C’était l’idéal de l’amitié, et celle qu’il inspira fut bien profonde, puisque non-seulement M. de Saint-Pierre lui adressa les lettres qui composent la relation de son voyage à l’Île de France, mais longtemps après, par une touchante fiction, il attribuait son système de la fonte des glaces polaires à un sage nommé M.
Gœthe, en effet, plus vanté encore que Diderot, devait être, bien plus que Diderot, l’idole et l’idéal du xixe siècle, et il l’est.
Racine ne pouvait et ne devait pas faire une Romaine d’une Asiatique et d’une Phrygienne ; le beau idéal s’élève au-dessus de la nature, mais ne doit jamais la contredire. […] Racine, dans ses caractères de femmes, s’élève jusqu’au beau idéal : Andromaque, Junie, Monime, Iphigénie triomphent des faiblesses de la nature, mais sans jamais sortir des bienséances du sexe : leur fierté même a de la modestie, leur dignité est sans orgueil et sans faste ; et jusque dans l’emportement de la douleur, elles savent conserver la décence : elles sont héroïnes sans cesser d’être femmes ; c’est ce qui les distingue essentiellement des amazones de Corneille, qui s‘ont des hommes déguisés. […] Il ne faut pas soumettre à l’examen d’une raison sévère cet enthousiasme d’une âme héroïque, ces transports de courage qui paraissent divins à des Français, mais que les Grecs auraient peut-être regardés comme un transport au cerveau, parce que, amis de la nature et de la vérité, ils admettaient rarement le beau idéal dans leurs tragédies. […] Mais sa vertu est sans dureté, sans aigreur et sans faste ; il est même aussi indécent qu’inutile que son gouverneur Théramène l’exhorte à soumettre son courage aux lois de Vénus, puisque dans ce même moment le jeune prince lui fait l’aveu de son amour pour Aricie : c’est une indiscrète imitation d’Euripide qui gâte un peu la première scène de Racine ; mais d’ailleurs rien n’égale la beauté presque idéale de son Hippolyte : s’il a quelque défaut, c’est d’être trop parfait, et d’exciter quelque indignation contre un père aveugle qui le condamne, et surtout contre les dieux qui exécutent cet injuste arrêt : il ne faut pas regarder comme une faute dans Hippolyte son amour pour Aricie, reste d’un sang fatal conjuré contre Thésée ; il se reproche à lui-même cet amour ; il prend le parti de fuir celle qui en est l’objet ; et cette résistance qu’il oppose au sentiment le plus doux, relève encore sa vertu.
Grandgousier, Gargantua et Pantagruel sont le Français sensé, d’esprit droit, d’imagination très mesurée, de cœur ferme, sûr et pitoyable, partisan de raison en toutes choses, surtout de raison positive et pratique, idéal que notre race poursuit sans cesse, est près d’atteindre quelquefois. […] L’ataraxie dans deux ou trois certitudes raisonnables et consolantes et dans le savoir, voilà bien l’idéal de Rabelais. […] À cet idéal il a donné une forme concrète ; il a bâti le sanctuaire de l’ataraxie intelligente ; il a construit ses Templa serena ; c’est l’abbaye de Thélème. […] Ils représentent en perfection la royauté paternelle et le despotisme intelligent, qui est l’idéal politique de Rabelais comme de presque tous les artistes et « studieux ». […] De là ses boutades continuelles contre eux ; ses peintures, consacrées désormais et devenues immortelles, des chat-fourrés ; de là surtout ce portrait merveilleux, tracé avec une ironie tranquille et imperturbable, digne de Swift, du juge parfait et idéal.
Les plus belles figures de femmes créées par les poètes sont fort peu particularisées ; elles représentent, Iphigénie, Béatrice, Berthe, Marguerite, Atala, bien moins un caractère unique que l’idéal moyen d’un homme et de son temps. […] L’art n’a pas encore perdu en France toutes ses vieilles libertés et il est encore permis, ce que les nations protestantes répriment sévèrement, comme un retour au paganisme, de mêler & l’ingénuité des fleurs et des feuillages la nudité idéale de l’homme et de la femme.
que ce confrère idéal, cet étincelant aîné nous a donc paru déplaisant et ridicule ! […] Tel m’apparaît, dans la pièce de Théodore Barrière, le journaliste idéal d’il y a quarante ans. […] Et sottise pour sottise, j’aime encore mieux celle de Péponet que la sottise travaillée et prétentieuse de cet Octave et de cet Edgar, Vous me direz qu’il ne faut pas prendre garde à leur langage, que chaque époque a sa façon de « faire de l’esprit » ; examinons-les donc en eux-mêmes, ces vertueux et ces désintéressés que Barrière oppose aux hypocrites et aux cupides et qu’il nous présente comme les types d’une humanité idéale.
Pour un Anglais elle ressemble à un chant, et le transporte à l’instant dans un monde idéal ou féerique.
Dimanche 3 mars Raffaëlli, de retour de Belgique, où il vient de faire des conférences là-bas, et auquel quelqu’un demande ce qu’il est allé faire là-bas, répond moitié blaguant, moitié sérieusement : « J’ai fait le commis voyageur de l’idéal !
Une beauté tout à fait gozzolienne, cette Mme de la Gandara, avec ses beaux yeux songeurs au grand blanc, l’ovale long de sa figure, les lignes pures de son nez, de sa bouche, la délicatesse extatique de sa physionomie, ses blonds cheveux lui tombant le long de la figure, en ondes dépeignées, comme les cheveux d’une Geneviève de Brabant, enfin avec ce caractère d’une tête, où la nature s’associe au coquet effort de se rapprocher des primitifs, et qui lui donne dans de la jeune vie, le charme archaïque d’une tête idéale d’un vieux musée.
Une basse envie le dévore ; l’indignation seule s’est emparée de l’âme de Timon ; ses véhémentes invectives sont justifiées par le sentiment profond des outrages qu’il a reçus ; c’est une sensibilité exagérée qui l’égaré, et s’il hait les hommes, c’est qu’il croit de bonne foi les avoir aimés ; peut-être même sa haine est-elle si passionnée, si idéale, qu’il s’abuse, lui-même en croyant les haïr plus qu’Apémantus dont l’âme est naturellement lâche et méchante. […] Il y a dans cette pièce plus de conversations que d’événements : on y respire en quelque sorte l’air d’un monde idéal, la pièce semble inspirée par la pureté des deux héroïnes, et lorsque les mariages et la conversion subite du duc usurpateur qui forment une espèce de dénouement vont rappeler les habitants de la forêt des Ardennes dans les habitudes de la vie réelle, si Jacques les abandonne, ce n’est pas dans un caprice morose, mais parce qu’il y a dans ce caractère insouciant et rêveur un besoin de pensées, et peut-être même de regrets vagues, qu’il espère retrouver encore auprès du duc Frédéric, devenu à son tour un solitaire.
Avertissement. Il y a plusieurs années que l’ouvrage que je présente aujourd’hui au public est composé, mais différentes raisons m’en ont fait différer la publication jusqu’à ce jour ; la principale a toujours été le choix du moment où je pourrais trouver le public disposé à accueillir cette histoire du peintre Louis David et de son école. L’admiration pour les ouvrages de cet illustre artiste a été si exclusive jusqu’au moment de sa mort, et ils ont été critiqués, dénigrés même avec tant de violence et d’injustice pendant les quinze ou seize années qui ont suivi son exil, qu’il m’a paru indispensable d’attendre que le temps eût calmé l’effervescence de ces passions contraires, et qu’il devînt ainsi possible de porter sur les travaux de David un jugement impartial, et de le faire accepter avec calme aux lecteurs. Si je ne me trompe, ce moment est venu, et les compositions de David, après un examen rigoureux de près de vingt années, sont sorties triomphantes de cette rude épreuve. Ses défauts, car quel est le maître qui n’en ait pas ?
Chacun est un petit monde indépendant, autonome, suivant la loi qu’il se fait, obéissant à son propre et pur instinct littéraire, ayant des sensations vraies, ce qui est, quoi qu’on puisse croire, la chose la plus rare, ayant son idéal en lui-même, ne faisant pas fléchir sa pensée ou son sentiment personnel pour les accommoder au goût dominant et au modèle consacré. […] Jamais homme n’avait à ce point méconnu l’idéal des hommes. » Si Zola a tant déplu aux délicats et à ce qu’on appelait, au xviie siècle, « les honnêtes gens », pourquoi, ce qu’on ne peut nier, a-t-il eu tant de succès auprès de la foule ?
Sous cet appel, toutes les aptitudes et tous les instincts se dressent à la fois : les bas et les sublimes, l’amour idéal et l’amour sensuel, l’avidité grossière et la générosité pure.
Symbole des contraintes nécessaires, qui font que les hommes se surmontent et que les arbres, élagués de leurs branches basses, s’élancent d’un jet plus svelte, vers la lumière : Qui ne sent qu’à son heure un idéal convenu Donne aux frustes silhouettes des accents justes et du style !