L’intérêt y est soutenu, vif, croissant ; la dernière scène, celle du massacre mutuel des deux armées dans la salle d’Etzel est comparable aux scènes les plus funèbres d’Homère dans le palais de Pénélope ; la vengeance d’une seule femme, Kriemhilt, égale la pudeur vengeresse de l’épouse d’Ulysse.
Mais, sauf ces cas de regret ou de délivrance, le passé n’offre pas le même intérêt que l’avenir et nous laisse plus contemplatifs, plus purement spectateurs.
Ces faits ont encore un intérêt tout spécial en ce qu’ils démontrent que, parmi les animaux comme parmi les plantes, toute modification possible de l’organisation peut résulter de l’accumulation de variations légères et accidentelles, pourvu qu’elles soient nombreuses, successives et surtout avantageuses, sans que l’exercice des organes ou l’habitude intervienne en aucune façon.
En vain nous essayons, nous autres descendants des races ariennes, de nous figurer ce Dieu dévorateur ; nous laissons toujours quelque beauté, quelque intérêt, quelque portion de vie libre à la nature ; nous n’atteignons le Créateur qu’à demi, avec peine, au bout d’un raisonnement, comme Voltaire et Kant ; nous faisons de lui plus volontiers un architecte ; nous croyons naturellement aux lois naturelles ; nous savons que l’ordre du monde est fixe ; nous n’écrasons pas les choses et leurs attaches sous le poids d’une souveraineté arbitraire ; nous ne nous figurons pas le sentiment sublime de Job qui voit le monde frissonner et s’abîmer sous l’attouchement de la main foudroyante ; nous ne nous sentons plus capables de soutenir l’émotion intense et de répéter l’accent extraordinaire des Psaumes, où, dans le silence des êtres pulvérisés, rien ne subsiste que le dialogue du cœur de l’homme et du Dominateur éternel. […] Supposez des hommes condamnés à mort, non pas à la mort simple, mais à la roue, aux tortures, à un supplice infini en horreur, infini en durée, qui attendent la sentence et savent pourtant que sur mille, cent mille chances, ils en ont une de pardon ; est-ce qu’ils peuvent encore s’amuser, prendre intérêt aux affaires ou aux plaisirs du siècle ?
Cette critique-là est du plus sérieux et du plus profond intérêt ; mais elle n’implique nullement et l’on pourrait presque dire qu’elle exclut la lecture lente, paresseuse et voluptueuse, la lecture qui savoure, qui se récrie et qui annote, la lecture à la façon des bons humanistes du temps passé. […] Ils ont de petits plaisirs, de petits intérêts, de petites préoccupations quelquefois de petites querelles de ménage.
L’intérêt des vers de Méléagre et de ceux de ses contemporains de l’Anthologie est aussi dans le jour qu’ils jettent, au déclin de l’antiquité, sur la Grèce demi-orientale de l’Asie Mineure et de l’Archipel. […] A cette époque la patrie est si étroitement identifiée avec le Roi, leurs intérêts sont si mêlés, leur avenir est si bien le même, qu’il devient quelquefois diffìcile de distinguer nettement en Louis XI le mauvais homme du monarque habile. […] Il est d’une nature peu sérieuse et n’a de pensées que pour ses intérêts. […] Sur ce pied-là, Sire, ces deux hommes l’ont regardée comme une personne irritée contre la reyne d’Espagne et contre les intérêts de Votre Majesté, et qui, par cette raison, leur convenoit à l’un et à l’autre.
En lui aussi, je crois sentir le grand et serein naturel des classiques, une sensibilité ample et pure, une abondante faculté d’amour sans caprice, une âme de lumière qui ne porte en elle aucun secret et honteux intérêt à troubler le sincère reflet des choses, à en fêler la répercussion… » Certes, dirai-je à mon tour, Lamartine avait bu le breuvage empoisonné de Jean-Jacques. […] Nous n’avons pas tout à fait tort ; mais Nietzsche a raison d’appeler Voltaire le dernier des grands poètes dramatiques qui entrava par la mesure grecque son âme … Il fut sans contredit, le premier de son temps dans l’art de Corneille et de Racine, et malgré le ton languissant de ses pièces, il conserve encore beaucoup d’intérêt, du moins au point de vue historique. […] En traversant San Remo, après tant d’années, j’ai voulu me remémorer cette jeune beauté ; mais il m’était impossible de me la figurer, avec quelque intérêt, ou morte dans le tombeau, ou avec des fils blancs dans ses beaux cheveux et mère d’une nombreuse famille.
Nous nous éloignâmes, mais cela ne changea rien à mon tendre intérêt pour vous.
Il fait un coloré et spirituel portrait de Royer-Collard : « Un œil très fin, très malin, sous un épais sourcil, un œil embusqué sous une broussaille, le bas de la figure disparaissant dans une cravate, qui montait parfois jusqu’au nez, au dos une grande redingote du Directoire, et toujours les bras croisés et la tête renversée en arrière… « Il m’avait déclaré qu’il avait lu mes livres, que les uns lui plaisaient, les autres non, mais qu’il ne voterait pas pour moi, parce que j’apporterais une température qui changerait le climat de l’Académie… Je vous l’avoue, j’aimais aller à l’Académie, les séances du dictionnaire avaient un intérêt pour moi ; je suis très amoureux d’étymologies, charmé par ce qu’il y a de mystère dans ces mots de subjonctif, de participe… J’étais assidu autour de cette table, où juste en face de moi, comme vous l’êtes, monsieur de Goncourt, j’avais Royer-Rollard.
Or il dit, que ce travail ne lui présente pas d’intérêt, parce qu’il y met tout ce qu’il y a d’emmagasiné en lui, et que ça ne lui offre pas la jouissance d’inventer, d’imaginer.
L’embryologie prend ainsi un plus grand intérêt encore, de ce qu’on peut considérer chaque embryon comme un portrait plus ou moins effacé de la commune forme mère de chaque grande classe d’animaux.
Le livre où, sous la direction de Koenig, la belle Émilie explique tout au long la doctrine leibnizienne, les Institutions de physique, en 1740, est à l’origine d’un vif mouvement d’intérêt : « Tout le monde connaît les monades, depuis la brillante acquisition que les Leibniziens ont faite de Madame du Châtelet54… » : tout le monde, à commencer par Voltaire, qui témoignera quelque déférence au philosophe allemand aussi longtemps que vivra sa brillante amie, et accablera ce même philosophe de ses sarcasmes dès qu’elle sera morte, comme pour se venger de la contrainte qu’elle lui avait imposée en l’obligeant à entrer en relations avec un esprit si différent du sien. […] Cet ennui peut être aussi accablant que la douleur : auquel cas elle n’a d’autre intérêt que de s’y soustraire ; et elle se porte sans choix à toutes les manières d’être qui sont propres à le dissiper. » 53.
* * * — Tout va au peuple et s’en va des rois, jusqu’à l’intérêt des livres qui descend des infortunes royales aux infortunes privées : de Priam à Birotteau.
Le curare sert ainsi de moyen contentif au physiologiste, car les animaux, exactement comme s’ils étaient solidement attachés sur une table de laboratoire, sont véritablement enchaînés pendant plusieurs heures dans de telles expériences, qui offrent d’ailleurs de l’intérêt à beaucoup d’autres points de vue. […] Il put le garder à son service pendant sept années, durant lesquelles il fit un très-grand nombre d’observations du plus haut intérêt pour la physiologie.