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318. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Mais l’histoire d’une nation est essentiellement une, et, à parler rigoureusement, il est presque impossible de bien comprendre la situation morale de l’Allemagne à la fin du xviiie  siècle, si l’on ne connaît dans une certaine mesure les temps qui ont précédé et préparé celui qu’on étudie ; en sorte qu’il me paraît nécessaire de présenter ici une esquisse rapide de l’histoire de la civilisation germanique depuis ses plus faibles commencemens jusqu’à l’époque où Kant a paru, afin de faire bien saisir l’esprit fondamental et permanent de la grande nation à laquelle notre philosophe appartient, et dont il est le représentant. […] Copernic, voyant qu’il était impossible d’expliquer les mouvemens des corps célestes, si l’on supposait que ces corps tournent autour de la terre immobile, fit tourner la terre avec eux autour du soleil ; de même Kant, au lieu de faire tourner l’homme autour des objets, fit tourner les objets autour de l’homme. […] Et Kant remarque avec raison qu’il est impossible de réduire cette notion de nécessité à une habitude, née d’une liaison constante : c’est là détruire et non pas expliquer le principe de causalité, qui, pour agir, n’attend pas l’habitude et intervient dans le premier changement comme dans le centième pour nous faire affirmer qu’il ne peut pas ne pas avoir une cause. […] Quand vous dites : tous les corps sont étendus, comme il est impossible de concevoir la notion de corps sans celle d’étendue, ni celle d’étendue sans celle de corps, vous n’énoncez pas une nouvelle connaissance, vous ne faites que développer celle que vous aviez déjà. […] Sans les axiomes, la science est impossible, mais ils ne font pas la science ; sans eux, il n’est pas permis d’établir un principe, de déduire une conséquence, mais ils ne sont ni ces principes, ni ces conséquences.

319. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Pour la plupart de nos plantes les plus anciennement cultivées et de nos animaux domptés déjà depuis de longs siècles, il est impossible de décider définitivement s’ils descendent d’une ou de plusieurs espèces sauvages. […] Si les diverses races de nos Pigeons ne sont pas des variétés et ne procèdent pas du Biset, il faut alors qu’elles descendent d’au moins sept ou huit types originels ; car il serait impossible de reproduire les races domestiques actuellement existantes par les croisements réciproques d’un moindre nombre. […] Il est difficile au contraire, et peut-être impossible, de citer un seul exemple d’hybrides provenant de deux espèces évidemment distinctes qui se soient montrés cependant parfaitement féconds. […] — C’est un fait bien connu que, dans les cas les plus nombreux, il nous est impossible de reconnaître quel est le type sauvage des plantes les plus anciennement cultivées de nos parterres ou de nos potagers. […] De sorte qu’en face de tels faits, on ne voit rien d’impossible à l’existence des particularités caractéristiques du Pigeon-Paon, du Grosse-Gorge ou du Culbutant, chez des espèces sauvages ; et l’on peut admettre que toutes ces variations sont un effet de l’hérédité aussi bien que des influences actuelles s’exerçant sur les parents ou les embryons.

320. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il n’expulsa point les protestants, parce que c’était impossible, mais il les contint et leur rasa leurs forteresses. […] Il a cru que la Démocratie française se composait de quelques nobles jeunes gens, innocents à force de jeunesse, et d’une poignée de dévoyés de l’Ordre et de la Famille, étudiants de quinzième année, réfugiés politiques, cherchant le grain de la révolte n’importe où il tombe, le tout orné d’une guirlande fanée de bas-bleus, bons à mettre aux Incurables de l’Adultère et aux Impossibles de la Maternité. […] Ici les hiérarchies impossibles à abolir reviennent, et ne riez pas… M.  […] Mais pour sainte de Staël, c’est bien différent ; on voit l’instant où la canonisation va se trouver impossible. […] Cette rage retrouvée l’aveugle au point que lui, l’historien, l’homme des faits, dans une note de la page  129 qu’il nous est impossible de transcrire, non par pudeur, mais par honte (que le lecteur la lise sans nous !)

321. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Le moindre inconvénient du monde de Channing serait qu’on y mourrait d’ennui ; le génie y serait inutile, le grand art impossible. […] Est-il pourtant impossible de concilier la répulsion instinctive et animale de la tombe avec une aspiration raisonnée et philosophique au quiétisme absolu ? […] Il l’engageait en terminant à ne pas tenter l’impossible et à toujours demeurer « l’homme de sa nature ». […] Chez le créateur de Bouvard et Pécuchet, ce détachement nécessaire demeura perpétuellement impossible. […] Pour celui-là, une étude un peu plus longue et sérieuse n’eût pas été impossible.

322. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Impossible de le faire sortir de sa solitude et de sa sauvagerie. […] La pièce est impossible pour son théâtre, avec un premier acte qui a l’inconvenance de se passer au bal de l’Opéra, et un coup de pistolet de dénouement qui a la monstruosité de se tirer sur le théâtre ! […] Comme nous insistons sur la valeur du rôle, il nous dit qu’à la lecture, il n’y a pas fait attention, qu’il était tout à la pièce, qu’il est impossible qu’il joue un rôle de dix-sept ans. […] Aujourd’hui Thierry nous déclare qu’il est impossible de jouer la pièce dans ce moment, qu’il faut la remettre après celle de Ponsard. « Il y a un vent de grève sur le théâtre français », nous dit-il. […] Un menuisier a surgi avec un compte de 15 000 francs pour des fournitures impossibles, pour des portes qui étaient de la pure ébénisterie.

323. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

« Vaine considération, impossible !  […] Il avoue que la métaphysique de l’Évolutionnisme est fatalement impossible. […] Cela est impossible. […] Je me demandais si par hasard la science elle-même, n’était pas impossible. […] la science impossible, chantèrent-ils, quelle folie !

324. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Comme on se contente, à l’ordinaire, de la sensation que donne le mot tout sec et tout nu, et comme tous les mots sont en somme des sensations pareilles de la vue et de l’ouïe, on ne s’aperçoit pas qu’ils forment deux catégories bien distinctes : les uns représentent des objets dont on peut faire l’expérience directe, les autres représentent quelque chose dont l’expérience est impossible.

325. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Après cela, quand on a fait tout ce qu’on pouvait, qu’on ne poursuive pas une perfection impossible ; qu’on laisse les vaines inquiétudes ; qu’on ne s’abîme pas dans la vague appréhension de fautes possibles qu’on ne voit pas.

326. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Croix, Camille de (1859-1915) »

Il me serait impossible de vous raconter en détail les multiples aventures qui se déroulent en ce livre, de vous présenter tous les personnages que M. 

327. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Il est impossible de méconnaître le principe commun qui les anime, l’unité de leur méthode. […] Vouloir que la raison cesse entièrement d’être subjective, c’est demander une chose impossible à Dieu lui-même. […] Nous l’avons suffisamment réfutée en faisant voir qu’il est impossible de réduire le beau à l’agréable. […] Il est impossible de porter plus loin le pathétique en conservant la beauté. […] Appeler l’homme à une telle liberté, c’est ouvrir son âme à des désirs infinis, qu’il lui est impossible de satisfaire.

328. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

c’est l’impossible, monsieur, pour des gens qui ont résolu que personne n’a le sens commun depuis le siècle de Louis XIV. L’impossible aussi pour ceux qui de nos jours posent en principe qu’on ne sait pas écrire en français, et surtout de ces choses de morale et de société, depuis Louis XIV, ce serait de leur faire reconnaître que Senac de Meilhan est un moraliste et un écrivain des plus distingués, qui a de très grandes qualités, de belles parties, et plus que de la finesse, je veux dire de la largeur, de l’élévation, de l’essor. […] Ce qui est assez particulier, c’est que ce comte de Saint-Alban, dessiné de la sorte, nous est donné de son propre aveu comme ayant été à l’origine, et presque dès le collège, un libéral sans préjugés et un ambitieux de la belle gloire, de celle qui s’acquérait dans les luttes de la parole publique et de l’antique forum ; ce serait un grand citoyen manqué, un Chatam venu trop tard ou trop tôt, désœuvré dans le pays de Mme de Pompadour, et qui, voyant le noble but impossible, en aurait dédaigné de moindres, et se serait jeté, de dégoui et de pitié, dans les délices : Les plaisirs sont la seule ressource de l’homme ardent et passionné dont l’ambition est contrariée !

329. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Rien n’est mieux tenu, et il est impossible de voir de plus beaux hommes. […] Quand même je saurais écrire, il me serait impossible de te donner une idée de tout ce que j’ai éprouvé dans cette grande boîte à quintessence de mort, lançant de toutes parts sur l’eau ses mille langues de feu et obscurcissant le beau ciel bleu d’Orient par des tourbillons de fumée… Chère Louise ! […] Le plus beau point de vue du monde lui joue le mauvais tour de le laisser froid comme glace ; il faut l’entendre : « De la fenêtre de notre auberge à Péra, je vois toute cette grande villa ; j’ai beau me battre les flancs pour m’enthousiasmer ; impossible !

330. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

S’il est vrai que Théophile Gautier partagea ou eut l’air de partager quelques-uns des travers qu’il décrit, il était impossible de les railler avec plus de conscience, d’esprit et de finesse. […] — D’Albert aime la beauté et n’aime qu’elle ; mais il l’aime à un degré où il devient à peu près impossible de la rencontrer, et lorsqu’il aura l’air d’aimer quelque être qui lui en offre une certaine image, il sentira que ce n’est là qu’un prétexte et un fantôme, et que réellement il n’aime pas. […] Son effréné désir serait de remonter le cours des âges, de faire rebrousser le fleuve de l’humanité, D’Albert aime l’impossible, et il s’y acharne.

331. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mais, à travers toutes les sortes de discussions sur la Bulle, et au plus vif de ses propres inquiétudes pour obtenir la grâce impossible de son mari, Mme de Pontivy rencontra chez sa tante M. de Murçay. […] » — « C’est impossible, répondit-il, j’ai promis ; » et il répéta qu’il serait de retour au lever même. […] Elle le croyait un moment ; mais le lendemain elle revenait à la charge, et disait : « Hier, dans mon amour de vingt ans, je croyais qu’il n’y a rien d’impossible, de la part d’un homme qui aime, pour l’objet aimé.

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