En effet, si l’on regarde les quatre mille vers qu’il a écrits, ce n’est ni l’abondance des idées, ni la force de l’imagination, ni la profondeur du sentiment qu’on y peut admirer. […] Je sens chez Malherbe, dans le choix des idées et des thèmes, un effort pour écarter le particulier, le subjectif : il choisit les sujets où son esprit communie avec l’esprit public, les sujets d’intérêt commun. […] Il a eu certaines idées, parfois singulièrement étroites, sur la décence de l’expression : mais ses scrupules sont plus mondains que littéraires. […] « La raison qu’il disait pourquoi il fallait plutôt rimer des mots éloignés que ceux qui avaient de la convenance, est que l’on trouvait de plus beaux vers en les rapprochant qu’en rimant ceux qui avaient presque une même signification ; et s’étudiait fort à chercher des rimes rares et stériles, sur la créance qu’il avait qu’elles lui faisaient produire quelques nouvelles pensées, outre qu’il disait que cela sentait son grand poète de tenter les rimes difficiles qui n’avaient point été rimées265. » Pour peu qu’on soit familier avec la poésie romantique, on ne peut avoir de doute sur la valeur et la portée de ces idées. […] Ils trouvaient en lui des idées et un esprit conformes aux leurs.
Cette manière de concevoir la religion, qui a été celle des esprits les plus éclairés et les plus élevés, Lessing, Schleiermacher, Benjamin Constant, Mme de Staël, ne laisse pas que de soulever des difficultés considérables, lorsqu’au lieu de l’appliquer au passé on l’applique à l’avenir, et qu’on cherche à se faire une idée de la destinée religieuse de l’humanité. […] Le christianisme raisonnable de Locke, le christianisme dans les limites de la raison de Kant, le christianisme progressif de Lessing, le christianisme, unitaire de Channing, peut encore sauver l’idée religieuse du péril où l’ont jetée parmi nous la science et la philosophie. […] Le miracle écarté, il reste encore l’idée de la Divinité et de son action incessante sur l’univers ; il reste le sentiment religieux qui unit l’homme à Dieu. […] Soit ; mais si l’idée de Dieu est trop pauvre et trop froide pour réunir les hommes en un sentiment commun, avouez alors que c’est une idée vaine, et rendez les armes aux athées.
Cette belle symphonie donne même l’idée de celles dont Ciceron et Quintilien disent que les pythagoriciens se servoient pour appaiser, avant que de mettre la tête sur le chevet, les idées tumultueuses que les mouvemens de la journée laissent dans l’imagination, de même qu’ils emploïoient des symphonies d’un caractere opposé pour mieux mettre les esprits en mouvement lorsqu’ils s’éveilloient, et pour se rendre ainsi plus propres à l’application. Pour le dire en passant, le premier air dansant du prologue d’Amadis, celui qui vient après la fin du sommeil, donne l’idée de ces airs, au son desquels les pithagoriciens achevoient de s’éveiller. Pour revenir à la symphonie de l’opera de Roland, qui nous donne une idée des airs, au son desquels les pytagoriciens se disposoient au sommeil, elle est entierement dans la verité de l’imitation. […] La vrai-semblance s’y trouve certainement, quand elles font un effet approchant de l’effet que les bruits qu’elles imitent auroient pû faire, et quand elles nous paroissent conformes à ces bruits inoüis, mais dont nous ne laissons pas de nous être formé une idée confuse par rapport à d’autres bruits que nous avons entendus.
C’est toujours une bonne idée, pour qui tient à être lu et à faire son petit bruit immédiat, que d’écrire un livre sur les femmes… les femmes quelconques. […] Lui, qui a essayé d’écrire l’histoire de la Révolution française, l’histoire prise dans son esprit et dans son idée, a bientôt perdu la tête à cette hauteur d’abstraction, et il est retombé dans les habitudes de l’idolâtrie personnelle. Pour lui, la Révolution, qu’il disait — et avec raison — ne s’incarner dans aucun homme, se fait femme aujourd’hui, et tout aussitôt, avec la piété d’un enlumineur de fétiches, le voilà qui se met à nous peindre ce multiple visage de femme sous lequel l’idée révolutionnaire lui apparaît, peut-être d’autant plus puissante… Il est vrai qu’un remords le prend vers la fin de son travail : « Le défaut essentiel de ce livre — dit-il — c’est de ne pas remplir son titre. […] S’il ne s’adressait qu’à cette race de Vésuviennes… licenciées, qui, depuis le coup de foudre épurateur du deux décembre, se sont remises à rêver… en attendant leur émancipation définitive, nous l’aurions laissé aller peut-être à son adresse sans l’intercepter ; car nous sommes de ceux-là qui croient à l’endurcissement des idées fausses et à l’impénitence finale de certains partis. […] En avons-nous succinctement donné une idée ?
Quelles sont les idées qui semblent les plus puissantes pour vivifier les protestants dans cette guerre ? […] C’est un fait puissant, qui met dans leur patriotisme un ferment spécial. « Depuis un demi-siècle, me dit un pasteur d’origine alsacienne, nos âmes d’exilés souffrent comme d’une impiété des divisions de notre pays qui prolongeaient les souffrance de l’Alsace et semblaient même les négliger. » Pour la délivrance, il fallait mettre au-dessus de tout l’idée de patrie. […] Les jeunes protestants se rattachent aisément aux idées qu’a développées le général Lyautey sur le rôle social de l’officier. […] Je n’aime guère cette idée, à moins qu’on ne prenne le mot dans le sens antique consacré à. Dans l’acception moderne du terme, il y a une idée de perte.
Les lettres de Mme de Verdelin qui sont maintenant sous nos yeux nous donnent d’elle une plus juste idée. […] La façon dont je vis avec M. de… (Margency) m’avait fait voir avec plaisir que la société de M. de Foncemagne, devenu très-pieux depuis la mort de sa femme, avait réveillé chez lui des idées de religion et de piété. Notre confiance était la même ; les idées nouvelles, depuis plus d’un an, n’avaient pas apporté de gêne ; au contraire, nous étions plus heureux. […] Veut-on causer, on ne trouve pas une idée dans cette tête, ou, dans d’autres moments, on en découvre une foule de si petites, si petites, qu’elles se perdent en l’air avant que d’arriver à votre oreille. […] Mais soyons justes : sans Rousseau et les pages des Confessions, qui donc aurait aujourd’hui l’idée de s’occuper de ces anciens Bremond d’Ars ?
Il devint de son temps un vrai prince des poètes, comme on l’était avant Louis XIV, avec tout ce que l’idée de mode et d’engouement ramène sous ce nom. […] Le docte et élégant auteur des Métamorphoses, comme ne craint pas de l’appeler M. de Maistre, est bien supérieur à Delille en invention, en idées. […] Ovide a de l’esprit, de l’abondance, de jolis vers, de jolies idées, mais du prosaïsme, du délayage. […] Il venait de réciter à Parseval-Grandmaison un morceau dont l’idée était empruntée de Bernardin de Saint-Pierre, ce que Parseval remarqua : « N’importe ! […] Mais le prestige de la renommée et l’idée de génie rachetaient tout.
La sérénité de son esprit, la noble gravité de sa parole, la profondeur de ses connaissances historiques et la chaleur tempérée de son enthousiasme nous ont donné une idée du caractère de Goethe, son ami. […] Les idées de Goethe sur les femmes étaient des idées tout à fait orientales. […] Ces idées étaient conformes en lui à ce culte pour le fait grossier de la nature qui a donné la force à l’homme, la faiblesse et l’attrait à la femme. […] quand on a beaucoup vécu, beaucoup pratiqué les idées, les passions, les rois, les peuples, le dédain superbe et tranquille n’est-il pas la dernière forme de la sagesse humaine ? […] De cette reconnaissance de l’Occident avec l’Orient par l’Allemagne, un grand prodige s’opérera dans l’univers intellectuel : l’identité des idées retrouvée par l’identité des langues.
Le recueil intitulé la Lyre et l’Épée le transporta ; il eut l’idée de s’enrôler à la suite dans le même genre, et il composa à son tour un petit poème sur la vie de soldat. […] On avait écarté de chaque côté les rideaux verts qui le couvrent, il était parfaitement éclairé, et je me plus à le considérer tranquillement. « Oui, me dit alors Goethe, les anciens ne se contentaient pas d’avoir de belles idées ; chez eux, les belles idées produisaient de belles œuvres. […] Le poète tournait sans cesse autour d’une même idée et semblait toujours comme revenir à son point de départ ; la conclusion, brisée d’une manière étrange, produisait un effet extraordinaire et saisissait vivement. […] — Je ne puis, dis-je, accepter cette idée généralement répandue. […] « “C’était, disait Napoléon, affaiblir l’idée que se fait le lecteur de l’amour immense de Werther pour Charlotte.”
Il y aura donc toujours opportunité à demander compte aux idées de J. […] Tout y étant institué dans l’idée d’un être libre et faillible, tout s’y fait au rebours du bon sens. […] Il se ferait si le bon sens et l’usage n’en donnaient pas l’idée. […] Quoique moraliste parfois supérieur, aucun n’a exprimé sur la nature humaine plus d’idées contestables sans être originales. […] Mais autant l’indulgence pour sa personne est justice, autant la complaisance pour ses idées serait duperie.
Peut-être la foule comprend-elle mieux ces corps que l’Idée. […] Stuck a emprunté l’idée de son tableau La Guerre à Arnold Bœcklin dans l’ Aventurier. […] Le bibliophile a copié, respectueux, son œuvre en rubriques spéciales sur papiers idoines avec portraits des idées à mesure qu’elles passent. […] On joue aujourd’hui, comme il y a un an, en plein vent le Diable Marchand de Goutte et l’idée a été complétée au précédent Mercure. […] Mais ce point serait faux que la métaphore resterait exacte, et l’image porte avant tout simplement sur l’idée de travail et l’idée d’abeille, « tes petites mains » s’adressant à la personne.
Nul ne sait encore quelles idées et quels modes d’expression seront inscrits sur la liste des pertes, quelles nouveautés seront proclamées. […] Tous deux mettaient au point depuis 1922 l’idée d’un crime parfait, avec choix arbitraire de la victime. […] Il s’agit bien ici de contester l’idée de « crise de l’esprit » brandie contre les avant-gardes qui ont érigé en valeurs l’émotion et la sensation, non sans se réserver le droit de libre examen des vérités reçues . […] Les cinq premiers articles de son acte d’accusation contre Barrès développent l’idée d’imposture du style et de la « phrase [qui] ne satisfait que l’oreille ». […] L’homosexualité du poète nourrit implicitement l’idée de malédiction d’un poète dévoyé.
Cousin, a intenté contre La Rochefoucauld un procès dont la seule idée me semble peu soutenable. […] N’approchez pas davantage de Milton aveugle au moment où, dans un hymne éthéré, célébrant la création ou plutôt la source incréée de la lumière, il la revoit en idée à travers sa nuit funèbre et laisse échapper une larme. […] La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur. […] Leur spiritualisme, tel même qu’ils le définissent et le circonscrivent, outrepasse déjà la nature humaine et en donne une idée plus spécieuse que vraie, et à bien des égards décevante. […] Les chrétiens ne sont pas ainsi : en même temps qu’ils élèvent l’homme par l’idée de sa céleste origine, ils lui révèlent sa corruption et sa chute, et, dans la pratique, ils se retrouvent d’accord, moyennant ce double aspect, avec les observateurs les plus rigoureux.
Il avait fort souffert du premier accueil que les savants de profession avaient fait à ses idées ; et, même dans ses derniers jours, la blessure n’était pas encore guérie. […] Gœthe, qui connut et ne goûta que médiocrement Mme de Staël, ne paraît pas avoir eu une bien haute idée de Chateaubriand, le grand artiste et le premier en date de la génération nouvelle. […] Il se sentait compris, deviné par des Français pour la première fois : il se demandait d’où venait cette race nouvelle qui importait chez soi les idées étrangères, et qui les maniait avec une vivacité, une aisance, une prestesse inconnues ailleurs. […] Je mets tous mes soins à me faire une idée nette de l’état de la littérature française contemporaine, et si je réussis, je veux un jour dire ce que j’en pense. […] Et Gœthe faisait l’application de son idée à des talents en vue, à Mérimée qui montrait tant de maturité dans cette première œuvre de Clara Gazul ; et il cherchait un autre exemple saillant dans Béranger, non plus jeune, mais plein de grâce, d’esprit, d’ironie fine, bien que sorti d’une classe vulgaire.