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556. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Ils sont novateurs par instinct et par principes. […] La raison n’est point impersonnelle ; elle ne l’est pas plus que le sentiment, la passion, l’imagination et l’instinct. […] Il ne tient pas compte et des instincts mêmes, probablement éternels, de l’humanité, et de ses intérêts véritables. […] Ceux qui ont perdu toute trace même d’instinct religieux, n’ont point de morale du tout, ou en fabriquent une qui n’a aucune vertu. […] L’instinct dramatique remplit toute cette saison du génie d’Hugo.

557. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Les instincts de M.  […] Cet instinct est profond. […] Il le sentit d’instinct. […] Il n’y avait pas besoin de beaucoup d’instinct pour flairer un bavard. […] Ses instincts de générosité positive la retenaient dans la saine réalité de la vie.

558. (1890) Dramaturges et romanciers

Il est triste et mélancolique, parce qu’il connaît le secret de la destinée qui pèse sur lui, et que, le voulût-il, il ne pourrait pas échapper à l’instinct du meurtre pour lequel il a été créé. […] Si un instinct fatal ne nous poussait, qui de nous oserait jamais sonder ce mystère formidable et livrer aussi aveuglément sa vie à l’inconnu ? […] Quand elle commet quelque indignité, ne croyez pas que ce soit par instinct de dissimulation, par besoin de vengeance, par orgueil blessé. […] Le romancier a découvert le moyen d’associer en un paisible ménage les deux instincts ennemis et de faire dialoguer les deux voix sans clameurs violentes et sans dissonances anarchiques. […] Un vieux célibataire libertin s’avise de se placer en rivalité d’amour avec son fils naturel dont il n’a jamais pris souci et qui l’exècre d’instinct cordialement.

559. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’homme, par un instinct occulte, mais universel, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] Le maître de tout, l’instituteur et le législateur des formes et de l’expression humaine n’est autre que l’instinct, cette révélation sourde, mais impérieuse et pour ainsi dire fatale, de la nature dans notre être et dans tous les êtres. […] C’est là la première épreuve de l’âme aimante, entraînée par un mystérieux instinct vers l’âme aimée, qui signifie ici l’être de l’être.

560. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ce ne sont pas les seules passions anarchiques qui renversent les trônes : cela ne s’est jamais vu ; ce sont ces mauvais sentiments s’appuyant sur de bons instincts. […] J’ai lu des articles sur Tocqueville qui étaient plus bienveillants, je n’en ai pas lu un seul qui sût, aussi bien que les vôtres, mettre en relief ce qui dans ses écrits est vraiment beau, ce qui plaît en eux, ce qui charme : sympathie intellectuelle, confraternité d’artiste, quelque nom qu’on donne au sentiment qui vous fait agir, c’est encore de la bienveillance, et la plus sûre, car elle vient de l’instinct plus que de la volonté.

561. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Toujours en haleine, aux écoutes, faisant de fausses pointes et revenant sur sa trace, sans système autre que son instinct et l’expérience, il a fait la guerre au jour le jour, selon le pays, la guerre à l’œil, ainsi que s’exprime Bayle lui-même, qui est le génie personnifié de cette critique. […] Je lirois beaucoup, je retiendrois diverses choses vago more, et puis c’est tout. » Ces passages et bien d’autres encore témoignent à quel degré Bayle possédait l’instinct, la vocation critique dans le sens où nous la définissons.

562. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

À Lyon, il y a plus de vingt mille ouvriers en soie qui sont consignés aux portes ; on les garde à vue, de peur qu’ils ne passent à l’étranger. » À Rouen616 et en Normandie, « les plus aisés ont de la peine à avoir du pain pour leur subsistance, le commun du peuple en manque totalement, et il est réduit, pour ne pas mourir de faim, à se former des nourritures qui font horreur à l’humanité »  « À Paris même, écrit d’Argenson617, j’apprends que le jour où M. le Dauphin et Mme la Dauphine allèrent à Notre-Dame de Paris, passant au pont de la Tournelle, il y avait plus de deux mille femmes assemblées dans ce quartier-là qui leur crièrent : Donnez-nous du pain, ou nous mourrons de faim. » — « Un des vicaires de la paroisse Sainte-Marguerite assure qu’il a péri plus de huit cents personnes de misère dans le faubourg Saint-Antoine depuis le 20 janvier jusqu’au 20 février, que les pauvres gens expiraient de froid et de faim dans leurs greniers, et que des prêtres, venus trop tard, arrivaient pour les voir mourir sans qu’il y eût du remède. » — Si je comptais les attroupements, les séditions d’affamés, les pillages de magasins, je n’en finirais pas : ce sont les soubresauts convulsifs de la créature surmenée ; elle a jeûné tant qu’elle a pu ; à la fin l’instinct se révolte. […] Éclairé par son instinct féodal et rural, le vieux gentilhomme juge du même coup le gouvernement et les philosophes, l’Ancien Régime et la Révolution.

563. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Ainsi s’avilit la grandeur essentielle des sujets par la complaisance des poètes pour les bas instincts du peuple. […] Car il n’appartient qu’aux époques de réflexion raffinée de goûter l’imitation des mœurs étrangères ou inconnues : l’instinct spontané de la foule inculte ne réclame que l’imitation des mœurs connues et familières.

564. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il a le sens de la scène, l’instinct des combinaisons qui font effet : cet art très particulier du théâtre, qui n’a rien de commun avec la littérature, qui n’a besoin ni de la poésie ni du style pour valoir, aucun romantique ne l’a possédé comme Dumas. […] Il est loin d’avoir l’instinct scénique de Dumas.

565. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Je ne serais pas surpris qu’elle sût de nouveau imposer son autorité : il suffira de quelques critiques décidés, possédant, avec de l’instinct et du talent, du caractère. […] Aux qualités que l’on demande à un critique, instinct littéraire et talent, M. 

566. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Mais de même que, parmi les vérités simples et philosophiques, bon nombre lui ont été inconnues, dont la forme des sociétés ne lui fournissait même pas la matière ; de même, dans l’ordre des vérités de devoir, elle a été bornée à cette sagesse d’instinct qui dirige les actions de l’homme pour le pays et pour le temps où il vit, et qui satisfait, par la même conduite, à la justice des dieux et à celle des hommes. […] Luther, quoique moins docte, ne l’avait pas ignorée mais il se fiait plus à cette méthode d’instinct, qui est le don des hommes de génie, et sa fougue le rendait incapable d’ordre et de proportion.

567. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Avec l’instinct, et la sagacité du génie, Eschyle remania en tous sens le récit épique pour l’adapter à l’action tragique. […] L’instinct maternel survit dans son âme ; il y a en elle un reste d’entrailles déchirées qui tressaille encore.

568. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Et il accuse Paris d’avoir arraché les bons instincts et les vertus qu’il a déracinés lui-même de son cœur ! […] Jusqu’à présent, la question de l’enfant naturel n’avait guère été traitée, au théâtre, que sous son côté violent et hostile : combat ou antagonisme, contraste entre la misère de l’enfant du hasard et la richesse de l’homme sans entrailles qui l’a mis à la porte de la vie, sans pain et sans nom ; représailles du fils reniant le père qui l’a délaissé, lorsqu’une circonstance imprévue le met sous sa main et à sa merci ; l’instinct de la nature aboli dans son âme par l’abandon dénaturé dont il a été la victime.

569. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Le Beau est ce que votre maîtresse et votre bonne trouvent d’instinct affreux. […] Il a un visage, moitié singe, moitié voyou de Londres, et une petite tête et un petit corps, où semblent germer tous les mauvais instincts d’un cocher de remise, d’une bonne de fille, d’un enfant de pauvre, enfin le type complet de l’emploi.

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