder à l’infini notre perception, au contraire, dans notre vie intérieure, cela seul nous semble réel qui commence avec le moment présent ; le reste est pratiquement aboli. […] D’où l’impossibilité de laisser aux objets matériels existants mais non perçus la moindre participation à la conscience, et aux états intérieurs non conscients la moindre participation à l’existence. […] Mais à cette question l’associationnisme ne peut répondre, parce qu’il a érigé les idées et les images en entités indépendantes, flottant, à la manière des atomes d’Épicure, dans un espace intérieur, se rapprochant, s’accrochant entre elles quand le hasard les amène dans la sphère d’attraction les unes des autres. […] La doctrine qui fait de la mémoire une fonction immédiate du cerveau, doctrine qui soulève des difficultés théoriques insolubles, doctrine dont la complication défie toute imagination et dont les résultats sont incompatibles avec les données de l’observation intérieure, ne peut donc même pas compter sur l’appui de la pathologie cérébrale.